Après la mort de Mozart en 1791, sa musique est fort peu présente dans les salles de concert et sur les scènes parisiennes. Son nom est encore quasi inconnu quand Le Mariage de Figaro, l’adaptation française des Nozze di Figaro, entre au répertoire de l’Opéra en 1793. Cette première tentative est un échec, que les tragiques circonstances politiques – nous sommes alors en pleine Terreur – peuvent expliquer.
Tout change en 1801. Dix ans après sa mort, Mozart se retrouve au centre de l’actualité musicale parisienne. Cette année-là est marquée par trois événements importants. Tout d’abord, la création à l’Opéra de Paris des Mystères d’Isis, la parodie française de La Flûte enchantée : l’œuvre est adaptée aux exigences de la première scène lyrique nationale et transformée en un « grand opéra » en quatre actes, prétexte à la création de somptueux décors qui transportent le public dans une Égypte antique et féerique. Paraissent ensuite deux biographies consacrées à Mozart, les premières en langue française. Enfin, le Théâtre de la Cité, rebaptisé pour l’occasion « Théâtre Mozart », accueille une troupe allemande qui présente L’Enlèvement au Sérail dans une version originale, avec Aloisia Weber, la belle-sœur de Mozart, dans le rôle de Constanze.
Après l’éclatant succès des Mystères d’Isis en 1801, l’Opéra de Paris décide de monter un autre opéra de Mozart. Le choix se porte alors sur Don Juan. Tandis que le livret de Da Ponte est adapté par un général de brigade, la partition est arrangée par un musicien français d’origine allemande qui réorchestre la musique et ajoute des ballets pour flatter le goût du public français. Les répétitions se passent mal : certains chanteurs, effrayés par les difficultés de la partition, demandent à se faire remplacer et le premier corniste de l’Opéra, Frédéric Duvernoy, juge bon d’insérer un solo de cor de sa propre composition.
Au lendemain de la première, le 17 septembre 1805, une partie de la presse fustige l’invasion du « barbare Mozart » dans ce temple du goût qu’est l’Opéra de Paris. Le débat fait rage entre les adversaires du compositeur, qui dénoncent le « tintamarre confus » de la musique allemande, et ses partisans qui, ne reconnaissant plus ses œuvres, crient au « vandalisme ».
En 1809, sous le titre Les Amants napolitains, une adaptation de Così fan tutte est proposée, mais le directeur de l’Opéra, réticent, en retarde l’exécution. Néanmoins, des fragments de Così sont insérés dans Le Laboureur chinois, un pastiche de Berton et Lachnith, qui reste à l’affiche jusqu’en 1816.