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Charles Duprat / OnP

Opéra

Le Trouvère

Giuseppe Verdi

Opéra Bastille

du 21 janvier au 17 février 2023

2h50 avec 1 entracte

Synopsis

Dans la foulée de Rigoletto, Verdi n’aspirait qu’à faire du nouveau. Mais il avait beau s’impatienter, le projet d’adapter El Trovador, pièce du dramaturge espagnol Antonio García Gutiérrez, ne suscitait de la part de Salvatore Cammarano, son librettiste, qu’un enthousiasme modéré. D’où peut‑être une intrigue rocambolesque, marquée par la malédiction d’une gitane sur fond d’Espagne médiévale et de troubadours. Pourtant, Verdi arrive à transcender cette histoire d’amour et de mort par la vertigineuse beauté du chant et une musique particulièrement inspirée, devenue un pilier du répertoire depuis sa création en 1853. Par la cohérence de sa mise en scène, qu’il situe dans le bruit et la fureur d’une guerre fratricide, Alex Ollé rend tout à coup possible la nuit, les châteaux, les soldats, les bûchers et la haine éternelle. 

Durée : 2h50 avec 1 entracte

Langue : Italien

Surtitrage : Français / Anglais

  • Ouverture

  • Première partie 70 min

  • Entracte 30 min

  • Deuxième partie 70 min

  • Fin

Voir les actes et les personnages

PERSONNAGES

Ferrando : Capitaine de la garde du comte de Luna
Leonora : Dame d’honneur de la princesse d’Aragon
Ines : Confidente de Leonora
Le comte de Luna : Jeune noble d’Aragon
Manrico : Un chanteur, rival amoureux et politique du comte de Luna
Azucena : Une gitane, mère supposée de Manrico
Ruiz : Partisan de Manrico
ACTE I - LE DUEL
Ferrando raconte à ses soldats l’histoire d’une gitane autrefois condamnée au bûcher pour avoir ensorcelé le plus jeune des deux fils du vieux comte de Luna. Par vengeance, la fille de la gitane a par la suite enlevé l’enfant, dont on a retrouvé les restes calcinés à l’endroit même où sa mère avait été suppliciée. Ferrando n’a pas encore retrouvé cette gitane mais il est certain de pouvoir la reconnaître malgré les années écoulées. C’est le soir, Leonora attend son amant, le chanteur Manrico. Elle raconte à Ines, sa confidente, comment elle l’a connu. Ines conseille à Leonora d’oublier Manrico. L’actuel comte de Luna, lui aussi épris de Leonora, les aborde. Il veut enfin lui déclarer son amour. Résonne alors le chant de Manrico. Trompée par l’obscurité, Leonora se précipite vers le comte. Elle réalise sa méprise lorsque paraît Manrico. Furieux, le comte reconnaît dans le chanteur non seulement son rival, mais également un adversaire politique. Leur querelle doit se régler par un duel.

ACTE II – LA GITANE
Dans leur camp, les gitans se préparent pour leur journée. La vue des flammes rappelle à Azucena l’image de sa mère sur le bûcher. Bien que Manrico soit sorti vainqueur du duel contre le comte de Luna, il lui a laissé la vie sauve afin de l’affronter lors d’un combat armé ultérieur. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il a été soigné par Azucena, sa mère. La gitane lui raconte la mort de sa propre mère, dévorée par les flammes, et lui apprend comment, par vengeance et dans une grande confusion mentale, elle a jeté dans les flammes non pas l’enfant du comte, mais son propre fils. Manrico l’interroge : s’il n’est pas son fils, qui est-il donc ? Azucena se ressaisit et parvient à le rassurer. Un messager apporte la nouvelle que Leonora, croyant Manrico mort, veut entrer au couvent. Manrico se précipite pour l’en empêcher. Le comte de Luna a lui aussi appris l’intention de Leonora. Il se prépare à l’enlever mais Manrico est plus rapide que lui et les amoureux s’enfuient ensemble.

ACTE III – LE FILS DE LA GITANE
Les soldats du comte de Luna s’apprêtent à attaquer le repaire de Manrico et Leonora. Le comte craint d’avoir perdu définitivement Leonora au profit de son rival. Azucena, à la recherche de Manrico, est arrêtée à proximité du refuge des amants. Elle est accusée d’espionnage. Ferrando reconnaît en elle la femme qui avait enlevé le frère du jeune comte, de nombreuses années auparavant. Lorsqu’elle appelle Manrico à l’aide, le comte de Luna réalise qu’elle est la mère de son ennemi et la condamne à mort. Manrico et Leonora doivent se marier en secret. Ruiz, l’ami de Manrico, vient alors leur annoncer qu’Azucena a été emprisonnée. Manrico appelle ses amis à l’aide afin de libérer la gitane, qu’il croit être sa mère.

ACTE IV – LE CHÂTIMENT
La tentative de Manrico a échoué. Emprisonnés, Azucena et son fils sont à la merci du comte de Luna et doivent être exécutés le lendemain à l’aube. Leonora a toutefois réussi à s’échapper et se fait conduire jusqu’à la prison par Ruiz. Elle implore le comte de laisser la vie sauve à Manrico. Elle est prête à s’offrir à lui en échange. Le comte accepte le marché. Afin de ne pas devoir tenir sa promesse, elle avale secrètement un poison. Leonora parvient à la prison. Elle tente de convaincre Manrico de s’enfuir sans elle. Se croyant trahi, Manrico maudit d’abord sa bien-aimée. Mais lorsque le poison commence à faire effet, il découvre qu’elle s’est sacrifiée par amour pour lui. Le comte de Luna a tout entendu et comprend que Leonora l’a trompé. Il fait immédiatement emmener Manrico à la potence et oblige Azucena à assister à la mort de son fils supposé. La gitane révèle alors l’horrible vérité au comte : Manrico était son frère.

Artistes

Opéra en quatre parties (1853)

D'après Antonio García Gutiérrez

Équipe artistique

Distribution

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Coproduction avec De Nationale Opera, Amsterdam et le Teatro dell’Opera, Roma

Galerie médias

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© Julien Benhamou / OnP

Le Trouvère à c(h)œur ouvert

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Rencontre avec les Chœurs de l’Opéra national de Paris

01 min

Le Trouvère à c(h)œur ouvert

Par Clara Guedj, Thida Thongsoume

À l’occasion de la reprise à l’Opéra Bastille de la production du Trouvère signée Alex Ollé / La Fura dels Baus, Alessandro Di Stefano, chef des Chœurs adjoint, Olivier Ayault et Liliana Faraon, artistes des Chœurs, nous parlent de la partition et reviennent sur les différentes étapes de travail qui font la richesse de leur métier, entre interprétation musicale et expression théâtrale.

© Charles Duprat / OnP

Podcast Le Trouvère

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris"

08 min

Podcast Le Trouvère

Par France Musique

Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Charlotte Landru-Chandès pour le lyrique et Jean-Baptiste Urbain pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir. 

Dessine-moi Le Trouvère

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Une minute pour comprendre l’intrigue

1:28 min

Dessine-moi Le Trouvère

Par Octave

Opéra le plus populaire de son temps, encensé dès sa création, Le Trouvère illustre à lui tout seul la magie du genre lyrique. De retour sur la scène de l’Opéra Bastille dans la mise en scène de Àlex Ollé, l'un des six directeurs artistiques du collectif catalan La Fura dels Baus, cet opéra aux multiples rebondissements réunit tous les ingrédients dignes d’un roman de cape et d’épée : châteaux, soldats, bûcher, hors-la-loi...
Àlex Ollé a choisi d’inscrire l’action du Trouvère dans le contexte de la Première Guerre mondiale justifiant ainsi les situations extrêmes auxquelles doivent faire face les personnages : l’amour, la jalousie, la haine et le désir de vengeance… Le livret, dense et complexe, inspiré du drame espagnol d’Antonio García Gutiérrez, El Trovador (1836), est doublement transcendé par la beauté du chant et par l’ardeur visionnaire et tourmentée du metteur en scène.  

Opéra à la lettre – Le Trouvère

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Un podcast de textes littéraires qui évoquent un opéra et la vision d’un metteur en scène

1:28 min

Opéra à la lettre – Le Trouvère

Par Benoit Maubrey, Marion Mirande

Le Trouvère de Giuseppe Verdi dans la production d’Alex Ollé, à travers les mots de Na Castelloza, Charles Baudelaire, Gaston Bachelard, Jean Echenoz.

Copyright :

  • Na Castelloza, Chanson du XIIIe siècle
  • Charles Baudelaire, Bohémiens en voyage, extrait de Les Fleurs du mal, 1857
  • Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu, Éditions Gallimard, 1938
  • Jean Echenoz, 14, Éditions de Minuit, 2012

© Eléna Bauer / OnP

Un trouvère dans la guerre

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Un portrait d’Àlex Ollé

10 min

Un trouvère dans la guerre

Par Isabelle Moindrot

Àlex Ollé, metteur en scène régulièrement primé par la critique internationale, n’est pas inconnu du public d’opéra parisien, qui a pu apprécier son style plusieurs fois, notamment dans La Flûte enchantée, Le Château de Barbe-bleue et Le Journal d’un disparu, présentés sous la signature du collectif catalan, La Fura dels Baus en 2005 et 2007. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé. La Fura continue d’explorer le futur (ou, hélas, d’anticiper l’actualité) dans des projets interactifs et hightech, comme le « smartshow » M.U.R.S. joué à la Villette en juin 2015, qui invitait le public à participer à une expérience de faux attentat chimique. Mais elle offre aussi des interprétations plus classiques des grandes œuvres lyriques. Ainsi Le Trouvère, présenté cette saison à l’Opéra Bastille, saisit par son ardeur visionnaire et tourmentée, fidèle à l’esprit du mélodrame verdien comme à l’engagement dans le temps présent, qui est l’une des marques distinctives de la Fura dels Baus depuis sa fondation en 1979.

Ce collectif réunissant des musiciens, danseurs, mimes, plasticiens, comédiens, vidéastes et metteurs en scène, cherchant dans la lignée du « théâtre de la Cruauté » d’Antonin Artaud à susciter dans le public la brûlure des émotions fortes et à marquer le moment théâtral du sceau de l’expérience unique, a d’abord été associé au théâtre de rue, par sa façon d’investir les espaces urbains, de rapprocher spectateurs et performers et de projeter dans l’espace public un discours politique en acte, avant de se faire largement connaître par la maîtrise et l’audace plastique de ses propositions scéniques. En quelques années, le langage singulier de la Fura se fait entendre à différents endroits du monde. Pour ne citer qu’un exemple : elle crée la partie centrale de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 et ne cesse depuis d’être invitée dans les grandes manifestations culturelles de tous les continents. 

Il Trovatore, 2016
Il Trovatore, 2016 © Charles Duprat / OnP

La posture révolutionnaire du groupe n’a pas disparu, mais elle a muté. La recherche de l’impact physique immédiat s’est estompée au profit d’une quête émotionnelle et intellectuelle, dont la dynamique se recharge perpétuellement dans les innovations de la technologie. Leur travail s’est hybridé un temps vers le cinéma fantastique, comme avec ce premier film, Fausto 5.0, qui a raflé des prix à sa sortie au début des années 2000. Le ressort des émotions se médiatise donc, mais il se recycle aussi en un brassage constant des publics. Car ceux-ci sont devenus plus divers et dispersés, à l’image du navire de La Fura, le Naumon, qui a vogué d’Europe en Chine, chargé d’images, de sons, d’artistes défiant l’espace, le temps et la raison.

Un homme a joué ici un rôle décisif pour conduire à l’opéra le collectif catalan qui paraissait engagé sur d’autres voies. Gérard Mortier se rend à Barcelone, découvre La Fura et invite le collectif à Salzbourg. L’air de rien, afficher non pas un ou plusieurs artistes pour la partie scénique d’une production, mais un collectif au nom de surcroît étrange (Baus est le lieu de naissance de l’un des fondateurs et Fura signifie « furet » en catalan), signe un changement d’époque. La Fura ferait-elle intrusion ? Partirait-elle à l’assaut de l’opéra ? Non pas. Mais Mortier confie au collectif la mise en scène de La Damnation de Faust, qui sera montée en 1999. Coup de génie que cette commande : le mythe du vieux savant, qu’une vie consacrée à la science laisse amer et insatisfait et qui, au seuil de la mort, pactise avec l’Enfer, est un de ceux qui hantent les créateurs de La Fura – ils y reviendront plusieurs fois, et encore en 2014, dans un Faust (de Gounod) où le savant apparaît sous l’identité d’un biologiste contemporain, œuvrant à un dangereux « Homunculus project ». Parallèlement, l’ère du metteur en scène prométhéen, héros ou cible des amateurs et des critiques, s’achève sans que l’on s’en aperçoive, remplacée par une esthétique générale, où les fonctions créatrices s’interpénètrent et définissent des identités artistiques mêlées, désormais revendiquées comme telles. On admire La Fura pour sa capacité à transporter collectivement le sens, d’une façon quasi organique. Rien sans doute ne la distingue mieux de ce qui se fait alors dans le monde lyrique que la manière dont elle use de la figuration – de ses danseurs et acrobates –, mais aussi des machines, des lumières, des vidéos, pour réaliser des effets puissants où les artistes du chant trouveront leur place et parviendront à se transcender. 

Tristan et Isolde, 2011
Tristan et Isolde, 2011 © Stofleth

Pendant des années, Àlex Ollé et Carlus Padrissa réaliseront ensemble et signeront, sous le label de La Fura dels Baus, leurs mises en scène d’opéra, avant que les commandes nombreuses et les ramifications de la vie ne les conduisent à distinguer leurs signatures. Ce geste peut s’interpréter à l’aune du système lyrique, mais aussi au regard des évolutions de la mise en scène en général. Car si l’émerveillement demeure la signature de leurs œuvres, qui créent la sensation physique de l’immense et emportent dans leur magie visuelle, La Fura cherche pourtant à rompre les chaînes de la fascination. Chez Àlex Ollé, le foisonnement spectaculaire converge d’une façon plus nette dans un point de vue, en un recentrement sensible qui participe d’une reconquête du dramatique par la mise en scène, telle qu’on peut l’observer depuis le milieu des années 2010.

Ainsi dans Un bal masqué – premier opéra de Verdi mis en scène par Ollé dans une production créée à Sydney en 2013, reprise à Cologne et Buenos Aires et qui lui vaudra plusieurs prix – le metteur en scène cherchait à retrouver la fougue politique du Verdi de la création et s’inspirait pour cela du roman d’Orwell 1984, déplaçant l’action dans un futur proche, après une crise économique ayant totalement transformé les liens interhumains. Ainsi encore dans Le Vaisseau fantôme, créé à Lyon en 2014, où les vidéos de Franc Aleu créaient des effets illusionnistes hallucinatoires, et renforçaient les choix dramaturgiques du metteur en scène. L’action y était en effet transportée dans l’un des endroits les plus pollués de la planète, le port de Chittagong au Bangladesh, où une population travaille dans des conditions de sécurité effroyables au dépeçage de cargos – en l’occurrence le Hollandais volant, cargo maudit.

Cependant, le sens politique et critique n’est en rien un « discours » qui s’imposerait de l’extérieur. Il résulte de visions incandescentes et partagées. En tirant quelques fils symboliques, souvent d’une grande sensualité, en suscitant des espaces combinant les potentiels réalistes et formels de la scénographie et des projections, il connecte des plans très éloignés de l’imaginaire et ramène vers le temps présent. Ainsi, dans Le Grand Macabre, un spectacle créé en 2009 et plusieurs fois primé, un rire salutaire et grotesque renvoyait à l’univers délirant d’un Jérôme Bosch comme aux dérives de notre société du spectacle. Ainsi encore, dans Tristan et Isolde créé à Lyon en 2011, une scénographie sphérique représentait successivement la lune, le château du roi Marke, la prison intérieure des amants, le labyrinthe mortifère des aspirations au néant. Dans le Pelléas et Mélisande monté à Dresde en 2015, les silhouettes à longs cheveux blancs de Pelléas, Golaud, Arkel disaient l’étrange et archaïque ressemblance entre eux des hommes, l’irréductible singularité de Mélisande et, par ricochet, le mystère de cette violence récurrente qui est faite à ce qu’il y a d’unique et de délicat en chacun d’entre nous. 

Le Grand Macabre, 2009
Le Grand Macabre, 2009 © Bernd Uhlig

Qu’en est-il de l’humanité, de ses mutations, des modalités de son vivre-ensemble, de ses liens avec la nature et avec le vivant ? Tous les spectacles de la Fura posent cette question inquiète aux spectateurs d’aujourd’hui. La singularité d’Àlex Ollé, dont la direction d’acteurs est souvent très proche de la lettre du texte, est qu’il parvient à incarner ces hantises dans la fiction lyrique en tirant des chanteurs tout le feu de leur présence charnelle. Ainsi, pour qui aime le chant, assister à une représentation du Trouvère monté dans cet esprit est une expérience complète. Loin de détourner l’attention par une élaboration dramaturgique compliquée, la mise en scène resserre en effet le propos sur une intrigue ramenée à ses principes premiers. L’histoire est transportée à une époque proche de la nôtre (plus ou moins 1914-1918), aux temps d’une guerre fraternelle, usante et folle, où la vie humaine n’a plus ni prestige ni prix, et où ne subsistent que des passions primaires – la haine, la jalousie, la vengeance, l’angoisse et l’amour.

Le metteur en scène a opté pour une scénographie abstraite (œuvre d’Alfons Flores) à base de piliers verticalement escamotables. Dans un éclairage expressionniste, qui sculpte les ombres et joue de la symbolique des couleurs – magnifique réalisation d’Urs Schönebaum –, elle se métamorphose à chaque scène, délimitant des espaces vibrant comme un personnage sensible. Non-humain et pourtant tout à l’écoute du drame, voici l’espace qui vire de l’ocre au gris, qui s’éclaire par en dessous d’un vert de pourriture ou s’embrase tel un bûcher, qui s’ourle de sang à l’avant-scène, s’épaissit d’obscurité et se reflète toujours, par zones fantasmatiques, dans des miroirs tendus sur les côtés et en fond de scène.

Monde confus que celui du Trouvère, où la possibilité de l’altérité est tellement déniée que c’est son propre enfant que l’on jette au feu et son propre frère que l’on met à mort. Monde embrasé de toutes parts, que nous propose Ollé, où les guerriers en armes s’affrontent partout et où les gitans passent avec leurs valises et ballots – nouvel exode qui renvoient à beaucoup d’autres. Des tours se dressent ou descendent dans les dessous, traçant des rues, des murs, des allées de tombes, creusant des rangées de fosses où l’on jette des corps anonymes sans l’ombre d’un rituel. Les visages des choristes et figurants – soldats, nonnes – disparaissent sous les casques, les voiles ou derrière des masques à gaz. Château, campement, cloître, prison… tout a désormais l’aspect de la ruine et respire le parfum de la mort. Si des croix sont fichées çà et là sur un champ de tombes, Dieu semble avoir déserté cette guerre. Pourtant, lorsque le Trouvère apparaît, tout se fige parfois, glacé ou suspendu. Il n’est d’autre salut possible sur terre que dans le feu de l’art. Plus que jamais, peut-être, il convient de le dire et de le rappeler.

  • [EXTRAIT] IL TROVATORE by Giuseppe Verdi (Yusif Eyvazov - "Di quella pira")
  • TOÏ TOÏ TOÏ I 5 questions sur LE TROUVÈRE avec ANNA PIROZZI
  • [EXTRAIT] IL TROVATORE by Giuseppe Verdi (Étienne Dupuis - "Il balen del suo sorriso")
  • [EXTRAIT] IL TROVATORE by Giuseppe Verdi (Anna Pirozzi, Yusif Eyvazov, Étienne Dupuis)
  • Le Trouvère (saison 22/23) - Acte IV (Yusif Eyvazov, Anna Pirozzi, Judit Kutasi, Etienne Dupuis)

  • Le Trouvère (saison 22/23) - Acte III (Yusif Eyvazov, Anna Pirozzi)

  • Le Trouvère (saison 22/23)- Acte III (Roberto Tagliavini)

  • Le Trouvère (saison 22/23)- Acte II (Etienne Dupuis)

  • Le Trouvère (saison 22/23) - Acte II

  • Le Trouvère (saison 22/23)- Acte I - (Anna Pirozzi , Marie - Andrée Bouchard - Lesieur)

  • Le Trouvère (saison 22/23) - Acte II (Judit Kutasi)

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Avec Ludovic Tézier, Hui He, Ekaterina Semenchuk, Marcelo Alvarez...

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À l’Opéra Bastille
  • Ouverture une heure avant le début et jusqu’à la fin des représentations
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