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Spectacle / Événement

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  • Entre   et 

Julien Benhamou / OnP

Ballet

Nouveau

Hiroshi Sugimoto /​ William Forsythe

Palais Garnier

du 22 septembre au 15 octobre 2019

1h35 avec 1 entracte

Hiroshi Sugimoto /​ William Forsythe

Palais Garnier - du 22 septembre au 15 octobre 2019

Synopsis

Figure de proue de la photographie contemporaine, l’artiste plasticien japonais Hiroshi Sugimoto sonde le monde en devenir et interroge le passage du temps. Invité pour la première fois à l’Opéra national de Paris, il s’associe au chorégraphe Alessio Silvestrin, ancien collaborateur de William Forsythe, pour une création avec les danseurs de la Compagnie. Blake Works I, sur une sélection de chansons du compositeur James Blake, est la dernière pièce de Forsythe pour le Ballet de l’Opéra. On y retrouve sa signature si particulière, dans une chorégraphie qui brille par sa vélocité et son énergie.

Durée : 1h35 avec 1 entracte

  • Ouverture

  • Première partie 40 min

  • Entracte 25 min

  • Deuxième partie 30 min

  • Fin

Artistes

D'après William Butler Yeats

Équipe artistique

Distribution

  • jeudi 19 septembre 2019 à 19:30
  • dimanche 22 septembre 2019 à 14:30
  • lundi 23 septembre 2019 à 19:30
  • mercredi 25 septembre 2019 à 19:30
  • vendredi 27 septembre 2019 à 19:30
  • dimanche 29 septembre 2019 à 14:30
  • lundi 30 septembre 2019 à 19:30
  • mercredi 02 octobre 2019 à 19:30
  • jeudi 03 octobre 2019 à 19:30
  • samedi 05 octobre 2019 à 19:30
  • lundi 07 octobre 2019 à 19:30
  • mardi 08 octobre 2019 à 19:30
  • jeudi 10 octobre 2019 à 19:30
  • vendredi 11 octobre 2019 à 19:30
  • dimanche 13 octobre 2019 à 14:30
  • dimanche 13 octobre 2019 à 20:00
  • lundi 14 octobre 2019 à 19:30
  • mardi 15 octobre 2019 à 19:30

Dernière mise à jour le 18 septembre 2019, distribution susceptible d’être modifiée.

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Équipe artistique

Distribution

  • jeudi 19 septembre 2019 à 19:30
  • dimanche 22 septembre 2019 à 14:30
  • lundi 23 septembre 2019 à 19:30
  • mercredi 25 septembre 2019 à 19:30
  • vendredi 27 septembre 2019 à 19:30
  • dimanche 29 septembre 2019 à 14:30
  • lundi 30 septembre 2019 à 19:30
  • mercredi 02 octobre 2019 à 19:30
  • jeudi 03 octobre 2019 à 19:30
  • samedi 05 octobre 2019 à 19:30
  • lundi 07 octobre 2019 à 19:30
  • mardi 08 octobre 2019 à 19:30
  • jeudi 10 octobre 2019 à 19:30
  • vendredi 11 octobre 2019 à 19:30
  • dimanche 13 octobre 2019 à 14:30
  • dimanche 13 octobre 2019 à 20:00
  • lundi 14 octobre 2019 à 19:30
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Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Musique enregistrée

Avec la collaboration de l'Odawara Art Foundation

Galerie médias

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© Ann Ray / OnP

Le temps secret

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Sur At the Hawk’s Well

11 min

Le temps secret

Par Hélène Gaudy

Ils sont jeunes, souples, gracieux. Ce sont des danseurs, des hommes, des femmes, parfois à peine sortis de l’adolescence. Chaque soir, ils revêtent leurs costumes et se glissent dans la peau de leur personnage. Il est le jeune homme, le vieil homme. Elle est la femme-épervier. Tous deviendront successivement l’empreinte laissée sur l’objectif du photographe, le souvenir gravé dans la mémoire du spectateur émerveillé. En s’emparant de la pièce de W.B. Yeats, Hiroshi Sugimoto invite les danseurs du Ballet de l’Opéra à voyager entre deux terres et deux siècles. En studio de répétition et depuis la salle de spectacle, l’écrivaine Hélène Gaudy interroge l’interprétation de ces artistes, tour à tour poète irlandais, acteurs nô, toujours danseurs. 

C’est sa bouche qui a crié, pas elle. C’est cette ombre qui a crié derrière sa bouche. W.B. Yeats, Au puits de l’épervier

Elle porte un tatouage sur une cheville, des semelles de cuir qui grincent sur le sol lisse. Ses os saillent au-dessus des seins, ses dents mordent ses lèvres pendant une longue pirouette, elle porte un foulard autour de la taille, une seule guêtre noire au-dessus d’un chausson rose, pas de costume, pas de personnage encore, juste la nudité de son corps habillé d’ordinaire, des scories de la vie du dehors — une chaîne autour du cou, des boucles d’oreilles qui pendent, le souvenir de la rue bruyante, des couloirs sombres, de l’ascenseur de fer, des entrailles de l’Opéra qui forment comme l’envers du décor, de sa façade solaire, dressée fière sur Paris.
Ce soir, elle deviendra une créature sans âge et sans passé, blanche comme un écran vide, débarrassée des rires, des expériences et des souvenirs pour laisser entrer en elle les sentiments des autres, les sensations des autres, le corps des autres, et ce qui manquera alors, ce qui restera invisible, c’est ce qui peuple son corps à elle, sa vie mise entre parenthèses, infiniment secrète.

Elle s’avancera. Lèvera les bras. Jambes fuselées, fines, sous le gong vibrant de la musique électronique. Un grondement d’abord, un bourdon de grotte. Un souffle, une bouche ouverte. Un soupir, désormais inaudible. La précision des mains, les doigts tendus, le regard au sol, les jambes levées, légères. Les jambes acérées, les pointes. Les os de la colonne qui serpentent sur le dos nu. Le visage tourné comme si elle offrait sa joue à une gifle ou à un soleil.
Elle lancera son corps dans l’espace et elle dansera, arrachée au noir de la scène par les faisceaux des lumières.
Elle deviendra la femme-oiseau, aux yeux lourds et opaques, la gardienne de la source de la vie éternelle. Celle qui pose son aile sur notre front et nous plonge dans le sommeil au moment où l’on s’apprêtait enfin à accéder au temps secret.
C’est une jeune fille, pourtant, encore presque une enfant, comme les autres danseurs qui, ce soir, prêteront leurs corps au vieil homme, au jeune homme, aux membres du chœur qui entourent la source. Pour l’instant, ils plaisantent, garçons et filles, troupe de jeunes gens disciplinés par le désir, une main guide une hanche, corrige l’angle d’une nuque, remonte jusqu’au chignon et l’abrite dans sa paume, imprime son mouvement à un autre corps, lui donne sa direction.
Ils ont 18 ans, 20 ans peut-être. Ils s’entraînent, ils tentent, laissent la perfection d’un mouvement s’achever dans un rire, il y a des haussements de sourcils, des épaules encore bronzées de l’été qui s’achève, des plantes de pieds posées à plat, un saut, un bruit mat, maîtrisé jusque dans l’étouffement, et celui-là qui tourne, ce garçon solide au tee-shirt noir, à la voix douce, petite barrette sur le haut du crâne. Parfois, on dirait qu’ils regardent très loin, vers un point qu’eux seuls semblent voir.
Ce soir, quand se fera le noir, aucun d’entre eux n’aura plus d’âge. Ils seront l’attente et l’espoir, le mouvement, le sommeil. Dans la danse et la lumière, dans la musique qui vrille l’espace, ils tenteront d’arrêter le temps.

Ils seront le vieil homme qui attend, au ras d’une montagne aride, sur une île désolée, que jaillisse enfin l’eau de l’immortalité. L’ancêtre au costume ample, au corps empêché, qui porte tout le poids de l’attente. Celui qui perd sa vie en espérant la faire durer, celui qui prie, près du puits sec, pour que vienne l’eau miraculeuse, pour que les pierres s’en imprègnent. Celui qui vieillit à force d’attendre, de se refuser au sommeil, de ne jamais s’abandonner — s’il s’endort, s’il lâche prise, il manquera le temps secret, celui où tout se révèle, où enfin il ne sera plus séparé de lui-même. Mais à peine son oreille perçoit-elle, au loin, ce qui ressemble au bruit de l’eau, que le silence se fait.
Ils seront l’homme qui laisse passer sur lui les années sans les voir, délaisse le frais des arbres et le doux des enfants, oublie qu’il n’y a que dans les moments où le sommeil nous prend, l’oubli ou l’inconscience, que l’on parvient à toucher du doigt ce qui nous échappe. Ils seront le masque qui habille son visage, les sons qui sortent de sa bouche, ses mains qui se creusent, ses yeux qui se voilent.
Ils seront celui qui mord la chair des oiseaux pour ne pas mourir de faim, qui boit la pluie pour ne pas mourir de soif, qui dévore l’herbe par poignées.
Ils seront celui qui, s’il finit par fermer les yeux, par étendre son corps, trouvera au réveil les pierres encore humides de l’eau jaillie sans lui.
Ils seront le jeune homme, le héros de légende, dont la chaleur du corps fait bouillir l’eau, fondre la neige. Ils seront la force, la jeunesse et l’obstiné courage, l’envie, l’aveuglement. Ils seront ces deux hommes, le vieux et le jeune, chacun voulant boire avant l’autre l’eau fabuleuse.
Ils seront le souvenir de ce qu’on n’est plus sûr d’avoir vécu, la danse vive et mêlée de celui qu’on sera et de celui qu’on a été, du vieil homme aux habits gris, du jeune homme aux habits d’or, de celui qui attend depuis longtemps et de celui qui commence juste à attendre. Et entre les deux, tout notre temps secret se tiendra dans leur danse.

Ils seront le jeune homme qui dit : Je n’ai pas peur de toi, oiseau, femme ou sorcière.

Mais quand le vieux s’éloignera, dans son costume semé des vieux souvenirs de l’or, quand il marchera vers le fond de la scène, le jeune homme le suivra de près, à quelques pas d’écart à peine, dans ses habits chatoyants encore, avec son corps plein de vie encore, et quand le vieux disparaîtra, avalé par le noir, le jeune sera pris à son tour, et il ne restera de lui que le bruit de son manteau traînant sur le sol, bientôt absorbé par l’écran lumineux — source tarie, immense image.
Ils seront le photographe qui ne peut que capturer un moment déjà passé, puisque le désir est toujours plus rapide que le doigt qui appuie sur le déclencheur — alors, une image c’est aussi, toujours, la marque d'un regret et de ce qu’il garde comme attente, comme désir, comme espoir.
Ils seront le danseur japonais et le poète irlandais qui regardent, quelque part, loin dans le temps, un oiseau à travers les barreaux d’une cage, qui fixent son corps chaud, ses plumes plus claires sur le poitrail, le gris basalte couvrant ses ailes, qui tentent de saisir sa danse, se perdent dans l’or pailleté de ses yeux à la texture de planète, de bille de verre, pour capter l’essence de son mouvement, le fond de son regard.

Je ne peux pas supporter ses yeux, ils ne sont pas de ce monde.

Ils seront le poète qui tente de traduire en mots le vol de l’oiseau, la danseuse qui voudrait sentir son mouvement lui pénétrer le corps pour être capable, sur scène, de se transformer, à son tour, en femme épervier.
Ils seront ces deux hommes que quelque chose sépare, toujours, du mystère dont ils tentent de déplier la profondeur pour l’offrir, sur scène, aux spectateurs — eux, ils verront, si les danseurs ont la grâce et si le poète trouve les mots, s’ouvrir le gouffre qui nous sépare des choses et nous les rend si désirables.
Ils seront le marcheur dont l’œil voudrait sauver les paysages, saisir la mer aux quatre coins du globe, celui qui passe des heures, suspendu, entre l’immensité du ciel et celle de la mer, jusqu’à ce que tous les rivages, dans son regard, finissent par se ressembler, par ne plus former qu’un trait bien net qui coupe le monde en deux, qui abolit le temps et l’espace, en prélève un fragment qui contient tous les autres.

Ils seront celui qui regarde son visage dans un miroir et qui se demande qui est là.

Ils seront l’enfant qui découvre que l’instant où il s’est senti exister si fort est déjà derrière lui, et qui s’accroche alors à l’instant d’après, qui serre le poing pour le retenir — comment accepter qu’un instant où l’on s’est senti si vivant puisse être si vite remplacé par un autre, qui porte aussi bien l’illusion de son éternité ?

Ils seront l’arbre au bois souple, aux feuilles qui forment des cavernes et qui, quand elles tombent, bouchent le lit sec de la source, craquent sous les pieds des enfants sur le chemin de l’école et tournent dans le vent, laissant le tronc à nu, dans l’attente du printemps.
Ils seront la lumière qui brûle la pellicule quand l’obturateur reste ouvert trop longtemps, qui aveugle la danseuse et efface les visages, les paupières baissées et les yeux grands ouverts, le mouvement d’une main repoussant des cheveux en arrière, et ne laisse qu’une salle vide entourée de gradins déserts, l’impression d’une présence.
Ils seront tout ce qui ne peut être attrapé, tout ce qu'on tue si on l’attrape — qu’est-ce qu’une image sinon une source déjà tarie, une pierre déjà sèche quand on y pose les doigts ?
Ils seront nous tous qui tentons de figer un instant et d’en saisir le cœur, qui préférons guetter plutôt que s’endormir.

Elle s’avancera, avec son rire laissé en coulisses avant de monter sur scène. Elle deviendra la femme-épervier. Elle nous fixera de ses yeux lourds, qui n’impriment plus aucune image.

Ni mouillés ni troublés ; ce ne sont pas les yeux d’une fille.

Dans l’obscurité de la salle, on tentera de la saisir, de tout saisir. Le corps de l’oiseau. Le mouvement trop rapide pour que notre rétine fixe sa trajectoire. Les images de ce qu’on n’a pas vécu mais qu’on pressent dans un geste, un souvenir, un regard. L’instant où l’eau jaillit, où le temps s’arrête, où le corps traverse l’air, où la lumière frappe la pellicule, y imprime une silhouette, y efface tout le reste.
On ne la verra pas voler. Le temps d’un clignement de paupière, elle sera déjà retombée, légère, sur le sol. Elle aura posé sur notre front son aile rouge de fièvre qui nous laissera comme hantés au réveil — un rêve s’est tenu là, en lisière de conscience, la pellicule est voilée, l’image perdue, la source sèche, le corps de la danseuse déjà retombé sur le sol et le souvenir du vol pourtant.
Tout sera vécu sans trace, sans stigmate, sans souvenir, juste le souffle de ce qui a eu lieu à l’abri de notre regard, dont seule la danse déploie la trace. 

© Christophe Pelé / OnP

Rick Owens signe les costumes d’At the Hawk’s Well

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Reportage en images avec le couturier

02 min

Rick Owens signe les costumes d’At the Hawk’s Well

Par Octave

Pour nombre de ses créations, le Ballet de l’Opéra national de Paris a souvent fait appel à des couturiers de talent. Yves Saint-Laurent et sa collaboration avec Roland Petit (Notre Dame de Paris en 1965), Christian Lacroix et les Joyaux de Balanchine, Karl Lagerfeld ou encore Riccardo Tisci pour n’en citer que quelques-uns. Pour la création des costumes d’At the Hawk’s Well, Hiroshi Sugimoto s’est adressé à Rick Owens. Une première pour cet Américain natif de Porteville. Embauché très jeune par la marque française de fourrures Revillon, il lance sa marque en 1994, s’installe à Paris en 2003 et y ouvre sa première boutique trois ans plus tard. Connu pour jouer avec le conservatisme et bousculer les conventions, il propose à nouveau une création hors normes et aux lignes graphiques, épousant parfaitement les attitudes stylisées du nô et la musique abstraite de Ryoji Ikeda qui accompagnent l’œuvre de Sugimoto. Lors des derniers essayages avec les danseurs du Ballet de l’Opéra, il confiait aimer prolonger la silhouette humaine, souhaitant communiquer avec le monde à travers ses collections. Retour en images.

Rick Owens signe les costumes d’At the Hawk’s Well
Rick Owens signe les costumes d’At the Hawk’s Well 14 images

Essayages des costumes d’At the Hawk’s Well au Palais Garnier, Rotonde Zambelli, en présence de Rick Owens, avec Axel Magliano (le jeune homme, en doré), Alessio Carbone (le vieil homme, en gris), Ludmila Pagliero (la femme-épervier, en rouge).

© Ann Ray / OnP

Opéra de Paris : quand la dance music s’empare des danseurs étoiles

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Blake Works I à l'Opéra de Paris

04 min

Opéra de Paris : quand la dance music s’empare des danseurs étoiles

Par Gil Colinmaire, Trax Magazine

Jusqu’au 15 octobre, le Palais Garnier propose de (re)découvrir Blake Works I, la triomphale création du chorégraphe américain William Forsythe, réalisée en 2016 pour l’Opéra de Paris, et mettant en lumière des morceaux du superbe The Colour in Anything de James Blake. En ouverture de cette soirée entre électronique et néo-classicisme : At the Hawk’s Well, un ballet inédit mis en scène et en danse par le plasticien japonais Hiroshi Sugimoto et Alessio Silvestrin, sur une musique de Ryoji Ikeda. Retour sur l’une des premières représentations.

D’un côté, un conte surréaliste et méditatif aux accents japonisants ; de l’autre, une danse euphorisante, dépouillée de tout récit ou de costume. Si les univers de At The Hawk’s Well, inspiré du théâtre nippon « Nô » du XIIIe siècle, et Blake Works I peuvent sembler à première vue éloignés, tous deux s’inscrivent assez nettement dans une même démarche de remodélisation des codes de la danse classique. Dès ses premiers instants, le ballet de Alessio Silvestrin et Sugimoto annonce la couleur : sur d’oppressantes basses fréquences se meuvent des silhouettes noires aux longues chevelures et aux costumes informes, brisant et reconstituant aussi bien les lignes de leurs corps, rendus androgynes, que celles de leurs mouvements.

Réappropriation contemporaine d’une pièce du dramaturge irlandais William Butler Yeats, datant de 1916, l’œuvre conte l’histoire d’un jeune homme débarqué sur une île lointaine, à la recherche d’une eau conférant l’immortalité. Arrivé à destination, face à un puits asséché, il sera confronté à sa fantasque gardienne, et à un vieillard ayant attendu – en vain – le retour du précieux trésor, durant 50 longues années. Enveloppés dans des manteaux étincelants signés Rick Owens, les trois protagonistes, limités dans leur gestuelle – ou l’adaptant aux caprices du textile – témoignent dès lors d’un certain détachement face à l’académisme. Un caractère aléatoire plus ou moins prononcé, ou une « spontanéité contrôlée », comme l’aime à la nommer Silvestrin, dont se fait écho, en seconde partie de soirée, la chorégraphie de Forsythe, malléable sous l’interprétation de chaque danseur. Dévoilant ainsi de leur personne – d’autant plus qu’ils n’incarnent aucun personnage –, il résulte de leurs performances, en plus d’une incroyable technicité, une rafraîchissante impression de liberté.

Une nécessité de relier le spectacle au « réel » poussée à l’extrême lorsque des réactions ou des scènes de la vie moderne (des cris inattendus, une « battle » ou une danse collective façon clubbing) s’immiscent sur scène avec une élégante légèreté. Sur le fond, les intentions des deux ballets semblent donc comparables – Silvestrin est d’ailleurs passé par la Forsythe Company –, mais les procédés scénographiques pour y parvenir sont diamétralement opposés. Les deux œuvres ont beau recourir aux musiques électroniques, les différences stylistiques dans leurs bandes-son ne mettent pas les mouvements en valeur de la même façon. Comparés aux expérimentations déstructurées d’Ikeda, qui offrent l’écrin abstrait idéal à la narration métaphorique de At the Hawk’s Well, les titres plus figuratifs de James Blake, bien qu’en eux-mêmes saisissants, ont parfois tendance à trop retenir l’attention, au détriment de la danse. Un détournement donnant l’étrange impression que la gestuelle, à la manière d’un concert pop, se met à illustrer la musique, et non plus l’inverse ; et ce malgré les prouesses des danseurs. Si ce sentiment d’avoir affaire à un élément rapporté – ce qui est somme toute normal pour un album antérieur au ballet – induit une sorte d’artificialité, celle-ci s’efface finalement bien vite dans les moments les plus instrumentaux, où l’émotivité de Blake sublime avec brio les pas des danseurs.

Les représentations de At the Hawk’s Well et Blake Works I se poursuivront jusqu’au 15 octobre à l’Opéra Garnier. Plus d’informations sur la page Facebook de l’événement.

Podcast Hiroshi Sugimoto / William Forsythe

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique

07 min

Podcast Hiroshi Sugimoto / William Forsythe

Par Jean-Baptiste Urbain, France Musique

Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Charlotte Landru-Chandès pour le lyrique et Jean-Baptiste Urbain pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir. 

© Ann Ray / OnP

Le ballet graphique d’Hiroshi Sugimoto

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« At The Hawk’s Well »: entre poésie et spiritualité

04 min

Le ballet graphique d’Hiroshi Sugimoto

Par Lou Tsatsas , Fisheye Magazine

L’Opéra national de Paris accueille, jusqu’au 15 octobre, At The Hawk’s Well, un ballet contemporain mis en scène par le photographe Hiroshi Sugimoto. Une création moderne et épurée, inspirée par l’œuvre de William Butler Yeats et le théâtre nô.


Au pied d’une montagne, un vieil homme attend depuis cinquante ans que l’eau miraculeuse d’un puits asséché coule à nouveau. Un jeune homme, nommé Cuchulain, fasciné par les contes entendus au cours de ses voyages s’approche à son tour, espérant devenir immortel en buvant le liquide magique. Mais le puits est gardé par une femme épervier, endormant les curieux qui veulent s’abreuver, laissant les hommes avides et privés de son précieux pouvoir. At The Hawk’s Well (Au puits de l’épervier en français) est une pièce de théâtre en un acte écrite par William Butler Yeats en 1917, inspirée par le théâtre japonais nô. Un récit poétique et allégorique, traitant de pouvoir, de destinée, de spiritualité ou encore d’héroïsme. C’est cette pièce complexe qu’a adaptée Hiroshi Sugimoto, photographe et artiste plasticien, pour l’Opéra national de Paris. Entouré d’Alessio Silvestrin (chorégraphe), Ryoji Ikeda (compositeur) et Rick Owens (couturier), ses « amis depuis des années, à la sensibilité unique et indispensable », l’artiste a fait ses premiers pas dans la mise en scène d’un ballet.

Hugo Marchand dans At The Hawk’s Well, Palais Garnier, 2019
Hugo Marchand dans At The Hawk’s Well, Palais Garnier, 2019 © Julien Benhamou / OnP

Dans un décor dépouillé, aussi moderne qu’inquiétant, le spectacle prend vie. Les costumes, modernes et grandiloquents, dissimulent les danseurs dans d’immenses manteaux texturés avant de révéler les corps : ceux des deux hommes de la pièce. L’ancien jouant la vieillesse avec forge et fragilité, et le jeune, empli d’une fougue orgueilleuse, et triomphante – campé par Hugo Marchand (Danseur Étoile de l’Opéra) au sommet de son art. Les ailes de la femme épervier, rouge écarlate et démesurées, guident quant à elles les spectateurs au rythme d’une musique contemporaine et métallique, vrillant les oreilles et construisant un univers sonore immersif et singulier. « Vivant dans un monde au flux constant d’informations, je considère que le minimalisme ne peut être trouvé qu’en repoussant les limites », confie Hiroshi Sugimoto. Les danseurs du Corps de Ballet de l’Opéra tournoient sur la scène, surmontée d’une longue estrade de bois clair, comme une voie royale menant vers le puits de l’histoire, un tableau graphique et plaisant.

Hiroshi Sugimoto au Palais Garnier, 2019
Hiroshi Sugimoto au Palais Garnier, 2019 © Agathe Poupeney / OnP

L’éloge de l’immobilité

Si l’artiste et metteur en scène déclare désormais « percevoir la photographie comme une activité secondaire », sa connaissance de l’art visuel guide sa création. « Mon spectacle peut être considéré avant-gardiste aujourd’hui, mais dans cent ans, cette pièce deviendra classique », commente-t-il. Animé par une modernité déconcertante, At The Hawk’s Well fait l’éloge de l’immobilité dans un art en mouvement. « Dans ce contexte particulier, cette inertie est empruntée au nô. La scène pensée par Hiroshi Sugimoto apporte beaucoup de surprises, en jouant avec les dimensions, les contacts entre les corps, la distance avec le public… C’est une toute nouvelle expérience », précise Alessio Silvestrin, qui s’est plongé dans des recherches pour chorégraphier cette pièce influencée par l’art japonais. Créées au XIVe siècle, les performances du théâtre nô s’inspiraient de la littérature traditionnelle mettant en scène des êtres surnaturels prenant l’apparence humaine. Dans une lenteur émouvante et prenante, les acteurs, revêtaient de magnifiques costumes et des masques, avançaient sur scène, partageant leurs histoires.

C’est le point d’orgue du ballet d’Hiroshi Sugimoto. Dans un silence énigmatique et soudain, un acteur nô marche le long de l’estrade, chantant d’étranges incantations. Au bout de la scène, le jeune homme semble l’attendre, assis et humble. C’est finalement dans cette langueur maîtrisée que la mise en scène du photographe séduit. Avec une tension mémorable, cet échange entre l’acteur et le danseur, entre l’être surnaturel et l’homme mortel captive l’audience. Dans la salle, le public entier semble retenir son souffle, observant l’interprète, figure étincelante dans un décor presque nu, avancer jusqu’à son interlocuteur. « Rechercher la vie éternelle est la nature des êtres humains. Mais qu’est-ce que la vie ? C’est une question que l’on se pose tout au long de la pièce », commente le metteur en scène. Dans cette ultime scène, sombre et épurée, il tente d’y répondre. Un dernier acte à la beauté visuelle indéniable, clin d’œil à l’amour du photographe pour les compositions.

At The Hawk’s Well, Palais Garnier, 2019
At The Hawk’s Well, Palais Garnier, 2019 © Agathe Poupeney / OnP

© Ann Ray / OnP

Dialogue vers l’infini

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At the Hawk’s Well, entre japonisme et mythologie celte

5:04 min

Dialogue vers l’infini

Par Aliénor de Foucaud

Invité pour la première fois à l’Opéra national de Paris, le chorégraphe Alessio Silvestrin revient sur sa rencontre avec Hiroshi Sugimoto et la naissance d’At the Hawk’s Well. Création pour les danseurs du Ballet de l’Opéra national de Paris, cette pièce s’inspire d’un texte du poète irlandais W.B. Yeats et du théâtre nô. Œuvre totale, réunissant également le compositeur Ryoji Ikeda et le couturier Rick Owens, elle sonde notre rapport au temps, à la mort et à l’identité. 

  • At the Hawk's Well by Hiroshi Sugimoto
  • At the Hawk's Well by Hiroshi Sugimoto
  • Blake Works I by William Forsythe
  • Hiroshi Sugimoto about At the Hawk's Well

Accès et services

Palais Garnier

Place de l'Opéra

75009 Paris

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Bus 20, 21, 27, 29, 32, 45, 52, 66, 68, 95, N15, N16

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Au Palais Garnier, des places à 10 € en 6e catégorie (visibilité très réduite, deux places maximum par personne) sont en vente le jour de la représentation aux guichets du Palais Garnier.

Dans les deux théâtres, des places à tarifs réduits sont vendues aux guichets à partir de 30 minutes avant la représentation :

  • Places à 25 € pour les moins de 28 ans, demandeurs d’emploi (avec justificatif de moins de trois mois) et seniors de plus de 65 ans non imposables (avec justificatif de non-imposition de l’année en cours)
  • Places à 40 € pour les seniors de plus de 65 ans

Retrouvez les univers de l’opéra et du ballet dans les boutiques de l’Opéra national de Paris. Vous pourrez vous y procurer les programmes des spectacles, des livres, des enregistrements, mais aussi une large gamme de papeterie, vêtements et accessoires de mode, des bijoux et objets décoratifs, ainsi que le miel de l’Opéra.

Au Palais Garnier
  • Tous les jours, de 10h30 à 18h et jusqu’à la fin des représentations
  • Accessible depuis la place de l’Opéra ou les espaces publics du théâtre
  • Renseignements au 01 53 43 03 97

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