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Opéra

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Les Maîtres chanteurs de Nuremberg

Richard Wagner

Opéra Bastille

du 01 au 28 mars 2016

5h45 avec 2 entractes


Les Maîtres chanteurs de Nuremberg

Opéra Bastille - du 01 au 28 mars 2016

Synopsis

"C’est sous l’empire de leur détresse, de leurs âpres aspirations, de leurs regrets, que les Maîtres composèrent une image et, pour ainsi dire, un modèle, afin de conserver en lui, ferme et clair, le souvenir béni de leur jeunesse et de l’amour de leur jeunesse, afin d’y reconnaître le printemps, même évanoui."

-Die Meistersinger von Nürnberg, Acte III, scène 2

Nuremberg, été 1835 : dans une taverne, une joute vocale oppose Richard Wagner à un menuisier chanteur, et dégénère en échauffourée. Le décor de « Die Meistersinger » est en somme déjà planté. Marienbad, été 1845 : en puisant dans l'Histoire de la littérature poétique nationale des Allemands, ainsi que dans une biographie du cordonnier et poète Hans Sachs (1494-1576), le compositeur esquisse le canevas d’un pendant satirique de Tannhäuser. Venise, automne 1861 : visitant l’Accademia avec les Wesendonck, il tombe en arrêt devant L’Assomption du Titien et décide de s’atteler à l’écriture de « Die Meistersinger » – opéra dont il ne vint à bout que six ans plus tard. Avec un sens de l’autodérision qui ne lui est pas d’emblée associé, il mêle exercice de styles et manifeste esthétique, à la gloire du « noble et saint art allemand ! »

Au-delà d’un nationalisme que Thomas Mann qualifiera de « spiritualisé », l’unique comédie de la maturité de Wagner lie l’aspiration à la nouveauté à une nécessaire persistance des traditions, traçant de l’artiste, dédoublé dans les figures de Sachs et Walther von Stolzing, un autoportrait en sage autant qu’en audacieux. Après un remarquable Parsifal au Festival de Bayreuth en 2012, Philippe Jordan retrouve le metteur en scène Stefan Herheim pour la première production de Die Meistersinger von Nürnberg à l’Opéra de Paris depuis plus d’un quart de siècle.

Durée : 5h45 avec 2 entractes

Artistes

Opéra en trois actes et sept tableaux (1868)

En langue allemande

Équipe artistique

Distribution

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Coproduction avec le Festival de Salzbourg

Surtitrage en français et en anglais

Galerie médias

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Podcast Die Meistersinger von Nürnberg

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique

07 min

Podcast Die Meistersinger von Nürnberg

Par Judith Chaine, France Musique

  • En partenariat avec France Musique

Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Judith Chaine pour le lyrique et Stéphane Grant pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.      

© DR

Wagner et l’Opéra de Paris en 10 dates

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Réception des opéras wagnériens du XIXe siècle à nos jours

19 min

Wagner et l’Opéra de Paris en 10 dates

Par Corinne Schneider

Alors que Die Meistersinger von Nürnberg est à l’affiche de l’Opéra Bastille, la musicologue Corinne Schneider a retracé pour nous les grandes dates de l’idylle tumultueuse de Richard Wagner avec Paris.

1861 : L’échec de Tannhäuser

Pour la première fois, un ouvrage de Wagner est représenté à Paris et c’est sur l’ordre direct de Napoléon III, grâce aux investigations de la princesse Pauline de Metternich (l’épouse de l’ambassadeur d’Autriche) qui entretenait des relations amicales avec le couple impérial et qui avait assisté à une représentation de Tannhäuser à Dresde. Installé à Paris pour l’occasion, Wagner établit une version française de l’œuvre avec l’aide de Charles Nuitter (alors bibliothécaire de l’Opéra de Paris) et modifie en plusieurs endroits sa partition de 1845. Pour satisfaire aux exigences de la première scène lyrique parisienne, il ajoute notamment un ballet qu’il place à la suite du premier tableau, au lieu de l’intégrer au deuxième acte, comme il était alors d’usage. Après six mois de travail et plus de 160 répétitions laborieusement menées au goût de Wagner par Pierre-Louis Dietsch, la première représentation (13 mars) rencontre les sifflets d’une partie de la salle : une cabale est organisée par les membres du Jockey-Club au sujet de l’emplacement du ballet. La haute société parisienne, celle du faubourg Saint-Germain comprenant bon nombre d’anti-bonapartistes, participe à cette opposition qui prend une tournure politique en présence du couple impérial à la deuxième représentation (18 mars), tandis que la presse se déchaîne en caricatures et en pamphlets au sujet de la « musique de l’avenir ». Wagner finit par retirer son ouvrage de l’affiche après la troisième représentation (24 mars). S’il faut attendre trois décennies avant que le nom de Wagner ne figure à nouveau à l’affiche de l’Opéra, un premier cercle de fervents défenseurs de sa musique s’est néanmoins formé sous le Second Empire autour de Baudelaire, Champfleury, Mendès, Pauline Viardot, Gounod ou encore Pasdeloup, qui fait représenter Rienzi sur la scène du Théâtre-Lyrique en 1869.

1891 : Lohengrin, une consécration tardive

Une Capitulation, c’est le titre donné par Wagner en 1870 à un vaudeville rédigé sur le mode d’une « comédie à la manière antique » pour railler la défaite des Français dans le conflit franco-prussien. Longtemps les Parisiens se souviendront de ce pamphlet qui constitue un frein considérable à la réception de ses opéras dans la capitale. Bien après la mort du compositeur, le nom seul de Wagner cristallise encore une germanité malvenue dans un contexte politique nationaliste très tendu. Lamoureux se voit ainsi obligé d’annuler les représentations de Lohengrin à l’Eden-Théâtre après que la première du 3 mai 1887 ait causé à l’extérieur de la salle une révolte antigermanique qui nécessite l’intervention des forces de l’ordre. Au rythme des affaires politiques et diplomatiques entre les deux pays, les wagnérophobes s’opposent aux wagnérophiles néanmoins de plus en plus nombreux à se rendre au Festival de Bayreuth et à se presser aux concerts parisiens dirigés par Pasdeloup, Lamoureux et Colonne qui programment sans relâche des pages symphoniques et des extraits chantés d’opéras. Alors que Lohengrin a déjà obtenu plus d’une centaine de représentations dans plusieurs villes de France en 1891, il faut tout de même attendre le 16 septembre de la même année pour que l’ouvrage figure à l’affiche du Palais Garnier. Après 174 répétitions, alors que la garde républicaine encercle encore le bâtiment afin de contrecarrer tout débordement boulangiste ou germanophobe, la création dans la version française de Nuitter avec Rose Caron et Ernest Van Dyck sous la direction de Lamoureux remporte un succès éclatant et l’ouvrage ne quitte plus la première scène lyrique parisienne jusqu’en 1914. Toujours dans une traduction française, La Walkyrie (1893), Tannhäuser (1895), Les Maîtres chanteurs de Nüremberg (1897), Siegfried (1902) et Tristan et Isolde (1904) intègrent alors coup sur coup le répertoire, sans qu’aucun de ces ouvrages ne détrône toutefois Lohengrin qui reste alors le plus grand succès public wagnérien de l’Opéra de Paris (totalisant 327 représentations de 1891 à 1914).    

1911 : De la première Tétralogie à Parsifal avec André Messager

Malgré son entrée tardive à l’Opéra de Paris, Wagner est finalement le compositeur qui obtient le plus grand nombre d’ouvrages représentés sur cette scène entre 1875 et 1914 en totalisant 9 œuvres, devant Massenet qui en compte 7, Saint-Saëns (5), Gounod (4) et Verdi (4). Dès son arrivée comme codirecteur du Palais Garnier, André Messager intègre au répertoire Le Crépuscule des Dieux (1908) et L’Or du Rhin (1909). Fervent défenseur des œuvres de Wagner sans tomber dans la wagnéromanie, il s’était rendu à Bayreuth en 1886 (Parsifal et Tristan), en 1888 (Parsifal et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg) et en 1896 (Tétralogie) avant de faire ses débuts de chef wagnérien à Marseille en 1897 en dirigeant La Walkyrie. C’est sous son impulsion que l’Opéra de Paris inscrit donc en 1909 à son répertoire la Tétralogie au complet, dans la traduction française « en prose rythmée » d’Alfred Ernst. En juin 1911, Messager invite Felix Weingartner et Arthur Nikisch a diriger deux cycles en soirées rapprochées, pour la première fois sur le modèle de Bayreuth (le 10, L’Or du Rhin, le 11, La Walkyrie, le 13, Siegfried et le 15, Le Crépuscule des Dieux ; puis le 24, L’Or du Rhin, le 25, La Walkyrie, le 27, Siegfried et le 29, « Le Crépuscule »). Une deuxième édition est programmée l’année suivante, à nouveau sous la direction de Weingartner (1er cycle, les 15, 16, 18 et 20 juin) et celle de Messager (2e cycle, les 24, 28 juin et 3 juillet, sans La Walkyrie). L’âge d’or de Wagner au Palais Garnier culmine le 4 janvier 1914 avec la création française de Parsifal (dans la traduction d’Alfred Ernst), en présence du Président de la République. André Messager est l’un des premiers chefs d’orchestre à s’être arrogé l’ultime œuvre du compositeur sur laquelle Bayreuth avait posé un monopole (lequel s’achevait le 31 décembre 1913). Quelques mois avant la déclaration de la guerre, les représentations parisiennes de Parsifal magnifiées par Lucienne Bréval, Paul Franz et Marcel Journet, font salle comble et obtiennent un retentissement international.

1932 : Le triomphe de Wilhelm Furtwängler

Pendant la Première Guerre mondiale, Wagner est frappé à Paris d’un ostracisme complet. À l’issue du conflit, la capitale vit désormais au rythme des nouvelles tendances modernistes et les représentations wagnériennes ne retrouvent pas la fréquence qu’elles avaient connue avant la guerre. Elles reprennent tardivement avec La Walkyrie (à partir du 5 janvier 1921) et une frange du public demeure fidèle à ce répertoire même si la critique se plaint des mises en scène désuètes et des toiles poussiéreuses d’avant-guerre. Tout au long de la direction de Jacques Rouché (1914-1945), les opéras de Wagner (surtout La Walkyrie et Lohengrin) restent à l’affiche de la première scène lyrique française où brillent à cette époque notamment Georges Thill et Germaine Lubin, pour la première fois Isolde à l’Opéra Paris en 1930. Tandis que Philippe Gaubert dirige la majorité des représentations au fil des saisons, Wilhelm Furtwängler est invité entre 1932 et 1938 à diriger 19 exécutions de Tristan et Isolde (1932, 1933, 1934, 1935, 1938), de La Walkyrie (1933, 1935), des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1934, 1936) et de Siegfried (1938) avec une distribution vocale allemande, donc le plus souvent en langue allemande. C’est lui qui assure une triomphale centième représentation de « Tristan » le 21 juin 1938 avec Germaine Lubin dont il disait qu’elle était « la plus grande Isolde qu’il ait jamais entendue ». L’Opéra de Paris et Furtwängler participent ainsi activement au rapprochement franco-allemand de l’Entre-deux-guerres initié par les accords de Locarno (1925) qui entendaient « substituer à l’esprit de précaution, de soupçon ou de revanche, l’esprit de solidarité » (Aristide Briand). La France le remercie en lui remettant l’Ordre du mérite (1929), puis la Légion d’Honneur le 20 février 1939 : une nouvelle dont la diffusion en Allemagne est interdite par Hitler. Quelques mois plus tard, les représentations de La Walkyrie qu’il doit donner en juin 1939 sont annulées par le gouvernement français « pour des raisons politiques ».
Création du « Vaisseau fantôme » à l’Opéra en 1937.
Création du « Vaisseau fantôme » à l’Opéra en 1937. © DR

1937 : Le Vaisseau fantôme, enfin

Pourquoi l’intégration du Vaisseau fantôme au répertoire de la première scène lyrique française est-elle si tardive ? C’est qu’à Paris, l’œuvre faisait partie du répertoire de l’Opéra-Comique depuis que Léon Carvalho l’avait créée pour la première fois sur une scène de la capitale (salle du Châtelet), le 17 mai 1897 (reprises dans une nouvelle mise en scène d’Albert Carré en 1904 et 1911). Les difficultés financières rencontrées par cette institution dans les années 1930 incitèrent l’État (décret du 13 août 1936) à placer l’Opéra-Comique et l’Opéra sous une gestion unique, confiée à Jacques Rouché (directeur du Palais Garnier depuis 1914). Si les deux scènes lyriques conservaient leur troupe et leur répertoire spécifique, quelques échangent s’instaurèrent. C’est à l’occasion de cette nouvelle structuration (nommée Réunion des théâtres lyriques nationaux, loi du 14 janvier 1939) que Le Vaisseau fantôme transite du répertoire de l’Opéra-Comique à celui de l’Opéra, donc dans cette même traduction française établie par Wagner et Nuitter en juillet 1861. Avant d’être représentée à l’Opéra-Comique en 1897, cette version avait été créée du vivant du compositeur au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles en 1872. L’œuvre résonne pour la première fois au Palais Garnier le 27 décembre 1937 avec Germaine Hoerner et Martial Singher sous la direction de Philippe Gaubert, dans une mise en scène de Pierre Chéreau. Elle est donnée 19 fois avant que les portes de l’établissement ne se ferment le 1er septembre 1939 pour cause de mobilisation générale. À cette époque, plus personne n’avait alors en mémoire l’autre Vaisseau fantôme de l’Opéra de Paris, celui créé le 9 novembre 1842 (12 représentations…), dont la musique avait été composée par Pierre-Louis Dietsch sur un livret (Le Vaisseau fantôme ou Le maudit des mers) établi par Paul Foucher et Bénédict-Henri Révoil à partir de l’idée et d’un synopsis vendus au directeur Léon Pillet pour 500 francs le 2 juillet 1841 par Wagner lui-même, alors fraîchement arrivé à Paris avec l’ambition de conquérir les planches de la première scène lyrique française.

1951 : Les débuts de Régine Crespin dans Lohengrin

Sous l’Occupation, si la direction de l’Opéra réussit malgré tout à donner 33 représentations (en langue française) du Vaisseau fantôme et 14 de l’Or du Rhin, la Propagandastaffel lui impose surtout les tournées de troupes lyriques allemandes destinées à satisfaire les occupants. Vifs sont les souvenirs de la façade du Palais Garnier parée des emblèmes du régime nazi à l’occasion de représentations à guichets fermés et sur invitation (donc uniquement réservées aux Allemands) de Die Walkyrie (par l’Opéra de Mannheim en mars 1941), de Tristan und Isolde (par le Staatsoper de Berlin avec Germaine Lubin sous la direction de Karajan en présence de Winifred Wagner en mai 1941 – sur l’ordre d’Hitler pour fêter la chute de Paris) ou de Der Fliegende Holländer (par la troupe de l’Opéra de Cologne en juin 1942). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la population parisienne s’émeut de la récupération de Wagner par le nazisme et la réception de ses œuvres en pâtit, les représentations wagnériennes ne reprenant au Palais Garnier que le 16 août 1946 avec Le Vaisseau fantôme. Le premier événement wagnérien d’importance après la guerre est le retour triomphal le 16 mai 1947 du ténor canadien Raoul Jobin dans Lohengrin, son premier grand rôle wagnérien. Du côté féminin, une artiste française parvient par son talent à donner un souffle nouveau à l’interprétation des grands rôles wagnériens : Régine Crespin, fraîchement diplômée du Conservatoire de Paris, incarne Elsa (Lohengrin) dès 1950 à Mulhouse, un rôle qui la propulse immédiatement sur la première scène lyrique parisienne où elle fait ses débuts, le 10 août 1951, sous la direction d’André Cluytens. Elle incarne alors à Garnier les plus grands rôles du répertoire avant que sa carrière ne prenne une dimension internationale en 1958 lorsque Wieland Wagner la choisit pour interpréter Kundry (Parsifal) au Festival de Bayreuth sous la direction de Hans Knappertsbusch en dépit du fait qu’elle n’avait encore jamais chanté en langue allemande. Régine Crespin incarne ensuite Sieglinde (Bayreuth, Vienne) et Brünnhilde (Salzbourg, New York, Los Angeles) sur les plus grandes scènes internationales.

1955 : Der Ring des Nibelungen pour la première fois en allemand avec Hans Knappertsbusch

Alors que la troupe de l’Opéra chante encore l’ensemble du répertoire étranger en langue française et que les décors du début du siècle servent toujours aux représentations de la plupart des opéras de Wagner, les artistes et les chœurs de l’Opéra de Stuttgart sous la direction de Ferdinand Leitner sont invités pour trois représentations de Parsifal (24, 26 et 28 mars 1954) chantées à cette occasion pour la première fois en langue allemande au Palais Garnier. Le Ring est également représenté pour la première fois en allemand en 1955 (1er cycle, les 7, 11, 13 et 18 mai et 2e cycle, les 21, 23, 25 et 27 mai), sous la direction de Hans Knappertsbusch, dans une mise en scène de Karl Schmid-Bloss, avec une distribution comprenant notamment Sigurd Björling et Hans Hotter (Wotan), Ludwig Suthaus et Günther Treptow (Siegmund), Leonie Rysanek (Sieglinde) et Martha Mödl (Brünnhilde), Bernd Aldenhoff, Hans Beirer et Günter Treptow (Siegfried). Une reprise a lieu avec le même chef en 1957 (L’Or du Rhin, les 3 et 6 mai, La Walkyrie, les 10 et 13 mai, Siegfried, les 17 et 20 mai et Le Crépuscule des Dieux, les 24 et 27 mai) avec une distribution légèrement différente et une mise en scène réglée par José Beckmans. Hans Knappertsbusch – qui avait soutenu une thèse de philosophie sur le personnage de Kundry (Université de Bonn) avant d’être chef assistant de Siegfried Wagner et de Hans Richter à Bayreuth au début des années 1910 – est à cette époque l’un des plus grands chefs d’orchestre wagnériens : c’est lui qui avait dirigé à la réouverture du Festival de Bayreuth (Neues Bayreuth), en 1951, la légendaire production de Parsifal dans la mise en scène épurée et stylisée de Wieland Wagner (55 représentations jusqu’en 1964) ; viennent ensuite à Bayreuth six Ring (1951, 1956, 1957 et 1958), treize Maîtres Chanteurs (1951, 1952 et 1960) et trois Vaisseau Fantôme (1955). À partir du Ring de 1955, le Palais Garnier reçoit régulièrement Hans Knappertsbusch, notamment en 1956 et en 1958 pour six représentations de Tristan et Isolde avec Astrid Varnay. Francis Poulenc écrit en octobre 1956 (Musica n° 31) que le chef allemand estimait à un point tel les musiciens de la première scène lyrique française qu’il les considérait comme formant « le meilleur orchestre du monde ».

1966 : Tristan et Isolde de Wieland Wagner

Georges Auric, directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux depuis 1962, propose à Wieland Wagner de présenter aux Parisiens le 25 février 1966 une production entièrement nouvelle de Tristan et Isolde qui fait événement : en effet, ce sont toujours les décors de la création de l’ouvrage à Garnier (1904) qui sont utilisés aux représentations dirigées par Knappertsbusch en 1958 ! Wieland Wagner reprend la mise en scène, les décors et les costumes établis pour le Festival de Bayreuth en 1962, celle où l’action prend place dans des espaces lumineux et colorés, nus et plantés de totems. Wolfgang Windgassen et Birgit Nilsson (première apparition à l’Opéra de Paris) qui s’étaient produits dans la production originale de Bayreuth de 1962 à 1970 sous la direction de Karl Böhm, interprètent les cinq représentations parisiennes de 1966 sous la direction de George Sébastian. Cette production de référence est ensuite reprise en 1967 et en 1972. La mort prématurée de Wieland Wagner en octobre 1966 ne lui permettra pas de voir aboutir sa réalisation de La Walkyrie pour Garnier, achevée par son assistant Peter Lehmann (première le 26 mai 1967, reprises en 1971 et 1972). Production après production, les années 1950-1960 marquent donc la fin des représentations des opéras de Wagner en langue française, même si quelques intégrations au répertoire d’opéras étrangers auront encore recours au français. C’est par exemple le cas d’Oberon (1825) de Weber lors de son arrivée tardive à l’Opéra (12 février 1954) dans une adaptation de Maurice Kufferath et Henri Cain, du Prisonnier (1950) de Dallapiccola dans une version traduite par Jean-Marie Martin (21 avril 1968), ou encore de la traduction d’André Burgaud de Maria Golovine (1958) de Menotti (8 décembre 1971). On doit la disparition complète des productions en traduction française à Rolf Liebermann qui pensait que l’absolue compréhension de la langue n’était pas garante de la démocratisation d’un opéra. Il est vrai que le disque avait alors largement popularisé les opéras en langue originale auprès du public.
« En 1861, j’ai sifflé Tannhäuser, aujourd’hui, je l’applaudis… Quand ai-je eu raison ? » - Dessin du caricaturiste Draner
« En 1861, j’ai sifflé Tannhäuser, aujourd’hui, je l’applaudis… Quand ai-je eu raison ? » - Dessin du caricaturiste Draner © DR

2007 : Tannhäuser de Robert Carsen

Les années 1980 sont wagnériennes et marquées par de nombreuses nouvelles productions : Le Vaisseau fantôme par Silvio Varviso et Jean-Claude Riber (5 décembre 1980) ; Lohengrin par Christoph von Dohnányi et Jacques Lassalle (29 janvier 1982) ; Tannhäuser par Uwe Mund et István Szabó (7 juillet 1984) ; Tristan et Isolde par Marek Janowski et Michael Hampe (28 janvier 1985) ; Le Vaisseau fantôme par Heinrich Hollreiser et Jean-Louis Martinoty (18 mai 1987) et Les Maîtres Chanteurs de Nüremberg par Lothar Zagrosek et Herbert Wernicke (2 février 1989). Tous les opéras de Wagner (sauf la Tétralogie et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg) font ensuite leur entrée à l’Opéra Bastille dans les années 1990-2000 : Le Vaisseau fantôme par Myung-Whun Chung et Werner Herzog (23 septembre 1993) ; Lohengrin dans une production du Grand Théâtre de Genève par James Conlon et Robert Carsen (22 novembre 1996) ; Parsifal par Armin Jordan et Graham Vick (28 mars 1997) ; Tristan et Isolde par James Conlon et Stein Winge (4 février 1998) ; Le Vaisseau fantôme par James Conlon et Willy Decker (23 juin 2000) ; Tristan et Isolde par Esa-Pekka Salonen, Peter Sellars et Bill Viola pour l’installation vidéo (12 avril 2005) ; Tannhäuser par Seiji Ozawa et Robert Carsen (6 décembre 2007) et Parsifal par Hartmut Haenchen et Krzysztof Warlikowski (4 mars 2008). Gérard Mortier, directeur de l’Opéra depuis 2004, impulse la réhabilitation de Tannhäuser, premier opéra de Wagner représenté à l’Opéra de Paris. La nouvelle production présentée en 2007 réintègre en effet plusieurs passages aménagés par le compositeur pour les représentations parisiennes de 1861, dont le fameux ballet du premier acte, chorégraphié à la Bastille par Philippe Giraudeau. Dans la mise en scène de Robert Carsen, Tannhäuser n’est plus chanteur, mais peintre ; il représente l’artiste en général et interroge sa place dans la société. Cette production dirigée par Seiji Ozawa marque également les débuts du grand ténor wagnérien Stephen Gould sur la première scène parisienne, ainsi que la première apparition à la Bastille de Nina Stemme lors de la reprise du spectacle en 2011.

2010-2013 : Le premier Ring à l’Opéra Bastille

Depuis le Ring de 1957 dirigé par Hans Knaperrtsbusch – sans compter la tentative malheureusement avortée de Rolf Liebermann en 1976 avec le tandem Peter Stein et Klaus Michael pour la mise en scène et la direction musicale de Georg Solti – la première scène lyrique française avait fait l’impasse sur le grand cycle wagnérien. Les Parisiens avaient toutefois pu entendre la Tétralogie au concert à deux reprises par l’Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la direction de Marek Janowski (Théâtre du Châtelet, 1986 et Salle Pleyel, 1992) puis en version scénique en 1994 sous l’impulsion de Stéphane Lissner au Théâtre du Châtelet avec l’Orchestre national de France sous la direction de Jeffrey Tate dans la mise en scène de Pierre Strosser, et encore en 2005-2006, toujours au Théâtre du Châtelet alors dirigé par Jean-Pierre Brossmann, avec l’Orchestre de Paris sous la direction de Christophe Eschenbach dans la mise en scène de Robert Wilson. C’est au chef d’orchestre Philippe Jordan que la Bastille doit sa première Tétralogie, mise en scène par Günter Kramer : L’Or du Rhin (4 mars 2010), La Walkyrie (30 mai 2010), Siegfried (1er mars 2011) et Le Crépuscule des Dieux (3 juin 2011), puis le cycle en continu nommé « Ring 2013 » pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Wagner (les 18, 19, 23 et 26 juin 2013).

Actuel Directeur musical de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan fut l’assistant de Jeffrey Tate pour le Ring du Châtelet de 1994 et a expérimenté la tradition germanique auprès de Daniel Barenboïm (dont il est l’assistant à la Deutsche Staatsoper de Berlin de 1998 à 2001) qui lui transmet son expérience de Bayreuth autant que l’héritage berlinois. Il dirige sa première Tétralogie en 2008-2009 à l’Opéra de Zurich avec la mise en scène, les décors et les éclairages de Robert Wilson (reprise de la production de 2001). Avec la Tétralogie parisienne, Jordan confirme son engagement de chef wagnérien. Il a fait ses débuts au Festival de Bayreuth dans Parsifal en 2012.

Les recherches de Corinne Schneider portent sur les échanges musicaux entre la France et l'Allemagne (installation de troupes lyriques allemandes à Paris, traduction française des livrets allemands, réception en France de Weber, Beethoven, Wagner). Elle a notamment publié une étude sur la réception de Schubert : Reflets schubertiens (Fayard/Mirare, 2008). Docteur en musicologie, elle est actuellement responsable du département musicologie et analyse du Conservatoire de Paris.

Wagner comique

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Entretien avec Philippe Jordan

4:24 min

Wagner comique

Par Laurent Sarazin

Richard Wagner à Nuremberg

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Regard sur Die Meistersinger von Nürnberg

10 min

Richard Wagner à Nuremberg

Par Vincent Borel

Parce que « Die Meistersinger », à l’affiche de l’Opéra Bastille, doit beaucoup à Nuremberg, nous avons demandé à Vincent Borel, écrivain, auteur notamment de Richard W., de nous raconter la relation de Richard Wagner à cette ville qui a été au cœur de l’Histoire européenne pour le meilleur et pour le pire.

J’avais onze ans lorsque Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg retentirent pour la première fois à mes oreilles. C’était à Lyon, au théâtre romain de Fourvière. Une troupe venue de derrière le Rideau de fer, de Sofia, donnait l’œuvre dans toute son imagerie traditionnelle. J’en connaissais déjà au disque l’irrésistible ouverture. Son ut majeur et sa franchise puissante, Otto Klemperer et la Philharmonia Orchestra l’offraient en « morceaux choisis » sur l’un de ces 33 tours que l’on trouvait alors dans les présentoirs de Prisunic. Je sortis ébloui de la représentation. Mais je n’avais pas encore rencontré l’autre Wagner, le voluptueux, le névrotique, celui qui vous emporte vers les sommets grandioses de la Tétralogie. Et j’ignorais surtout ce que Nuremberg signifiait précisément pour l’Allemagne.

Wagner reste sans conteste un compositeur vénéneux, jouissant dans l’inabouti, offrant sa langue musicale au renoncement schopenhauerien. Mais il en est un autre, qui n’a jamais eu le temps de pleinement éclore, un Wagner joyeux et apollinien, pratiquant la comédie et la satire. Des Noces de Luther étaient dans ses cartons, elles n’ont pas eu le temps de voir le jour. Ni ses Vainqueurs, qui auraient été la probable quintessence de Parsifal et du « Crépuscule ». Néanmoins, dans ce corpus tragique et sombre, le rire existe. La première des comédies wagnériennes s’appelle La Défense d’aimer. C’est une rouerie endiablée qui marie Weber et Rossini. Cet opéra de jeunesse se redécouvre d’ailleurs cette saison à Strasbourg, et elle mérite le voyage. Une veine toute autre s’y fait jour, latine, italienne. Dans le Journal de Cosima, qui ouvre maintes portes dérobées sur l’intimité du créateur, Wagner livre une confidence intéressante. Si sa bonne fortune l’avait plutôt aiguillé vers l’Italie, en deçà de La Spezia où avait eu lieu, pour lui, la révélation musicale de L’Or du Rhin ; si Wagner avait pu s’établir au sud, alors il aurait composé Les Maître chanteurs de Florence et la Tétralogie des Atrides, non les œuvres que l’on connaît. Le décor lui importait bien moins que le mythe en soi.
Nuremberg par Hartmann Schedel, 1493
Nuremberg par Hartmann Schedel, 1493 © akg-images

Durant des décennies, Wagner avait espéré pouvoir établir son art dans un lieu privilégié où pouvoir refonder la pratique sociale et artistique du théâtre lyrique. En juin 1864, sa rencontre avec Louis II vient lui en offrir l’opportunité. Son rêve allait s’incarner en Bavière et non en Italie. Wagner se présenta devant le roi avec un calendrier précis. Durant la saison 1865, « Les Maîtres chanteurs ». 1867 et 1868 verraient les quatre opéras du cycle de L’Anneau du Nibelung. En 1869-1870, Les Vainqueurs et pour 1871-1872, Parsifal. Mais la révélation publique de la liaison de Richard avec Cosima von Bülow, et la naissance de leur première fille, Isolde, allaient sévèrement bousculer ce calendrier. Nonobstant ces aléas privés, Wagner venait de rencontrer, en la personne de Louis II, un homme pareillement épris de culture. Et Nuremberg représentait l’Athènes germanique où pouvait s’incarner cet art du futur dont il rêvait. Car, pour un Allemand du XIXe siècle, Nuremberg est une utopie. Elle témoigne d’un passé glorieux, la Renaissance. Ses pignons gothiques sont les témoins parfaits d’un temps qui fut florissant et créatif. Nuremberg représente l’enfance d’une nation, sauvagement interrompue par la Guerre de trente ans et le morcellement du Saint Empire Romain germanique. Elle incarne le triomphe des guildes et des marchands, d’une bourgeoisie fière et heureuse. Jusqu’au bombardement de 1945, la ville restera d’ailleurs en l’état, écrin de retables colorés, d’images grouillantes dans la pierre et sur les murs. La figure de Hans Sachs, poète et savetier, domine cette mythologie.

Wagner a longtemps porté ce Nuremberg en lui. Il s’agit d’abord d’un souvenir personnel, une rixe d’étudiants vécue dans les ruelles de la vieille ville en 1835. Cet épisode va devenir le charivari fugué de la fin du deuxième acte. Puis viennent les lectures, nombreuses. Wagner se considère en effet comme un poète. N’écrit-il pas lui-même ses propres livrets ? Hans Sachs, l’aède Renaissance, interroge le créateur romantique à trois siècles de distance. Si ce vieil homme, mûr et amoureux, est le garant de la tradition, c’est aussi lui qui va aider Walther dans sa victoire. Ce prénom rime d’ailleurs avec Wagner. Après Sachs, c’est son second alter ego, le héraut de la musique nouvelle.

Richard voulait donner la première de ses « Maîtres Chanteurs » à Nuremberg, citadelle intouchée de l’art et de la splendeur allemande. La vieille cité d’Empire, conservée comme une parure tirée d’un coffre d’orfèvre, possédait à ses yeux toutes les qualités pour enfanter un nouvel âge d’or germanique. Son art de l’avenir y aurait trouvé un asile plus digne que les théâtres résidentiels et courtisans. L’École royale de musique, un autre projet présenté à Louis II, y aurait vu le jour. Celle-ci devait produire les chanteurs dont Siegfried, Parsifal et Lohengrin avaient besoin. Car Wagner, insatisfait des interprètes de son temps, souhaitait aussi refonder l’enseignement et la pratique musicale. Au grand dam de son créateur, l’opéra ne sera cependant pas monté à Nuremberg, mais dans une salle de Munich.

Chez lui, la création jaillit sur la route. Chassé de Dresde parce que révolutionnaire, botté par Paris, moqué à Vienne, Richard a sans cesse traversé l’Europe en quête de mécènes fiables et sincères qui puissent partager sa vision. La route est un domaine de liberté, un lieu mental où s’évader des soucis financiers et oublier Minna sa première épouse, aimée de loin et détestée de près. À l’instar de Franz Liszt, Wagner est un artiste de grand chemin.

La genèse des « Maîtres » est, à cet égard, parlante. Scénario et texte sont achevés face au Louvre, à l’hôtel Voltaire, au printemps 1862. Ma vie évoque son ébullition mentale sous les arcades du Palais Royal où il s’imprègne de la truculence citadine. La musique de l’acte I mûrit à Genève, durant l’automne 1866, dans la villa dite Campagne aux artichauts. Une bougie ayant mis le feu au salon, Wagner met cap au sud, guidé par les étoiles. « Nuit, lune croissante, à ma gauche l’épée d’Orion pointée vers le nord-est », écrit-il. Ce nord-est, ce sont les montagnes derrière lesquelles se trouvent Cosima, la petite fille Isolde et le roi Louis. Mais Wagner leur tourne le dos. Puisque le scandale l’a chassé de Bavière, il descend, via Lyon l’industrieuse, en quête d’un havre où poser son âme d’errant et installer sa création. Il doute alors de Louis II qui l’a si mollement soutenu durant l’épreuve.    
Maison de Tribschen (près de Lucerne) où Richard Wagner composa « Les Maîtres Chanteurs »
Maison de Tribschen (près de Lucerne) où Richard Wagner composa « Les Maîtres Chanteurs » © akg-images

En janvier et février 1867, il visite successivement Toulon, Hyères et Marseille. Là, il prend bouche avec Adrien Lucy, fermier général de Napoléon III. Ce dernier accueille le compositeur avec une cordialité tonitruante. Autour de lui on fait cercle, un baryton chante la romance à l’étoile de Tannhäuser et la ballade du Hollandais. Wagner remercie ses hôtes en jouant, en avant-première, l’ouverture des « Maîtres Chanteurs ». Ce faisant, il teste son auditoire. Y aurait-il au bord de sa chère Méditerranée suffisamment de bonnes âmes pour l’aider à construire son rêve d’œuvre future ? Sur la Canebière, à l’Hôtel Noailles où il est descendu, l’écriture de l’opéra progresse. Il y apprend aussi, par télégramme, la mort de Minna. Cette triste nouvelle marque une coupure. Le voici mentalement libéré de Minna et d’un premier mariage conclu bien trop jeune. Wagner abandonne alors le sud et retourne en Suisse. « Les Maîtres » vont s’achever à Tribschen, sur la côte lucernoise du lac des Quatre cantons où l’air et la lumière ont la douceur de la Riviera. Grâce à la générosité retrouvée de Louis II, il loue une solide bâtisse blanche avec vue imprenable sur les lointains. Cosima von Bulöw va bientôt l’y rejoindre, accompagnée de sa fille, Isolde, et de l’autre qui vient, Eva. Prénommée comme l’héroïne des « Maîtres », elle naît le 17 février 1867. Wagner achève l’opéra cette même année, le deuxième acte le 22 juin, le troisième acte le 24 octobre. Puis, le 21 juin 1868, en présence du gotha européen, l’œuvre voit enfin le jour, non sans quelques embûches dressées par l’entourage malveillant du monarque.

L’opéra est un hommage à l’Allemagne de Bach et de Luther. Le Cantor de Leipzig lui a montré la voie musicale, à égalité avec Beethoven. Jeune, la pratique de Bach avait su endiguer l’hyperactivité de celui qui voulait être à la fois acteur, dramaturge et musicien, mais qui contractait surtout trop de dettes dans l’enfer du jeu et l’ivresse des tavernes. Sa mère, inquiète, l’avait confié aux bons soins de Christian Teodor Weinlich, à la Thomaskirche de Leipzig où ce dernier occupait le même poste que Bach. L’élève Wagner, qui rêvait de musique mais peinait à bâtir des œuvres cohérentes, y apprit les fondements du contrepoint.

Weinlich ne lui cédait aucun caprice. Il n’émettait jamais le moindre compliment ; il se contentait de surveiller, taiseux, l’élève turbulent. Il bouturait sans qu’elle s’en rende compte la jeune plante fantasque, de même que Hans Sachs accompagne Walther avec bonhommie et abnégation, jusqu’à lui permettre d’achever le chant de concours qui lui offrira la main d’Eva. Weinlich contraignit sa fougue par la fugue, de même que le maître d’œuvre guide le rabot ou la truelle du compagnon. Ainsi soumis, Richard acheva une composition que Weinlich jugea acceptable. Wagner parcourut ensuite l’œuvre d’orgue de maître Bach et accéda à son instrument. Et c’est avec ce bagage où était enclos l’art de la nation allemande que le jeune maître partit quêter sa place dans le monde.

Après la création, « Les Maîtres Chanteurs » trouvent l’écho espéré. L’opinion publique se rend compte qu’il ne s’agit pas d’un heureux jalon dans la carrière lyrique d’un compositeur parmi d’autres, mais d’un moment essentiel pour la genèse de l’art contemporain. Dans la foulée, dix théâtres lui écrivent pour demander les droits des « Maîtres ». L’or se met à tinter à la porte de Tribschen. L’impresario parisien Pasdeloup fait monter les enchères pour acquérir l’exclusivité française de la nouvelle œuvre. Puis la glorification de l’art allemand à laquelle se livre Hans - Wagner - Sachs sera dommageablement entendue par le Troisième Reich. Les Nazis s’empareront de l’œuvre. Ils en feront l’étendard musical de ses Reichsparteitage où des milliers bras tendus vont remplacer le défilé des apprentis, tant il est vrai que l’art et le nationalisme enfantent trop souvent des rejetons pervers.



Vincent Borel est un journaliste et romancier, il est notamment l’auteur de deux ouvrages sur Lully,d’un essai sur l’art lyrique Un curieux à l’opéra (Actes Sud) et de Richard W. (Sabine Wespieser éditeur, 2013).

  • « Les Maîtres chanteurs de Nuremberg » - Trailer
  • Die Meistersinger von Nürnberg - Richard Wagner

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