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Charles Duprat / OnP

Opéra

Nouveau

Rigoletto

Giuseppe Verdi

Opéra Bastille

du 11 avril au 30 mai 2016

2h35 avec 1 entracte

Synopsis

"Seigneurs, rendez sa fille à un vieillard. Il ne vous en coûtera rien de la rendre, tout ce que j’ai au monde, c’est ma fille. Pitié, seigneurs, pitié."

- Rigoletto, Acte II


« Oh ! Le Roi s’amuse est le plus grand sujet, et peut-être le plus grand drame des temps modernes. C’est une création digne de Shakespeare ! » Quelques mois avant d’adresser ces mots à Francesco Maria Piave pour le presser de « mettre Venise sens dessus dessous et faire en sorte que la Censure autorise ce sujet » – ce qui n’alla pas sans mal, la moralité ne tardant pas à s’en offusquer –, Verdi travaillait à une adaptation du Roi Lear. Et sans doute est-ce imprégné de la pièce de Shakespeare, son maître vénéré, qu’il lut le drame de Victor Hugo, sentant « comme un éclair, une inspiration » en trouvant sous la plume du Français, à laquelle il devait d’ailleurs le plus grand triomphe de ses « années de galère » avec Ernani, un équivalent au triangle formé par le Roi, sa fille et le fou.

Entre le duc, futile, licencieux, et Gilda, victime de l’ignorance dans laquelle elle est retenue prisonnière, se dresse la figure à deux visages du bouffon bossu et du père obsédé par la malédiction. Monstrueux et déchirant, grotesque et sublime, le rôle-titre atteint son apogée dans l’air « Cortigiani, vil razza dannata », dont le mouvement descendant, de l’explosion de rage à l’imploration, affirme la capacité du compositeur à plier une forme héritée du bel canto à la vérité du théâtre. Placée sous la direction de Nicola Luisotti, cette nouvelle production de Rigoletto marque la première collaboration du metteur en scène Claus Guth avec l’Opéra de Paris.

Durée : 2h35 avec 1 entracte

Langue : Italien

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Détail des actes

Acte I

Le duc de Mantoue donne une soirée costumée. Il parle à un courtisan, Matteo Borsa, d’une jeune fille qu’il a remarquée à l’église et qu’il espère parvenir à séduire. Pour l’heure, il profite de la compagnie des belles femmes présentes à la soirée. Ce soir, il est particulièrement attiré par la comtesse Ceprano. Rigoletto, le bouffon du duc, raille le mari qui tente âprement d’empêcher le duc de courtiser sa femme. Marullo apporte une nouvelle stupéfiante : Rigoletto, ce paria, a une jeune et belle maîtresse. Le duc ayant échoué dans sa tentative pour séparer le comte Ceprano de sa femme, Rigoletto encourage son maître à enlever la comtesse. Lorsqu’il va jusqu’à lui suggérer d’exiler ou même de faire décapiter le mari, Ceprano fait appel aux courtisans qui se rallient à lui ; tous projettent de se venger de Rigoletto ce soir même en enlevant la jeune femme qu’il cache chez lui. La fête est interrompue par l’irruption du comte de Monterone qui accuse le duc d’avoir déshonoré sa fille. Rigoletto répond à la place du duc et se moque cruellement de lui. Monterone maudit le duc et son bouffon. Rigoletto prend soudainement conscience de s’être frappé lui-même en ridiculisant un père outragé. Rigoletto rentre chez lui. Un inquiétant personnage s’approche et se présente comme le tueur à gages Sparafucile. Rigoletto refuse ses services mais prend note de sa proposition. À l’intérieur de la maison, Rigoletto retrouve sa fille bien-aimée, Gilda, qu’il garde cachée du monde sous la surveillance d’une femme nommée Giovanna. En dépit du fait que sa fille le presse de questions, Rigoletto reste évasif sur son identité et sa profession. Il lui parle seulement de sa mère, morte après sa naissance. Avant de partir, Rigoletto recommande à Giovanna de veiller à ce que la jeune fille n’ait aucun contact avec qui que ce soit. Mais la supposée gardienne a été corrompue par le duc, qui s’introduit clandestinement dans la maison au moment où Rigoletto sort. Giovanna encourage Gilda à surmonter son remords de n’avoir pas parlé à son père du jeune homme qu’elle a rencontré à l’église et dont elle est tombée amoureuse. Elle pense qu’il s’agit d’un simple étudiant, ignorant que son amoureux est en fait le duc de Mantoue. Quand il s’approche, elle est tout d’abord effrayée. Mais elle cède vite aux déclarations d’amour qu’il lui fait sous sa fausse identité. On entend des bruits de pas au-dehors et Giovanna presse le duc de partir. Seule de nouveau, Gilda rêve au jeune étranger. Marullo, Borsa, Ceprano et d’autres courtisans apparaissent avec l’intention d’enlever la femme qu’ils pensent être la maîtresse du bouffon. Rigoletto, de retour, se heurte dans l’obscurité à Marullo. Celui-ci lui fait croire qu’ils sont venus enlever la comtesse Ceprano et lui suggère de se joindre à eux. Sous le prétexte de le masquer, il lui bande les yeux et lui donne à tenir une échelle. Quand Rigoletto, alerté par les cris de Gilda, arrache son masque, il est trop tard : les conspirateurs se sont enfuis avec la jeune fille. La malédiction de Monterone vient de frapper.

Acte II

Le matin suivant, dans son palais, le duc s’inquiète du sort de Gilda ; dans la nuit, il est retourné chez lui et a trouvé la maison vide. Il laisse éclater sa joie lorsqu’il apprend des courtisans qu’ils ont enlevé la jeune fille. Elle est conduite devant lui et il lui révèle sa véritable identité. Rigoletto cherche à divertir les courtisans comme à son habitude, tout en cherchant désespérément sa fille. L’intervention d’un page de la duchesse transforme par inadvertance ses doutes en certitude : Gilda est avec le duc. Le bouffon invective tout d’abord les courtisans et finit par les supplier de lui ramener sa fille. Gilda est rendue à son père. Seule avec lui, elle lui raconte, à sa grande honte, comment le duc a gagné sa confiance avant de faire d’elle sa maîtresse avec l’aide involontaire des courtisans. Rigoletto jure de se venger.

Acte III

Un mois a passé mais Gilda est toujours amoureuse du duc. Dans l’espoir de lui faire prendre conscience de la véritable nature de son séducteur, Rigoletto la conduit devant la taverne de Sparafucile. Il presse sa fille de regarder le duc faire des avances à la soeur de Sparafucile, Maddalena, qui a servi de leurre pour l’attirer dans le piège. Rigoletto invite sa fille à revêtir un habit masculin et à partir pour Vérone, où il la rejoindra le lendemain. Il conclut ensuite un marché avec Sparafucile qui promet de tuer son hôte, en qui il n’a pas reconnu le duc. Rigoletto demande que le corps lui soit remis et dit qu’il reviendra après minuit. Tandis qu’un orage éclate et que le duc s’est endormi, Maddalena, séduite par ce beau jeune homme, tente de persuader son frère de l’épargner. Sparafucile propose de tuer à sa place le premier homme qui frappera à leur porte. Gilda, de retour, vêtue d’un habit d’homme, surprend leur conversation. Elle décide alors de sacrifier sa vie pour le duc. Quand Rigoletto revient, il se saisit du corps que Sparafucile lui remet comme étant celui du duc. Il se félicite d’avoir pris une revanche mortelle contre un homme si puissant lorsqu’il entend soudain résonner la voix du duc. Découvrant Gilda, il réalise alors qu’il a tué sa propre fille : la malédiction est pleinement accomplie.

Artistes

Melodramma en trois actes (1851)

D'après Victor Hugo, Le roi s'amuse

Équipe artistique

Distribution

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris

Surtitrage en français et en anglais

Galerie médias

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Rigoletto

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vu par l’Académie de l'Opéra national de Paris

5:01 min

Rigoletto

Par Laurent Sarazin

La nouvelle production de Rigoletto mise en scène par Claus Guth est l'occasion de découvrir l'Académie de l’Opéra national de Paris, qui a pour ambition de promouvoir une nouvelle génération d’artistes, et le travail que ces jeunes artistes réalisent au sein de l’Orchestre.

La Fille de Rigoletto

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Portrait d’Olga Peretyatko

3:13 min

La Fille de Rigoletto

Par Felipe Sanguinetti

Olga Peretyatko fait ses débuts à l’Opéra Bastille dans une nouvelle production de Rigoletto signée Claus Guth. Au cœur des répétitions, la soprano évoque son rôle fétiche, Gilda, ainsi que le travail de création avec le metteur en scène.

© Albert Harlingue / Roger-Viollet

Un bouffon difforme et tragique

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Rigoletto en son siècle

08 min

Un bouffon difforme et tragique

Par Érika Wicky

Personnage central de l’opéra de Verdi, Rigoletto a d’abord été inspiré à Hugo par Nicolas Ferrial alias Triboulet, bouffon à la cour du roi de France sous les règnes de Louis XII et de François Ier. « Pris dans un corps mal fait », le héros attisa les critiques de ceux qui jugeaient invraisemblables l’inscription de sentiments sublimes dans un tel physique. Erika Wicky replace ici la conception de ce héros dans le contexte scientifique de l’époque.

Car la laideur et la difformité étaient aussi recherchées pour un fou que l’intelligence chez un singe, la beauté du plumage chez un paon et le jargon chez un papegai ou perroquet. Paul Lacroix, Dissertation sur les fous des rois de France,

Triboulet, personnage principal de la pièce de Victor Hugo Le Roi s’amuse (1832), est une figure hautement contrastée. Ce bouffon de cour, qui semble emprunté au répertoire shakespearien, est à l’image du costume dont il est traditionnellement affublé : bigarré et bariolé de rayures contrastantes. Les sublimes sentiments paternels et le destin tragique de ce bouffon grotesque, quoiqu’ils aient contribué au mélange nécessaire à la réalisation du projet romantique, ont été accueillis par un égal mélange de sifflets et d’applaudissements. Les critiques les plus irascibles se sont accordés à juger ces dissonances invraisemblables et à fustiger le caractère trivial du héros tragique. Le National du 25 novembre 1832, par exemple, constate à propos de cette pièce que si l’art se tenait autrefois dans des « régions pures et éthérées » où il vivait « d’air pur et de miel », il prend dorénavant « ses modèles dans les petits fronts et les gros yeux, dans les grands nez, les dos voûtés et les estomacs plats et larges ».

C’est justement sur ces contrastes que repose le succès de Rigoletto (1851). L’intrigue de Victor Hugo transposée à Mantoue, traduite en italien et considérablement allégée par le librettiste Francesco Maria Piave avant d’être mise en musique par Verdi, a séduit par les nuances qu’a su souligner l’orchestration. Comme l’écrivait E. Vaïsse dans la Revue de Toulouse, le 25 mars 1860 : « Les situations, les contrastes du Roi s’amuse ressortent encore mieux sous les accords de la musique savante de Verdi. » En outre, la variété de sentiments assumée par le personnage de Rigoletto était propre à mettre en valeur le jeu du baryton choisi pour le rôle. « Il faut un grand comédien pour jouer Rigoletto », de manière à faire « ressortir toute la délicatesse » des nuances du personnage, lit-on à la une du journal L’Orchestre du 13 novembre 1859.

Qu’elle soit enthousiaste ou assassine, la critique, au XIXe siècle, a donc perçu un paradoxe dans le caractère tragique du bouffon. Au-delà de la réversibilité du rire et des pleurs, ce paradoxe réside dans la laideur et la méchanceté du personnage, dont on découvre les beaux sentiments. Si la laideur du bouffon est apparue inconciliable avec son amour paternel, ce n’est pas seulement parce qu’il semblait peu probable qu’il ait vécu une relation amoureuse, c’est aussi en vertu d’une association forte entre la beauté et la morale, entre les caractéristiques du corps et les vertus de l’âme. Le corps non idéalisé, dont la présence était a fortiori soulignée par l’infirmité, paraissait dès lors s’opposer aux raffinements de la civilisation.

On admet aisément aujourd’hui que la grandeur de l’âme soit sans rapport avec celle des jambes, mais cette conception, relativement récente à l’échelle de l’histoire, nous la devons aux progrès de la science moderne. Cécité, cheveux roux, peau noire, la moindre différence physique pouvait motiver, à l’époque de la Renaissance où Victor Hugo situe sa pièce, les plus violentes discriminations, voire des persécutions. Quoique dans une moindre mesure, le XIXe siècle qui voit naître Le Roi s’amuse et Rigoletto, est encore habité par de tels préjugés. On y constate le succès mondain de la physiognomonie, pseudo-science développée par Johann Kaspar Lavater dont les ouvrages, traduits en français dès la fin du XVIIIe siècle, font l’objet de plusieurs éditions. Animés par la conviction que les traits du visage et les caractéristiques corporelles pouvaient renseigner sur le tempérament et les facultés d’une personne en vertu d’un rapport confus de cause à effet, les amateurs de physiognomonie se livraient à l’analyse de divers faciès, y compris ceux de personnages historiques dont ils pouvaient observer les portraits. Nombreux sont aussi les contemporains de Hugo et de Verdi qui, dans le sillage du médecin allemand Franz Joseph Gall, auscultent les crânes pour en interpréter les bosses.

Bien qu’elles ne nous renvoient pas aux heures les plus glorieuses de l’histoire de la médecine, ces théories, qui visaient à rendre signifiantes les représentations humaines, ont considérablement affecté la création artistique de l’époque. Étant amplement répandues et ancrées dans des croyances populaires, elles jouaient également un rôle important dans la réception des œuvres. Cela encourage à considérer la difformité physique de Rigoletto (et celle de Triboulet) non seulement comme un ressort tragique, mais aussi comme un des enjeux historiques susceptibles d’éclairer l’œuvre de Verdi.

Voici comment Paul Lacroix, dans un texte paru en 1838 intitulé Les Deux Fous, décrit le bouffon : « Triboulet avait une énorme tête, avec de prodigieuses oreilles, une bouche largement fendue, un grand nez, de gros yeux saillants, sous un front bas et étroit. Sa poitrine plate et creuse, son dos taillé en voûte, ses jambes courtes et torses, ses bras longs et pendants amusaient le regard des dames comme s’il se fût agi d’un singe ou d’un perroquet ». Inutile d’aller se référer aux ouvrages de Lavater pour deviner que, selon les conceptions de l’époque, un tel physique n’augure rien de bon. Bien que Victor Hugo subvertisse le modèle physiognomonique au profit d’explications que nous qualifierions aujourd’hui de « psychologiques », dans une tirade considérablement tronquée par le librettiste Piave où le bouffon explique sa haine des courtisans par sa difformité :

Pris dans un corps mal fait où je suis mal à l’aise,
Tout rempli de dégoût de ma difformité,
Jaloux de toute force et de toute beauté
Il n’en reste pas moins que ce personnage est déterminé par son corps.

Le fait que le bouffon soit bossu constitue l’une des caractéristiques physiques les plus soulignées dans la pièce d’Hugo et le livret de Piave. Cette figure du bossu, très chère à Victor Hugo (Notre Dame de Paris est paru quelques mois avant la présentation du Roi s’amuse), revêt un intérêt particulier dans l’histoire médicale. En effet, tous ne partagent pas le jugement formulé par Giambattista Della Porta, médecin italien du XVIe siècle, dans son ouvrage La Physionomie humaine : « Pour moi, je tiens tous ceux qui sont mutilés ou imparfaits de corps pour méchants et principalement les bossus qui sont les pires de tous ». Les médecins ou penseurs qui se sont intéressés à eux, comme l’insatiable observateur La Bruyère, s’accordent à dire que les bossus font preuve de plus d’esprit que les autres. Cette vivacité intellectuelle était expliquée par la configuration du dos, qui permettrait un développement plus important du cerveau, l’excellence de l’esprit compensant l’infirmité physique.

Les justifications comportementales nuancent ainsi, au cours du XIXe siècle, l’explication physiologique : « L’habitude [que les bossus] ont d’être raillés les tient toujours en armes et les rend hostiles. (…) Leur vie entière est un tissu de méchancetés ingénieuses » (Isidore Bourdon, De la physiognomonie et la phrénologie, 1842). Si la « disposition à l’esprit et à la malice » des bossus n’est jamais remise en cause au XIXe siècle, elle faisait donc l’objet d’explications multiples visant à en déterminer les causes. Alimentées par ces lieux communs, la fascination du public du XIXe siècle pour les difformités physiques et leurs corollaires moraux n’était donc pas sans augmenter l’étrange force tragique de Rigoletto.


Érika Wicky est docteur en histoire de l’art (Université de Montréal), elle est actuellement chargée de recherches à l’université de Liège et chercheuse associée à Rennes 2. Elle s'intéresse à l'histoire du XIXe siècle et, tout particulièrement, aux écrits sur l’art et la photographie. En 2015, elle a publié Les paradoxes du détail : voir, savoir, représenter à l’ère de la photographie (Presses universitaires de Rennes, « Æsthetica »).


Rigoletto de Giuseppe Verdi
Placée sous la direction de Nicola Luisotti, cette nouvelle production de Rigoletto marque la première collaboration du metteur en scène Claus Guth avec l’Opéra de Paris.

© Eléna Bauer / OnP

L’humain et ses masques

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Un portrait de Claus Guth

10 min

L’humain et ses masques

Par Milena Mc Closkey

En 2016, Claus Guth faisait ses débuts à l’Opéra avec Rigoletto de Verdi. Depuis, il a été invité pour concevoir les nouvelles mises en scène de Lohengrin de Wagner, La Bohème de Puccini, Jephta de Haendel et de la création mondiale de Bérénice de Michael Jarrell. L’élégance de ses productions et l’acuité avec laquelle il examine les partitions ont fait de lui un metteur en scène incontournable sur les scènes européennes. Portrait de cette force tranquille du monde lyrique.    
Le travail de Claus Guth témoigne d’un amour de l’opéra comme spectacle total, mosaïque d’expressions se réalisant sur le plateau. Une passion certaine quand on sait que le metteur en scène y a presque entièrement consacré sa carrière. Claus Guth est né à Francfort en 1964. Enfant, son premier contact avec la mise en scène a pour théâtre le jardin de ses parents, armé d’une caméra Super 8. C’est une fascination pour le cinéma – toujours patente dans son travail – qui le conduit à vouloir donner vie à ses propres images. Il poursuit des études en philosophie, littérature allemande et théâtre à la prestigieuse université munichoise Ludwig-Maximilian. En 1989, il intègre la Theaterakademie August Everding de Munich pour étudier la mise en scène de théâtre et d’opéra. Dans les années 1990, il met en scène des pièces de théâtre telles que Léonce et Léna de Büchner mais se spécialise très vite dans la mise en scène d’opéra, avec la particularité de s’atteler à des œuvres contemporaines. Des créations remarquées à la Biennale de Munich lui ouvrent les portes des scènes les plus prestigieuses d’Europe où il aborde un très large répertoire, de Monteverdi et Purcell à Mozart et Verdi, et de Wagner et Strauss à Britten et Martinu. Mais Claus Guth réserve toujours une part de son agenda – rempli à craquer jusqu’en 2020 – à la création contemporaine, défendant l’opéra comme genre vivant et terrain d’expérimentation.
Le Messie mis en scène par Claus Guth à l’Opéra national de Lorraine, 2009
Le Messie mis en scène par Claus Guth à l’Opéra national de Lorraine, 2009 © Opéra national de Lorraine

L’art du contrepoint

Chez Claus Guth, la musique est à la base de la réflexion dramaturgique et ce que l’on voit sur scène tour à tour caresse, frictionne, questionne ce que l’on entend. Le metteur en scène fait sa première apparition en France à l’Opéra national de Lorraine en 2009, dans une co-production avec le Theater an der Wien du Messie de Haendel, oratorio réputé aride à la mise en scène. Particulièrement dans ce spectacle, l’invention scénique découle de l’écoute critique du metteur en scène, elle est le contrepoint de l’œuvre musicale et l’enrichit d’une nouvelle strate de signification. Par exemple, l’Alléluia – célébration par excellence, comme l’a dit Hannah Arendt, de « l’espérance et de la foi dans le monde »[1] dont la naissance est porteuse – est chanté autour d’un cercueil. Au centre de cette production, un personnage de suicidé, un businessman raté, privé de toute virilité par son épouse adultère. Les personnages sont vêtus de la banalité du costume-tailleur, mais mis à l’épreuve de situations extrêmes dans un dispositif scénique faisant se succéder grâce à un plateau tournant divers lieux où l’intime entre en collision avec le paraître, du funérarium à l’entreprise en passant par la chambre conjugale. Une constante dans le travail de Claus Guth est non pas d’illustrer, mais d’offrir un reflet nouveau aux œuvres en y distillant ses propres signes et symboles, sans s’inféoder ni aux rythmes ni aux timbres. Le drame qu’il tisse sur scène actualise le lyrisme de Haendel et rend palpable l’urgence originellement présente dans l’œuvre. Cette incarnation du Messie illumine ses thèmes fondamentaux qui sont la culpabilité, le rapport à la mort et l’espoir, tout en réussissant le tour de force de faire de cet oratorio le théâtre d’un mal-être contemporain dans un monde bouleversé par les crises – autant spirituelle, familiale, qu’économique.

Une constante dans le travail de Claus Guth est non pas d’illustrer, mais d’offrir un reflet nouveau aux œuvres en y distillant ses propres signes et symboles, sans s’inféoder ni aux rythmes ni aux timbres.
Parsifal au Teatre Liceu de Barcelone, 2011
Parsifal au Teatre Liceu de Barcelone, 2011 © Antonio Bofill / Teatre Liceu

Raconter les récits cachés des opéras

Dans une co-production de l’Opernhaus de Zürich et du Teatro Liceu de Barcelone en 2011, Claus Guth dépouille Parsifal de sa mystique comme il avait dépouillé le Messie de sa christianité pour le transposer dans l’Allemagne de la Première Guerre mondiale. Le décor nous fait évoluer dans les différentes pièces d’un manoir/sanatorium en décrépitude, servant d’hôpital de campagne, où les chevaliers recueillent des soldats blessés. Dans cet ancien monde en train de s’écrouler, l’opéra de Wagner est présenté comme la transformation d’un de ces jeunes soldats blessés en leader charismatique. En proposant cette lecture de l’œuvre, il nous fait réentendre la puissance d’exaltation de la musique wagnérienne, nous fait pressentir sa dangerosité potentielle, sa vénénosité intestine. Proposition osée et à la réception délicate car rappelant des heures sombres de l’Europe ou le fascisme s’annonce. Claus Guth n’est pourtant pas un metteur en scène qui cherche à choquer où se complaire dans la polémique. Si les relectures fortes sont caractéristiques de son travail, l’ostentation ne l’est certainement pas. Révélateur des récits cachés des opéras, Claus Guth met en exergue des subversions souterraines qui affleurent sans étouffer le spectateur. Toujours élégamment mises en espace, avec une palette de couleurs harmonieuse, les productions de Claus Guth concilient l’intelligence avec le sensationnel grâce à une qualité d’exécution à l’attrait universel. Mais sous la surface soignée des décors, la violence n’est pas moins présente et le destin des personnages ne nous apparaît pas de façon moins implacable. Car tous ces moyens sont orientés vers un même but : raconter l’histoire. Claus Guth cherche à libérer notre vision et notre écoute des traditions de représentation de ces grands opéras pour nous les faire découvrir à nouveau, sous un angle inédit.

Le Nozze de Figaro au Festival de Salzbourg, 2007
Le Nozze de Figaro au Festival de Salzbourg, 2007 © Monika Ritterhaus

Laboratoire des émotions humaines

Claus Guth aime les projets d’ampleur – il a monté Wagner dans son intégralité ! Dans ce sens, il s’est vu confié la tâche de porter sur la scène du Festival de Salzbourg la trilogie Da Ponte de Mozart. Il monte successivement Le Nozze di Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte de 2007 à 2009, axant l’opera buffa et les deux drammi giocosi autour des thématiques du désir et de la mort, d’Eros et Thanatos. Le metteur en scène est attiré par la face cachée ou face sombre des comédies. L’humour chez Claus Guth n’est pas délassant mais au contraire déroutant. En témoigne son Nozze di Figaro monochrome où le dispositif scénique épouse la mécanique des sentiments pour mettre à nu les contradictions des personnages. Impossible de parler du travail de Claus Guth sans évoquer celui de Christian Schmidt. La fidèle collaboration entre le scénographe et le metteur en scène depuis les débuts de ce dernier ne tend pas à forger une esthétique immuable au fil des productions sinon à inventer des solutions propres à chaque œuvre. Cette trilogie constitue le sommet de cette synergie à bien des égards. Les décors des trois volets sont autant de laboratoires pour une dissection des émotions humaines implacablement juste. Don Giovanni selon Claus Guth se déroule dans la nuit d’une forêt de sapins, éclairée par Christian Schmidt pour offrir une déclinaison infinie de perspectives, et où les intrigues amoureuses se croisent et se répondent. Le metteur en scène donne une lecture nouvelle du drame en transformant le meurtre du père de Donna Anna en un duel provoqué par un Commandeur outragé voulant venger l’honneur de sa fille et qui, s’il meurt comme l’indique le livret, porte avant de mourir un coup fatal à Don Giovanni qui, le temps de l’opéra, devient plus que jamais un être-pour-la-mort. Tout ce dont il veut encore jouir est intensifié par l’imminence de son trépas. Il en est de même pour les personnages féminins : elle s’offrent à leur séducteur, et, si elles résistent sans doute, leur résistance n’est pas dénuée d’ambiguïté, elles résistent pour mieux s’offrir si bien qu’on en arrive à se demander si le prédateur n’est pas parfois la proie. On est loin du monde manichéen du prédateur et des victimes innocentes, ce Don Giovanni est sulfureux et d’une finesse incisive. Così fan tutte reprend les symboliques et principes dramaturgiques développés les années précédentes pour les mêler dans une ultime lutte des passions : l’intérieur bourgeois des Nozze se fait progressivement envahir par la forêt orgiaque et angoissante de Don Giovanni. Ce triptyque est révélateur d’un metteur en scène inspiré dans ses concepts et néanmoins proche de ses interprètes, avec une direction d’acteur extrêmement précise, exigeante et un casting loin d’être laissé au hasard. Erwin Schrott en 2009 par exemple, travaillé au corps, crée un Leporello d’anthologie : looser, toxicomane, et incapable de s’arracher de la symbiose avec son patron. Un marginal affublé de tics qui fait passer les douleurs de la blessure de Don Giovanni au moyen d’une seringue de morphine ou d’héroïne.  
Le metteur en scène est attiré par la face cachée ou face sombre des comédies. L’humour chez Claus Guth n’est pas délassant mais au contraire déroutant.
Don Giovanni au Festival de Salzbourg, 2009
Don Giovanni au Festival de Salzbourg, 2009 © Monika Ritterhaus

La monstruosité des pulsions intérieures et le lustre des surfaces

Le soin apporté à la construction des personnages est un moyen de prédilection de Claus Guth pour illuminer la profondeur psychologique des œuvres. Peut-être est-ce précisément cela qui évite au metteur en scène le piège dans lequel tombent certains de ses pairs à la carrière dont la longévité et la stabilité n’est possible qu’en provoquant un certain consensus, et donc un manque de folie. Claus Guth n’a pas peur d’explorer les imperfections des personnages. Des productions telles que celle de Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss à la Scala de Milan en 2012, reprise à Covent Garden l’année suivante, kaléidoscope freudien de projections de l’esprit du personnage principal de l’Impératrice, témoignent d’une passion pour les possibilités théâtrales qu’offre l’inconscient. Du travail de Claus Guth émane une fascination pour les tensions entre la monstruosité des pulsions intérieures et le lustre des surfaces. Les mobiles et les volontés, scrutés par l’œil aiguisé du metteur en scène, sont dépouillés et les personnages écorchés vifs. Les ressorts dramatiques des carambolages humains que sont la plupart des opéras nous apparaissent avec une vérité accablante. L’on ressent chez Claus Guth, comme souvent dans les productions modernes au retentissement durable, – et le metteur en scène en a signé plus d’une – que les sujets du drame ont peu ou rien appris de leur expérience. Nous – les spectateurs – sommes les sujets que Claus Guth responsabilise au fil de ses mises en scènes qui sont comme autant de miroirs critiques. Claus Guth nous promet un Rigoletto sans espoir de rédemption et nul doute que le metteur en scène saura offrir à l’œuvre des prolongements insoupçonnés.

Die Frau ohne Schatten au Royal Opera House de Londres, 2013
Die Frau ohne Schatten au Royal Opera House de Londres, 2013 © Monika Ritterhaus

Rigoletto de Giuseppe Verdi
Placée sous la direction de Nicola Luisotti, cette nouvelle production de Rigoletto marque la première collaboration du metteur en scène Claus Guth avec l’Opéra de Paris.


© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet

Le Roi s’amuse et son procès

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Censure et société

05 min

Le Roi s’amuse et son procès

Par Marie-Laurence Marco

Tout comme la pièce de Victor Hugo, dont le livret de Rigoletto s’inspire, l’opéra de Verdi fut censuré à sa création. Si Victor Hugo décida d’abandonner sa bataille contre le pouvoir après avoir publié un texte demeuré célèbre sur la liberté d’expression, le compositeur dut transposer l’action et modifier l’intrigue pour que son chef-d’œuvre puisse être représenté.  

« L’apparition de ce drame au théâtre a donné lieu à un acte ministériel inouï. Le lendemain de la première représentation, l’auteur reçut de M. Jouslin de Lassalle, directeur de la scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve précieusement l’original :
"Il est dix heures et demie, et je reçois à l’instant l’ordre de suspendre les représentations du Roi s’amuse. C’est M. Taylor qui me communique cet ordre de la part du ministre.
Ce 23 novembre."
Le premier mouvement de l’auteur fut de douter. L’acte était arbitraire au point d’être incroyable. »

Préface de Victor Hugo pour l’édition du Roi s’amuse


Victor Hugo intenta un procès au Théâtre-Français pour protester contre l’interdiction de sa pièce. On fut scandalisé tant par Triboulet, présenté en héros tragique, que par la charge politique de l’écrivain contre la monarchie. On jugea le tout profondément immoral.

Les questions de police des théâtres étaient alors du ressort du Ministère du Commerce et des Travaux publics, dirigé par le comte d’Argout. En 1832, on vivait sous le régime de la Charte de 1830 qui stipulait dans son article 7 : « La censure ne peut jamais être rétablie ». Si l’article, très imprécis, concernait plutôt la liberté de la presse - chèrement acquise -, la liberté du théâtre, non mentionnée, était implicitement admise. Dans ce cadre, l’intention de l’écrivain était de mener un procès politique afin de démontrer l’illégalité de la censure qui frappait son œuvre. Dans un premier temps, Victor Hugo explicita son combat pour « sa liberté de poète et de citoyen » dans la Préface à l’édition du Roi s’amuse, parue le 3 décembre 1832. Le jour du procès, 19 décembre 1832, l’avocat Odilon Barrot plaida pour l’écrivain puis celui-ci prit la parole et lut son discours devant une foule nombreuse :

« … Aujourd’hui on me bannit du théâtre, demain on me bannira du pays ; aujourd’hui on me bâillonne, demain on me déportera ; aujourd’hui l’état de siège est dans la littérature, demain il sera dans la cité. »

Le discours de Victor Hugo fut - habilement - donné par l’éditeur Renduel aux acheteurs de l’ouvrage, puis inséré à partir de la troisième édition. Ce discours restera célèbre pour la défense de la liberté d’expression.
Le Tribunal de Commerce se déclara incompétent dans son jugement du 2 janvier 1833. Victor Hugo ne fit pas appel et renonça à sa pension octroyée par Louis XVIII.    

Première page de la préface de l’édition du « Roi s’amuse » (Ed. J. Hetzel, 1866) : discours de Victor Hugo prononcé devant le tribunal de commerce
Première page de la préface de l’édition du « Roi s’amuse » (Ed. J. Hetzel, 1866) : discours de Victor Hugo prononcé devant le tribunal de commerce © Bnf

Après 1830, dans ces années d’agitation républicaine, beaucoup de spectacles représentés portaient un regard ironique et railleur sur la société et donnaient à entendre un réel et profond sentiment de révolte contre toutes formes d’autorité. On se moquait de tout et de tous. Le duo de bandits drolatiques, Robert Macaire et son compère Bertrand - personnages de L’Auberge des adrets, représentée en 1823 et reprise en 1832 - s’inscrivaient du fait de leur immense succès dans cette veine séditieuse. À cette époque, le théâtre était le grand divertissement des classes populaires et la Monarchie de Juillet se méfiait du côté dangereux que le théâtre pouvait toujours induire. Déjà en 1831, Louis-Philippe avait tenté de rétablir la censure sans y parvenir. Elle le sera en 1835, l’année de l’attentat de Giuseppe Fieschi qui tua dix-huit personnes sans atteindre le roi, ni les princes ses fils.

Tardivement, Victor Hugo a ajouté sur la première page du manuscrit de sa pièce : « écrit le 1er acte au milieu de la fusillade de l’insurrection » ; c’est-à-dire au moment où l’importante barricade du cloître Saint-Merri est enlevée par les forces gouvernementales, lors des évènements des 5 et 6 juin 1832.

Du théâtre à l’opéra, notons que Giuseppe Verdi lui-même - admirateur passionné de l’œuvre de Victor Hugo - fut l’objet de la censure de l’Empire austro-hongrois qui occupait une partie de l’Italie, et notamment Venise, quand il voulut adapter la pièce telle que. Il dut alors procéder à une transposition pour parvenir au chef-d’œuvre que nous pouvons toujours voir et entendre aujourd’hui.

Marie-Laurence Marco est responsable de la bibliothèque et de la documentation de la Maison de Victor Hugo. Historienne du XIXe siècle, elle prépare une thèse sur Les paysages sonores dans l'œuvre poétique de Victor Hugo.


Rigoletto de Giuseppe Verdi
Placée sous la direction de Nicola Luisotti, cette nouvelle production de Rigoletto marque la première collaboration du metteur en scène Claus Guth avec l’Opéra de Paris.

© Christophe Pelé/OnP

La boîte en carton de Rigoletto

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Un spectacle, un souvenir

04 min

La boîte en carton de Rigoletto

Par Jean-Yves Dary

Dans sa production de Rigoletto, de retour à l’Opéra Bastille, Claus Guth situe l’action de l’opéra dans une immense boîte en carton, qui évolue au fil de l’intrigue… l’occasion de partir à la rencontre d’un service peu connu du grand public mais essentiel de l’Opéra de Paris, le bureau d’études : rattaché à la Direction technique, il est indispensable à la réalisation des spectacles de Bastille et de Garnier. Frédéric Crozat, responsable du service, Benoît Dheilly, responsable adjoint et Jean-Yves Dary, dessinateur « projeteur » nous parlent de leur métier et de la conception de cette boîte impressionnante.    

Frédéric Crozat, Benoît Dheilly et Jean-Yves Dary :

Quand la maquette du scénographe est livrée au bureau d’études, nous avons pour mission de la respecter scrupuleusement pour qu’elle puisse devenir une réalité physique : nous évaluons alors ce qui est faisable ou non, nous dessinons les plans des décors, en tenant compte des contraintes de la mécanique et de la sécurité de l’ensemble, dans le respect des spécificités de chacune des deux salles.
Il s’agit d’abord de s’assurer que le décor tel qu’il a été imaginé peut fonctionner sur le plateau. Deux personnes, que nous appelons les « implanteuses », vérifient ainsi la faisabilité du décor, tableau par tableau, à l’aide des maquettes et indiquent comment les éléments du décor vont bouger sur scène en fonction du déroulé de l’histoire. Cette étude va conditionner la construction des éléments de décor. Pour le carton de Rigoletto, nous nous sommes posés toutes sortes de questions : à la fin de la représentation, comment est-il déblayé ? Pendant, est-il fixe ou mobile? Combien y aura-t-il d’artistes dessus ? Si tous les décors sont uniques en leur genre, celui de Rigoletto a posé quelques difficultés : il y avait beaucoup d'éléments mécaniques à mettre en place car la boîte en carton ne cesse d’évoluer, de s’ouvrir, de s’agrandir ou de rétrécir tout au long de l’opéra… 

Rigoletto, Opéra national de Paris, 2016
Rigoletto, Opéra national de Paris, 2016 © Monika Rittershaus

Lors de la seconde étape, les dessinateurs projeteurs du bureau d’études réalisent des plans de construction des décors pour chacun des ateliers. Au-delà de l’aspect très technique de notre métier, le rendu esthétique est pour nous primordial : le décor, c’est avant tout « l’art du faux ». Il s’agit toujours d’une démarche très précise. Ce qui est amusant pour Rigoletto, c’est que la maquette qui nous a été remise était déjà réellement en carton. Nous y avons donc directement relevé les écarts des ondulations du matériau pour recréer les alvéoles de la façon la plus réaliste possible. Il s’agissait ensuite de trouver le bon matériau : ici, comme souvent, il s’agit de polystyrène recouvert de fibre de verre. Enfin, l’atelier peinture s’est occupé de trouver le bon mélange de couleur pour retranscrire au mieux l’aspect du carton. Nous avons ainsi fait réaliser des échantillons que nous avons présentés au décorateur, avant qu’ils soient validés.

Nous ne jugeons jamais le parti pris esthétique des metteurs en scène : notre liberté s’exerce uniquement dans les choix techniques. Mais il est intéressant de connaître l’esprit d’une production ; ici, le scénographe nous a expliqué que la boîte en carton devait traduire l’enfermement psychique du héros : le spectateur vit le drame à travers les yeux d’un Rigoletto brisé, revivant la tragédie qui a causé la mort de sa fille Gilda.

Chaque décor est unique, et voir l’aboutissement de notre travail, de la maquette, telle qu’elle a été dessinée jusqu’au décor « vivant » est particulièrement gratifiant, d’autant plus que cela se fait dans un laps de temps très court. Des souvenirs marquants, nous en avons à chaque saison et Rigoletto fut une belle aventure.


Propos recueillis par Juliette Puaux

  • Rigoletto vu par l'Académie de l'Opéra national de Paris
  • « Rigoletto » - Trailer
  • Olga Peretyatko à propos de Rigoletto
  • Rigoletto - Giuseppe Verdi

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  • Places à 35 € pour les moins de 28 ans, demandeurs d’emploi (avec justificatif de moins de trois mois) et seniors de plus de 65 ans non imposables (avec justificatif de non-imposition de l’année en cours)
  • Places à 70 € pour les seniors de plus de 65 ans

Retrouvez les univers de l’opéra et du ballet dans les boutiques de l’Opéra national de Paris. Vous pourrez vous y procurer les programmes des spectacles, des livres, des enregistrements, mais aussi une large gamme de papeterie, vêtements et accessoires de mode, des bijoux et objets décoratifs, ainsi que le miel de l’Opéra.

À l’Opéra Bastille
  • Ouverture une heure avant le début et jusqu’à la fin des représentations
  • Accessible depuis les espaces publics du théâtre
  • Renseignements 01 40 01 17 82

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