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Bernd Uhlig / OnP

Opéra

Nouveau

Il Primo Omicidio

ovvero Caino / Alessandro Scarlatti

Palais Garnier

du 24 janvier au 23 février 2019

2h40 sans entracte

Il Primo Omicidio

Palais Garnier - du 24 janvier au 23 février 2019

Synopsis

Le meurtre d’Abel par son frère Caïn est de ces sujets qui fascinèrent un siècle épris de questions théologiques. Ce premier meurtre devait engendrer l’Humanité, plaçant la figure ambiguë de Caïn dans le rôle du père de la civilisation. Après Moses und Aron, le metteur en scène Romeo Castellucci revient à l’Opéra de Paris avec cet oratorio dont il explore la dimension métaphysique, interrogeant la part du Mal dans le projet divin. La musique de Scarlatti évoque le fratricide avec une grande douceur, « comme une fleur de la maladie ». Maître du répertoire baroque, René Jacobs a contribué à la redécouverte de trésors méconnus, parmi lesquels ce rare Primo omicidio, donné pour la première fois à l’Opéra de Paris.

Durée : 2h40 sans entracte

Langue : Italien

Surtitrage : Français / Anglais

  • Ouverture

  • Première partie 50 min

  • Entracte 30 min

  • Deuxième partie 80 min

  • Fin

Artistes

Oratorio à six voix (1707)


Équipe artistique

Distribution

  • Kristina Hammarström
    Kristina Hammarström Caino
  • Olivia Vermeulen
    Olivia Vermeulen Abele
  • Birgitte Christensen
    Birgitte Christensen Eva
  • Thomas Walker
    Thomas Walker Adamo
  • Benno Schachtner
    Benno Schachtner Voce di Dio
  • Robert Gleadow
    Robert Gleadow Voce di Lucifero
  • opera logo
    Charles Le Vacon (Caino) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
  • opera logo
    Hippolyte Chapuis (Caino) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.
  • opera logo
    Arthur Viard (Abele) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
  • opera logo
    Rémi Courtel (Abele) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.
  • opera logo
    Lucie Larras (Eva) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
  • opera logo
    Alma Perrin (Eva) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.
  • opera logo
    Anton Bony (Adamo) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
  • opera logo
    Armand Dumonteil (Adamo) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.
  • opera logo
    Mayeul Letellier (Voce di Dio) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
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    Riccardo Carducci (Voce di Dio) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.
  • opera logo
    Andréas Parastatidis (Voce di Lucifero) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 24, 29 jan., 3, 12, 14, 20 fév.
  • opera logo
    Léo Chatel (Voce di Lucifero) Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris 26, 31 jan., 6, 9, 17, 23 fév.

Avec la participation de la Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Coproduction avec le Staatsoper Unter Den Linden, Berlin et le Teatro Massimo, Palerme

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  • Dessine-moi Il Primo Omicidio

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© Elena Bauer / OnP

Les larmes de Castellucci

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Il Primo Omicidio en répétition

10 min

Les larmes de Castellucci

Par Oriane Jeancourt-Galignani , Transfuge

Il a cette allure élégante, ce dialogue intérieur avec la civilisation et ses textes premiers, cette vision grave de la nature humaine aussi, qui fondent chez d’autres la mélancolie. Mais chez Romeo Castellucci, cette gravité tend vers une émotion vivante, salvatrice, qui se décline dans chacun de ses spectacles. « J’aime beaucoup pleurer », confie-t-il dans le couloir du Palais Garnier à huit jours de la première, « je pleure devant différentes œuvres d’art, je pleure devant Buster Keaton ». L’homme sourit un instant, il est fatigué, le travail avance, mais la mise en scène n’est pas achevée et ne le sera sans doute qu’au dernier moment, lorsque les tableaux qui se succèdent sur scène seront agencés à la mesure et au geste près, tels qu’il y veille et les a longuement conçus : « Je dirais que nous en sommes à la moitié de la première partie, donc non, nous n’avons pas fini », me dit-il avec calme.


On le sait au moins depuis vingt ans, Romeo Castellucci crée aussi bien en plasticien qu’en homme de théâtre. Sa Flûte enchantée, présentée en octobre dernier à La Monnaie de Bruxelles, ou son Moses und Aron évènement à l’Opéra Bastille, il y a quatre ans, imposaient à l’opéra cette aura de symbolisme, cette suspension esthétique, entre le tableau, la danse, la performance et la musique, qui constituent sa manière.

Pour les gestes des chanteurs d’Il Primo Omicidio, il a travaillé d’après des toiles d’époque, du XVIIe de Scarlatti, en les mêlant à ses propres images intérieures, ombres et fantasmes. L’oratorio de Scarlatti se divise en deux parties : la vie inquiète d’Adam et Eve après le péché originel, la présentation des offrandes de chacun des fils, le choix de Dieu en faveur du sacrifice sanglant de l’éleveur Abel, la jalousie de Caïn, puis le meurtre, la condamnation, le départ douloureux de Caïn. Adam et Eve tiennent une place centrale dans cette relecture du mythe par le compositeur baroque, et le librettiste Antonio Ottoboni, à la langue vivante, rapide, poétique. Castellucci lui-même la découvrait en commençant à travailler sur Il Primo Omicidio, avec une vraie surprise : « Les sentiments d’Eve au début et à la fin ou la douleur de Caïn exprimée dans ses adieux à ses parents, sont bouleversants ». Et il est rare à cette époque, avant le couple Da Ponte/Mozart, de trouver des livrets si beaux. Surtout dans un contexte de contre-réforme. Castellucci, à qui, on le sait, la théologie est familière, souligne la dimension de catéchisme rhétorique voulu par Scarlatti dans cet oratorio « et je n’ai pas peur de ce mot, au contraire, notre rôle est de montrer la beauté de cette rhétorique ».
Et aussi, de subvertir la rhétorique, puisqu’il va sans dire que dans la confrontation d’Abel et Caïn, Castellucci se place du côté du meurtrier…    

Il Primo Omicidio, Palais Garnier, janvier 2019
Il Primo Omicidio, Palais Garnier, janvier 2019 © Bernd Uhlig / OnP

Caïn, découvreur de la mort

Le récit du meurtre de Caïn occupe vingt-cinq versets du chapitre 4 de la Genèse. Le premier homme mort de la Bible, le premier meurtrier, sont ainsi traités, au plus vite. Scarlatti en compose en 1707 un oratorio de près de trois heures que René Jacobs, ici maestro, ressuscite en 1998, par un enregistrement dans lequel il interprétait lui-même la voix de Dieu. Puisqu’en effet, Dieu, en costume simple et au visage poudré, se présente pour choisir son offrande et attiser ainsi la colère de Caïn. Ici, Dieu est Benno Schachtner, contre-ténor délicat. Sur scène, apparaît aussi son double, puisque cet oratorio fonctionne en miroirs, Lucifer, porté par le baryton Robert Gleadow, qui transmet par sa virtuosité un pur plaisir de chant.

Mais revenons au premier tableau de Castellucci, le temps est à la sobriété : quatre personnages en tenue de puritains entrent en scène. Nous sommes donc dans une famille déjà déchue, Eve a connu les douleurs de l’enfantement et les deux garçons, sur qui plane l’angoisse de leur mère, sont devenus l’un éleveur, l’autre berger. « Mes fils, mes misérables fils, misérables parce que miens, par ma seule faute coupable », chante Eve en ouverture, superbe air porté par Birgitte Christensen qui en ce jour de répétition semble parfaitement à l’aise.

Les fils sont sur scène deux femmes, la mezzo-soprano Olivia Vermeulen et son sourire irradiant, et Kristina Hammarström, qui porte l’oratorio sur ses épaules fragiles et de sa voix impeccable, en Caïn. À voir ce soir ces deux silhouettes blonde et brune, inséparables dans cette première partie, difficile de ne pas penser à À l’est d’Eden, le livre de Steinbeck, et plus encore au film d’Elia Kazan : les frères, jumeaux dans leur apparence, dont l’un sera bientôt chassé, au nom d’un pouvoir obscur et intransigeant qui apparaît sur scène derrière un mur de PVC, derrière lequel des portes s’ouvrent et se ferment sur une table d’offrande. S’ensuit un des plus beaux moments de la première partie, lorsque le retable inversé descend sur scène, L’Annonciation de Simone Martini, or vif et dentelé qui tombe en couperet au-dessus de Caïn et enserre sa nuque. À cet instant, Castellucci arrête la répétition, le procédé technique, d’une précision extrême - le retable doit tomber sur la nuque de Kristina Hammarström sans la toucher - n’est pas encore tout à fait au point. Les tableaux de Castellucci se jouent au centimètre près, particulièrement dans cette première partie. Jusqu’aux offrandes, non pas incarnées mais purs symboles techniques, la mise en scène mêle dans la scénographie, comme dans les gestes, symbolisme et abstraction, faisant appel à des « synecdoques », pour reprendre un mot de Castellucci, pour figurer les évènements. Il y a dans cette mise en scène de Castellucci, plus encore que dans sa Flûte enchantée, une ouverture à la pensée permanente. La seconde partie, échappée onirique, qui nous plonge aux origines du geste criminel, viendra comme libérer ce qui, dans la première partie, était un cri rentré.

Et peu à peu l’on saisit que Castellucci a voulu, au centre de l’opéra ; faire émerger la dualité de Caïn, coupable et victime. Criminel et humilié. Aveugle et porteur de connaissances. Il l’explique dans ce même couloir du Palais Garnier : « Il y a un double aspect dans chaque personnage, les frères viennent renforcer l’ambiguïté. Pourquoi Dieu a choisi le sacrifice d’Abel ? Probablement à cause du sang. Dieu a soif de sang. Il n’y a pas d’objet, parce qu’un objet n’est pas univoque. »

L’ambiguïté est-elle possible au centre d’un oratorio qu’il a lui-même qualifié de catéchisme rhétorique ? « Ce n’est pas une affaire de religion, ce spectacle, il faut bien comprendre cela », me répète-t-il plusieurs fois, moins inquiet d’être attaqué - le scandale autour de ses créations n’excite plus qu’une poignée d’intégristes catholiques - que d’être compris. « J’ai été particulièrement impressionné par la manière dont Scarlatti et Ottoboni ont traité ces personnages d’Adam, Eve, Caïn et Abel, avec une douceur que je trouve forte. On a un doute en écoutant la musique sur la culpabilité de Caïn, et jusqu’à quel point il est coupable. Une certaine innocence résonne en lui, il semble poussé à l’action par une jalousie d’amour, on peut l’imaginer comme un enfant mal considéré par ses parents. Et il est clair qu’il ne connaissait pas la conséquence de son geste, puisque personne avant lui n’avait connu la mort. Il fut le premier homme à découvrir la mort ».    
Olivia Vermeulen (Abel), Kristina Hammarström (Caïn) dans Il Primo Omicidio
Olivia Vermeulen (Abel), Kristina Hammarström (Caïn) dans Il Primo Omicidio

Une histoire inventée par des enfants

Le pivot de cette mise en scène apparaît dans la deuxième partie ; à l’instant du meurtre, les chanteurs, Caïn, Abel, Dieu, Lucifer, sont remplacés par des enfants. Ces garçons entre huit et dix ans, habillés de la même manière que les chanteurs, vont poursuivre sur scène le jeu des chanteurs, mimant en play-back les chants des interprètes installés dans la fosse. Ce jour de répétition, les enfants de la maîtrise des Hauts-de-Seine, s’ils sont parfaitement rôdés au play-back, peinent encore un peu à reproduire les gestes chorégraphiques de la mise en scène. Silvia Costa, collaboratrice essentielle du metteur en scène, et compagne de création depuis de longues années, dont on connaît par ailleurs le formidable travail de mise en scène, remontre les poses aux enfants, ces gestes qui font d’eux des figures de tableaux. Castellucci viendra à son tour conseiller le jeune garçon qui incarne Caïn, torse nu, livré au jugement de Dieu, esseulé sur scène, dans ce décor de jardin sauvage qui apparaît dans la seconde partie. Castellucci a fondé sa mise en scène sur cette présence enfantine : « Les chanteurs deviennent des enfants, les enfants représentent cette synecdoque de l’humanité. À travers le meurtre, il y a une réduction, les adultes sont vus comme des enfants. Mais aussi, à travers le récit, on peut imaginer une histoire inventée par les enfants. »

Lorsque nous quittons la répétition, je ne peux m’empêcher de repenser à la lecture que fait Castellucci de Caïn, cette approche empathique qui transforme le premier meurtrier de l’histoire en enfant jaloux et perdu, mythe constitutif de notre civilisation, à l’égal d’Œdipe. Peut-être une première figure de l’artiste tel que le conçoit le metteur en scène, errant dans l’obscurité d’un questionnement incessant : « Je suis beaucoup plus proche de Caïn que de tous les personnages. C’est un héros, comme le héros grec, qui se trompe. Il est celui qui est enveloppé par l’erreur. L’erreur est le berceau de l’art, de la pensée. C’est parce que nous sommes dans l’erreur, dans une place trompée, que nous pouvons imaginer notre condition. Je pense que l’art n’est pas la réponse à l’erreur, mais la question de l’erreur y résonne deux fois plus fort. Il y a une phrase de Dieu, personnage dans l’opéra, qui après le meurtre condamne Caïn, il dit une chose terrible : « Tu es condamné à vivre ». Phrase paradoxale s’il en est. Il y a une distance entre l’expérience de la vie et la vie même, on dirait que Caïn est condamné à être détaché de la vie, et je trouve que c’est une expérience que l’on peut éprouver chaque jour. C’est en cela qu’il est un personnage moderne, et tragique, en même temps. »

Est-ce en cela aussi qu’il doit nous faire pleurer ? Romeo Castellucci, de sa haute silhouette, rejoint les répétitions qui ce soir ne finiront pas avant vingt-trois heures trente. Il hésite avant de répondre : « Je voudrais évidemment que mon public pleure, mais pas à cause de moi, je suis une porte ouverte à travers laquelle autre-chose passe, la musique, bien sûr, une vague émotive qui frappe le spectateur. »

© Jeremy Bierer, pour Mouvement

« Nous sommes toujours victimes de la musique »

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Entretien avec Romeo Castellucci

06 min

« Nous sommes toujours victimes de la musique »

Par Aïnhoa Jean-Calmettes, Mouvement

Alors qu’il revient à l’Opéra de Paris après Moses und Aron, donné en 2015, le metteur en scène Romeo Castellucci évoque « la blessure » que lui a causé Il Primo Omicidio et les fulgurances d’images qui l’ont poussé à s’emparer de cet oratorio de Scarlatti.    

Le plus difficile, lorsque l’on met en scène un opéra, c’est de faire sienne une pièce du répertoire. Comment s’approprier Il Primo Omicidio de Scarlatti ?

R.C. : D’abord, je dois me dépouiller de toutes mes protections en me plongeant dans une écoute profonde qui n’a rien à voir avec une écoute cultivée ou culturelle. L’œuvre doit pénétrer en moi et d’une certaine façon me blesser. S’il y a une blessure, alors il y a une ouverture et quelque chose peut arriver. Pour concevoir une forme nouvelle, il faut avoir la conviction enfantine d’être l’auteur de la musique. Évidemment c’est mégalomane, en tout cas pas exactement raisonnable, mais parfois, les choix raisonnables sont les pires. Il faut se perdre dans une tâche beaucoup plus grande que nous et dépasser la peur. Il y a un rapport évident à la peur de l’échec, mais nous avons besoin de cela.
    

Lorsque vous avez créé Orphée et Eurydice de Gluck à La Monnaie à Bruxelles, une image vous était apparue dans votre voiture : vous avez vu Eurydice sous les apparences d’une femme dans le coma. Le voyage d’Orphée dans les enfers devient alors un film tourné en temps réel à travers Bruxelles, à la rencontre d’Els, une femme sujette au Locked-in syndrome. Une image de ce type vous est-elle apparue pour Il Primo Omicidio ?

R.C. : Oui, j’ai eu une fulgurance d’image, mais celle-ci n’a pas marché. J’ai dû abandonner.
    

Pourquoi n’a-t-elle pas marché ?

R.C. : Je voulais faire participer de vrais fratricides. C’était important pour moi de les avoir physiquement sur le plateau dans le deuxième acte. Il y aurait ainsi eu une sorte de double narration. Nous avons pu rencontrer deux fratricides, un en France, l’autre en Italie, mais bizarrement – ou peut-être pas – ils ont tous les deux commis une erreur en prison juste avant d’obtenir la permission du juge. Cela relève de la psychologie profonde…
    

La musique de Scarlatti est tellement belle qu’elle devient un danger pour vous : elle vous distrait.

R.C. : Nous sommes toujours victimes de la musique. Nous ne sommes pas protégés face à elle. Ce n’est pas un livre ou un discours : la musique est un poison qui nous perturbe de manière morbide. Je crois que c’est Hegel qui écrivait : « La musique est la nuit du philosophe ». La musique est une arme contre l’auditeur, mais c’est ce qui fait sa richesse. La tragédie grecque aussi, d’une certaine façon, joue contre le spectateur : elle le pousse dans un retranchement, dans un choix impossible auquel il ne peut échapper.
    

Selon vous, la principale différence entre l’opéra et le théâtre se joue moins dans la musique que dans le rapport au temps.

R.C. : Le temps est la matière la plus importante au théâtre, c’est notre plastique. La qualité du temps, le fait qu’on puisse l’étirer, le comprimer, changer sa nature dépend totalement de la mise en scène. Le temps pour le metteur en scène, c’est comme la couleur pour le peintre ou le marbre pour le sculpteur. À l’opéra, cette dimension est donnée, c’est l’architecture majeure. Ensuite il y a la tonalité émotive de la musique et le livret. On peut trouver un angle d’interprétation pour le livret, mais on ne peut rien changer à la musique et au temps. Il faut alors remonter à la source, comme en inverse engineering, démonter la musique pour comprendre le principe philosophique de ses nœuds, aller profondément dans la fibre de la composition pour pouvoir prendre la place du musicien.

En quoi la musique baroque résonne-t-elle avec notre époque ?

R.C. : Les thèmes qui sont traités ne sont jamais anecdotiques. Ils sont universellement simples, profonds et radicaux. Il y a toujours un combat entre la vie et la mort. Le baroque est l’expression artistique la plus proche de la mort, elle est née de l’expérience de la grande peste ; elle est comme une fleur du mal, une fleur obscure.
    

La religion a éventuellement le devoir de créer de la peur, le théâtre n’a selon vous aucun devoir. Or, l’oratorio est une forme musicale religieuse. Comment échapper à cette dimension dans la mise en scène ?

R.C. : À travers le blasphème. Il faut faire très attention à ce mot, car c’est comme de la dynamite. L’oratorio n’est pas un objet de foi, il n’a rien à voir avec la foi. Il ne s’agit pas d’être sauvé ou éduqué par cette forme. Au contraire, il s’agit plutôt de découvrir l’autre côté, le côté de l’ombre. Et dans ce cas-là, la perspective est inversée : Dieu n’est plus le juge, il s’agit de juger Dieu. C’est le regard du fils vers l’adulte, de la créature vers Dieu. C’est en cela que l’œuvre est blasphématoire : l’objet est le même mais le point de vue est inversé.
    

Où avez-vous puisé l’inspiration des poses que prennent les chanteurs ?

R.C. : Dans les répertoires baroque et néoclassique d’Italie et de France principalement. C’était pour moi une manière d’assumer le côté pathétique, mais aussi de m’inscrire dans la rhétorique de l’histoire de l’art. C’est un choix pour ne pas choisir. J’ai besoin de la conviction de n’avoir rien inventé, de l’illusion que je ne suis pas là. J’ai besoin de ne pas être là, je ne supporte pas les langages artistiques dans lesquels je peux lire les intentions de l’artiste. Ce n’est plus de l’art, c’est de la communication, de l’ego. Et l’art n’est pas la place de l’ego. C’est plutôt une question de disparition : ça, c’est la grande leçon de l’histoire de l’art.

L’interrogatoire de Caïn

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En quête de Il Primo Omicidio

01 min

L’interrogatoire de Caïn

Par David Christoffel

Du 24 janvier au 23 février, le rare Il Primo Omicidio d’Alessandro Scarlatti est donné pour la première fois au Palais Garnier. Méditant sur l’origine du Mal, le metteur en scène Romeo Castellucci a voulu donner deux visages au fratricide Caïn – ceux de la mezzo Kristina Hammarström et du jeune Hippolyte Chapuis – afin de mieux exprimer toute la complexité de cette figure maudite, père de l’humanité. Poète et créateur radiophonique, David Christoffel a décidé d’interviewer les deux interprètes et de soumettre le meurtrier à un irrésistible interrogatoire.

Podcast Il Primo Omicidio

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique

07 min

Podcast Il Primo Omicidio

Par Nathalie Moller, France Musique

Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Nathalie Moller pour le lyrique et Jean-Baptiste Urbain pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.  

© Elena Bauer / OnP

L’origine du mal

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Entretien avec René Jacobs

6:56 min

L’origine du mal

Par Simon Hatab, Marion Mirande

Maître du répertoire baroque, René Jacobs a contribué à la redécouverte de Il Primo Omicidio, donné cette saison pour la première fois à l’Opéra de Paris. Il fait la lumière sur le chef-d’œuvre de Scarlatti.    

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Une minute pour comprendre l’intrigue

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Par Octave

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