retour

Toutes les comédies-ballets ont été commandées par Louis XIV, à l’exception de la première et de la dernière, Le Malade imaginaire. Représentés lors des fêtes de cour, ces spectacles qui associent le souverain, les artistes et les courtisans, souvent acteurs eux-mêmes, donnent l’illusion d’une certaine « familiarité » avec le roi. 

Acte à la fois esthétique et politique, la fête de cour est un instrument au service du pouvoir, qui contrôle ainsi les courtisans et fait sur les étrangers « une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur ». Tous les ans, les châteaux royaux de Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Chambord ou Paris, au Louvre puis aux Tuileries, servent de cadre à ces festivités.

Les trois plus grandes fêtes royales des années 1660-1670 font l’objet de publications accompagnées a posteriori de gravures d’Israël Silvestre, François Chauveau et Jean Lepautre, sous le contrôle du ministre Jean-Baptiste Colbert, afin d’en diffuser largement le récit et les images, et d’illustrer la grandeur de la monarchie française. C’est grâce à cette initiative que des estampes immortalisent les représentations de La Princesse d’Élide, de George Dandin, et du Malade imaginaire devant le roi. 

D’autres journées mémorables voient la création du Bourgeois gentilhomme à Chambord en 1670 ou de Psyché pour le carnaval de 1671 au théâtre du palais des Tuileries. Après la mort de Molière, sa troupe continue de donner régulièrement des représentations de comédies-ballets devant la cour.

La troupe de Molière s’installe au Palais-Royal à Paris en 1660. C’est dans ce lieu que sont reprises dès 1661 les comédies-ballets créées devant le roi, avec les musiques de Lully et les ballets de Beauchamps. Ce dernier règle les danses et dirige la musique, au contraire de Lully qui ne perçoit rien par ailleurs pour l’utilisation de ses compositions. 

Ces pièces plaisent au public et font de belles recettes. Monsieur, frère du roi, et son épouse s’y rendent régulièrement. Parmi les spectateurs, le poids de l’aristocratie reste important à côté des bourgeois qui occupent le parterre. Certaines pièces, dont les sujets sont trop éloignés de ce public parisien, ne sont pas reprises ou très rarement, tels La Princesse d’Élide ou Les Amants magnifiques.

Les comédiens de Molière, capables de chanter et de danser, peuvent interpréter une partie des divertissements, par exemple Madeleine Béjart et Catherine de Brie dans Le Mariage forcé. Pour tenter d’approcher l’effet produit par les intermèdes à la cour, on engage musiciens et danseurs supplémentaires et, plus rarement, des chanteurs, comme dans Psyché. Lors de la reprise de cette tragédie-ballet devant le public parisien à partir de juillet 1671, les chanteurs se présentent pour la première fois à visage découvert devant le public. 

Le succès de ces représentations avec musique incite les Comédiens-Français à décider de disposer de douze instruments de musique pour accompagner toutes les représentations. La troupe conservera des musiciens permanents ainsi que des danseurs tout au long du XVIII^e siècle.

En France au début des années quatre-vingt, un peu plus de 300 ans après la création de ces comédies-ballets, l’engouement pour la restitution authentique de la musique baroque sur instruments anciens et la redécouverte de la danse du siècle de Louis XIV suscitent la recréation fidèle de ces œuvres selon les critères de l’époque. 

Si les musiques existent toujours grâce aux manuscrits du XVII^e siècle, les chorégraphies n’ayant pas été notées doivent être réinventées. Ces reconstitutions historiques permettent de se faire une idée de la somptuosité des spectacles au temps de Molière.

La première comédie-ballet mise en scène selon ces nouveaux critères par Jean-Marie Villégier est Le Malade imaginaire en 1990, avec la musique de Marc-Antoine Charpentier entièrement restituée sous la direction de William Christie (Les Arts florissants) et une chorégraphie conçue par Francine Lancelot avec la compagnie Ris et Danceries. 

En 2004, Benjamin Lazar et Vincent Dumestre (Le Poème harmonique) remontent Le Bourgeois gentilhomme, sur la musique intégrale de Lully avec la gestuelle et la diction de l’époque. Plus récemment, en 2017, Vincent Tavernier (Les Malins Plaisirs) met en scène Les Amants magnifiques avec les six intermèdes de Lully dirigés par Hervé Niquet (Le Concert spirituel), et chorégraphiés selon le langage baroque avec une grande inventivité par Marie-Geneviève Massé.

En 2022, le Théâtre Molière Sorbonne, véritable école-atelier à destination des étudiants de Sorbonne Université, a entrepris de remonter Le Malade imaginaire dans une mise en scène très documentée, la plus proche des conditions de la création du spectacle en 1673 et 1674.