Alors que Die Meistersinger von Nürnberg est à l’affiche de l’Opéra Bastille, la musicologue Corinne Schneider a retracé pour nous les grandes dates de l’idylle tumultueuse de Richard Wagner avec Paris.
1861 : L’échec de Tannhäuser
Pour la
première fois, un ouvrage de Wagner est représenté à Paris et c’est sur l’ordre
direct de Napoléon III, grâce aux investigations de la princesse Pauline de
Metternich (l’épouse de l’ambassadeur d’Autriche) qui entretenait des relations
amicales avec le couple impérial et qui avait assisté à une représentation de Tannhäuser à Dresde. Installé à Paris
pour l’occasion, Wagner établit une version française de l’œuvre avec l’aide de
Charles Nuitter (alors bibliothécaire de l’Opéra de Paris) et modifie en
plusieurs endroits sa partition de 1845. Pour satisfaire aux exigences de la
première scène lyrique parisienne, il ajoute notamment un ballet qu’il place à
la suite du premier tableau, au lieu de l’intégrer au deuxième acte, comme il
était alors d’usage. Après six mois de travail et plus de 160 répétitions
laborieusement menées au goût de Wagner par Pierre-Louis Dietsch, la première
représentation (13 mars) rencontre les sifflets d’une partie de la salle :
une cabale est organisée par les membres du Jockey-Club au sujet de
l’emplacement du ballet. La haute société parisienne, celle du faubourg
Saint-Germain comprenant bon nombre d’anti-bonapartistes, participe à cette
opposition qui prend une tournure politique en présence du couple impérial à la
deuxième représentation (18 mars), tandis que la presse se déchaîne en
caricatures et en pamphlets au sujet de la « musique de l’avenir ». Wagner
finit par retirer son ouvrage de l’affiche après la troisième représentation (24
mars). S’il faut attendre trois décennies avant que le nom de Wagner ne figure
à nouveau à l’affiche de l’Opéra, un premier cercle de fervents défenseurs de sa
musique s’est néanmoins formé sous le Second Empire autour de Baudelaire,
Champfleury, Mendès, Pauline Viardot, Gounod ou encore Pasdeloup, qui fait
représenter Rienzi sur la scène du
Théâtre-Lyrique en 1869.
1891 : Lohengrin, une consécration tardive
Une Capitulation, c’est le titre donné par
Wagner en 1870 à un vaudeville rédigé sur le mode d’une « comédie à la
manière antique » pour railler la défaite des Français dans le conflit
franco-prussien. Longtemps les Parisiens se souviendront de ce pamphlet qui
constitue un frein considérable à la réception de ses opéras dans la capitale.
Bien après la mort du compositeur, le nom seul de Wagner cristallise encore une
germanité malvenue dans un contexte politique nationaliste très tendu. Lamoureux
se voit ainsi obligé d’annuler les représentations de Lohengrin à l’Eden-Théâtre après que la première du 3 mai 1887 ait
causé à l’extérieur de la salle une révolte antigermanique qui nécessite l’intervention
des forces de l’ordre. Au rythme des affaires politiques et diplomatiques entre
les deux pays, les wagnérophobes s’opposent aux wagnérophiles néanmoins de plus
en plus nombreux à se rendre au Festival de Bayreuth et à se presser aux concerts
parisiens dirigés par Pasdeloup, Lamoureux et Colonne qui programment sans
relâche des pages symphoniques et des extraits chantés d’opéras. Alors que Lohengrin a déjà obtenu plus d’une
centaine de représentations dans plusieurs villes de France en 1891, il faut tout
de même attendre le 16 septembre de la même année pour que l’ouvrage figure à l’affiche
du Palais Garnier. Après 174 répétitions, alors que la garde républicaine encercle
encore le bâtiment afin de contrecarrer tout débordement boulangiste ou germanophobe,
la création dans la version française de Nuitter avec Rose Caron et Ernest
Van Dyck sous la direction de Lamoureux remporte un succès éclatant et
l’ouvrage ne quitte plus la première scène lyrique parisienne jusqu’en 1914. Toujours
dans une traduction française, La
Walkyrie (1893), Tannhäuser (1895),
Les Maîtres chanteurs de Nüremberg (1897),
Siegfried (1902) et Tristan et Isolde (1904) intègrent alors
coup sur coup le répertoire, sans qu’aucun de ces ouvrages ne détrône toutefois
Lohengrin qui reste alors le plus
grand succès public wagnérien de l’Opéra de Paris (totalisant 327 représentations
de 1891 à 1914).
1911 : De la première Tétralogie à Parsifal avec André Messager
Malgré
son entrée tardive à l’Opéra de Paris, Wagner est finalement le compositeur qui
obtient le plus grand nombre d’ouvrages représentés sur cette scène entre 1875
et 1914 en totalisant 9 œuvres, devant Massenet qui en compte 7, Saint-Saëns (5),
Gounod (4) et Verdi (4). Dès son arrivée comme codirecteur du Palais Garnier, André
Messager intègre au répertoire Le
Crépuscule des Dieux (1908) et L’Or
du Rhin (1909). Fervent défenseur des œuvres de Wagner sans tomber dans la
wagnéromanie, il s’était rendu à Bayreuth en 1886 (Parsifal et Tristan ), en
1888 (Parsifal et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg ) et
en 1896 (Tétralogie ) avant de faire ses
débuts de chef wagnérien à Marseille en 1897 en dirigeant La Walkyrie . C’est sous son impulsion que l’Opéra de Paris inscrit donc
en 1909 à son répertoire la Tétralogie
au complet, dans la traduction française « en prose rythmée »
d’Alfred Ernst. En juin 1911, Messager invite Felix Weingartner et Arthur
Nikisch a
diriger deux cycles en soirées rapprochées, pour la première fois sur le modèle
de Bayreuth (le 10, L’Or du Rhin , le 11, La Walkyrie , le 13, Siegfried et le 15, Le
Crépuscule des Dieux ; puis le 24, L’Or
du Rhin, le 25, La Walkyrie , le
27, Siegfried et le 29, « Le
Crépuscule »). Une deuxième édition est programmée l’année suivante, à
nouveau sous la direction de Weingartner (1er cycle, les 15, 16, 18
et 20 juin) et celle de Messager (2e cycle, les 24, 28 juin et 3
juillet, sans La Walkyrie ). L’âge
d’or de Wagner au Palais Garnier culmine le 4 janvier 1914 avec la création
française de Parsifal (dans la
traduction d’Alfred Ernst), en présence du Président de la République. André
Messager est l’un des premiers chefs d’orchestre à s’être arrogé l’ultime œuvre
du compositeur sur laquelle Bayreuth avait posé un monopole
(lequel s’achevait le 31 décembre 1913). Quelques mois avant la déclaration de
la guerre, les représentations parisiennes de Parsifal magnifiées par Lucienne Bréval, Paul Franz et Marcel Journet, font
salle comble et obtiennent un retentissement international.
1932 : Le triomphe de Wilhelm Furtwängler
Pendant
la Première Guerre mondiale, Wagner est frappé à Paris d’un ostracisme complet.
À l’issue du conflit, la capitale vit désormais au rythme des nouvelles
tendances modernistes et les représentations wagnériennes ne retrouvent pas la
fréquence qu’elles avaient connue avant la guerre. Elles reprennent tardivement
avec La Walkyrie (à partir du 5
janvier 1921) et une frange du public demeure fidèle à ce répertoire même si la
critique se plaint des mises en scène désuètes et des toiles poussiéreuses
d’avant-guerre. Tout au long de la direction de Jacques Rouché (1914-1945), les
opéras de Wagner (surtout La Walkyrie
et Lohengrin ) restent à l’affiche de la
première scène lyrique française où brillent à cette époque notamment Georges
Thill et Germaine Lubin, pour la première fois Isolde à l’Opéra Paris en 1930. Tandis
que Philippe Gaubert dirige la majorité des représentations au fil des saisons,
Wilhelm Furtwängler est invité entre 1932 et 1938 à diriger 19 exécutions de Tristan et Isolde (1932, 1933, 1934,
1935, 1938), de La Walkyrie (1933,
1935), des Maîtres Chanteurs de Nuremberg
(1934, 1936) et de Siegfried (1938)
avec une distribution vocale allemande, donc le plus souvent en langue
allemande. C’est lui qui assure une triomphale centième représentation de « Tristan »
le 21 juin 1938 avec Germaine Lubin dont il disait qu’elle était « la plus
grande Isolde qu’il ait jamais entendue ». L’Opéra de Paris et Furtwängler
participent ainsi activement au rapprochement franco-allemand de l’Entre-deux-guerres
initié par les accords de Locarno (1925) qui entendaient « substituer à l’esprit
de précaution, de soupçon ou de revanche, l’esprit de solidarité »
(Aristide Briand). La
France le remercie en lui remettant l’Ordre du mérite (1929), puis la Légion
d’Honneur le 20 février 1939 : une nouvelle dont la diffusion en Allemagne
est interdite par Hitler. Quelques mois plus tard, les représentations de La Walkyrie qu’il doit donner en juin
1939 sont annulées par le gouvernement français « pour des raisons
politiques ».
Création du « Vaisseau fantôme » à l’Opéra en 1937. © DR
1937 : Le Vaisseau fantôme, enfin
Pourquoi
l’intégration du Vaisseau fantôme au
répertoire de la première scène lyrique française est-elle si tardive ?
C’est qu’à Paris, l’œuvre faisait partie du répertoire de l’Opéra-Comique
depuis que Léon Carvalho l’avait créée pour la première fois sur une scène de
la capitale (salle du Châtelet), le 17 mai 1897 (reprises dans une nouvelle
mise en scène d’Albert Carré en 1904 et 1911). Les difficultés financières
rencontrées par cette institution dans les années 1930 incitèrent l’État
(décret du 13 août 1936) à placer l’Opéra-Comique et l’Opéra sous une gestion
unique, confiée à Jacques Rouché (directeur du Palais Garnier depuis 1914). Si
les deux scènes lyriques conservaient leur troupe et leur répertoire
spécifique, quelques échangent s’instaurèrent. C’est à l’occasion de cette
nouvelle structuration (nommée Réunion des théâtres lyriques nationaux, loi du
14 janvier 1939) que Le Vaisseau fantôme
transite du répertoire de l’Opéra-Comique à celui de l’Opéra, donc dans cette
même traduction française établie par Wagner et Nuitter en juillet 1861. Avant
d’être représentée à l’Opéra-Comique en 1897, cette version avait été créée du
vivant du compositeur au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles en 1872. L’œuvre
résonne pour la première fois au Palais Garnier le 27 décembre 1937 avec Germaine
Hoerner et Martial Singher sous la direction de Philippe Gaubert, dans une mise
en scène de Pierre Chéreau. Elle est donnée 19 fois avant que les portes de l’établissement
ne se ferment le 1er septembre 1939 pour cause de mobilisation
générale. À cette époque, plus personne n’avait alors en mémoire l’autre Vaisseau fantôme de l’Opéra de Paris, celui
créé le 9 novembre 1842 (12 représentations…), dont la musique avait été composée
par Pierre-Louis Dietsch sur un livret (Le
Vaisseau fantôme ou Le maudit des mers ) établi par Paul Foucher et
Bénédict-Henri Révoil à partir de l’idée et d’un synopsis vendus au directeur Léon
Pillet pour 500 francs le 2 juillet 1841 par Wagner lui-même, alors fraîchement
arrivé à Paris avec l’ambition de conquérir les planches de la première scène
lyrique française.
1951 : Les débuts de Régine Crespin dans Lohengrin
Sous
l’Occupation, si la direction de l’Opéra réussit malgré tout à donner 33
représentations (en langue française) du Vaisseau fantôme
et 14 de l’Or du Rhin , la Propagandastaffel
lui impose surtout les tournées de troupes lyriques allemandes destinées à
satisfaire les occupants. Vifs sont les souvenirs de la façade du Palais
Garnier parée des emblèmes du régime nazi à l’occasion de représentations à
guichets fermés et sur invitation (donc uniquement réservées aux Allemands) de Die Walkyrie (par l’Opéra de Mannheim en
mars 1941), de Tristan und Isolde
(par le Staatsoper de Berlin avec
Germaine Lubin sous la direction de Karajan en présence de Winifred Wagner en
mai 1941 – sur l’ordre d’Hitler pour fêter la chute de Paris) ou de Der Fliegende Holländer (par la troupe
de l’Opéra de Cologne en juin 1942). Au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, la population parisienne s’émeut de la récupération de Wagner par le
nazisme et la réception de ses œuvres en pâtit, les représentations
wagnériennes ne reprenant au Palais Garnier que le 16 août 1946 avec Le Vaisseau fantôme . Le premier événement
wagnérien d’importance après la guerre est le retour triomphal le 16 mai 1947 du
ténor canadien Raoul Jobin dans Lohengrin, son premier grand rôle wagnérien. Du
côté féminin, une artiste française parvient par son talent à donner un souffle
nouveau à l’interprétation des grands rôles wagnériens : Régine Crespin, fraîchement
diplômée du Conservatoire de Paris, incarne Elsa (Lohengrin ) dès 1950 à Mulhouse, un rôle qui la propulse immédiatement
sur la première scène lyrique parisienne où elle fait ses débuts, le 10 août
1951, sous la direction d’André Cluytens. Elle incarne alors à Garnier les plus
grands rôles du répertoire avant que sa carrière ne prenne une dimension internationale
en 1958 lorsque Wieland Wagner la choisit pour interpréter Kundry (Parsifal ) au Festival de Bayreuth sous
la direction de Hans Knappertsbusch en dépit du fait qu’elle n’avait encore jamais
chanté en langue allemande. Régine Crespin incarne ensuite Sieglinde (Bayreuth,
Vienne) et Brünnhilde (Salzbourg, New York, Los Angeles) sur les plus grandes
scènes internationales.
1955 : Der Ring des Nibelungen pour la première fois en allemand avec Hans Knappertsbusch
Alors que
la troupe de l’Opéra chante encore l’ensemble du répertoire étranger en langue
française et que les décors du début du siècle servent toujours aux
représentations de la plupart des opéras de Wagner, les artistes et les chœurs
de l’Opéra de Stuttgart sous la direction de Ferdinand Leitner sont invités pour
trois représentations de Parsifal (24,
26 et 28 mars 1954) chantées à cette occasion pour la première fois en langue
allemande au Palais Garnier. Le Ring est
également représenté pour la première fois en allemand en 1955 (1er cycle, les
7, 11, 13 et 18 mai et 2e cycle, les 21, 23, 25 et 27 mai), sous la
direction de Hans Knappertsbusch, dans une mise en scène de Karl Schmid-Bloss,
avec une distribution comprenant notamment Sigurd Björling et Hans Hotter
(Wotan), Ludwig Suthaus et Günther Treptow (Siegmund), Leonie Rysanek
(Sieglinde) et Martha Mödl (Brünnhilde), Bernd Aldenhoff, Hans Beirer et Günter
Treptow (Siegfried). Une reprise a lieu avec le même chef en 1957 (L’Or du Rhin , les 3 et 6 mai, La Walkyrie , les 10 et 13 mai, Siegfried , les 17 et 20 mai et Le Crépuscule des Dieux , les 24 et 27
mai) avec une distribution légèrement différente et une mise en scène réglée par
José Beckmans. Hans Knappertsbusch – qui avait soutenu une thèse de philosophie
sur le personnage de Kundry (Université de Bonn) avant d’être chef assistant de
Siegfried Wagner et de Hans Richter à Bayreuth au début des années 1910 – est à
cette époque l’un des plus grands chefs d’orchestre wagnériens : c’est lui
qui avait dirigé à la réouverture du Festival de Bayreuth (Neues Bayreuth ), en 1951, la légendaire production de Parsifal dans la mise en scène épurée et
stylisée de Wieland Wagner (55 représentations jusqu’en 1964) ; viennent
ensuite à Bayreuth six Ring (1951,
1956, 1957 et 1958), treize Maîtres Chanteurs
(1951, 1952 et 1960) et trois Vaisseau
Fantôme (1955). À partir du Ring
de 1955, le Palais Garnier reçoit régulièrement Hans Knappertsbusch, notamment
en 1956 et en 1958 pour six représentations de Tristan et Isolde avec Astrid Varnay. Francis Poulenc écrit en
octobre 1956 (Musica n° 31 ) que
le chef allemand estimait à un point tel les musiciens de la première scène
lyrique française qu’il les considérait comme formant « le meilleur
orchestre du monde ».
1966 : Tristan et Isolde de Wieland Wagner
Georges
Auric, directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux depuis 1962,
propose à Wieland Wagner de présenter aux Parisiens le 25 février 1966 une
production entièrement nouvelle de Tristan
et Isolde qui fait événement : en effet, ce sont toujours les décors de
la création de l’ouvrage à Garnier (1904) qui sont utilisés aux représentations
dirigées par Knappertsbusch en 1958 ! Wieland Wagner reprend la mise en
scène, les décors et les costumes établis pour le Festival de Bayreuth en 1962,
celle où l’action prend place dans des espaces lumineux et colorés, nus et
plantés de totems. Wolfgang Windgassen et Birgit Nilsson (première apparition à
l’Opéra de Paris) qui s’étaient produits dans la production originale de
Bayreuth de 1962 à 1970 sous la direction de Karl Böhm, interprètent les cinq représentations
parisiennes de 1966 sous la direction de George Sébastian. Cette production de
référence est ensuite reprise en 1967 et en 1972. La mort prématurée de Wieland
Wagner en octobre 1966 ne lui permettra pas de voir aboutir sa réalisation de La Walkyrie pour Garnier, achevée par
son assistant Peter Lehmann (première le 26 mai 1967, reprises en 1971 et 1972).
Production après production, les années 1950-1960 marquent donc la fin des
représentations des opéras de Wagner en langue française, même si quelques intégrations
au répertoire d’opéras étrangers auront encore recours au français. C’est par
exemple le cas d’Oberon (1825) de
Weber lors de son arrivée tardive à l’Opéra (12 février 1954) dans une adaptation
de Maurice Kufferath et Henri Cain, du Prisonnier
(1950) de Dallapiccola dans une
version traduite par Jean-Marie Martin (21 avril 1968), ou encore de la
traduction d’André Burgaud de Maria
Golovine (1958) de Menotti (8 décembre 1971). On doit la disparition
complète des productions en traduction française à Rolf Liebermann qui pensait
que l’absolue compréhension de la langue n’était pas garante de la
démocratisation d’un opéra. Il est vrai que le disque avait alors largement
popularisé les opéras en langue originale auprès du public.
« En 1861, j’ai sifflé Tannhäuser, aujourd’hui, je l’applaudis… Quand ai-je eu raison ? » - Dessin du caricaturiste Draner © DR
2007 : Tannhäuser de Robert Carsen
Les
années 1980 sont wagnériennes et marquées par de nombreuses nouvelles
productions : Le Vaisseau fantôme
par Silvio Varviso et Jean-Claude Riber (5 décembre 1980) ; Lohengrin par Christoph von Dohnányi et
Jacques Lassalle (29 janvier 1982) ; Tannhäuser
par Uwe Mund et István Szabó (7 juillet 1984) ; Tristan et Isolde par Marek Janowski et Michael Hampe (28
janvier 1985) ; Le Vaisseau fantôme par
Heinrich Hollreiser et Jean-Louis Martinoty (18 mai 1987) et Les Maîtres Chanteurs de Nüremberg par
Lothar Zagrosek et Herbert Wernicke (2 février 1989). Tous les opéras de Wagner
(sauf la Tétralogie et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg ) font
ensuite leur entrée à l’Opéra Bastille dans les années 1990-2000 : Le Vaisseau fantôme par Myung-Whun Chung
et Werner Herzog (23 septembre 1993) ; Lohengrin dans une production du Grand Théâtre de Genève par James
Conlon et Robert Carsen (22 novembre 1996) ; Parsifal par Armin Jordan et Graham Vick (28 mars 1997) ; Tristan et Isolde par James Conlon et
Stein Winge (4 février 1998) ; Le
Vaisseau fantôme par James Conlon et Willy Decker (23 juin 2000) ; Tristan et Isolde par Esa-Pekka Salonen,
Peter Sellars et Bill Viola pour l’installation vidéo (12 avril 2005) ; Tannhäuser par Seiji Ozawa et Robert
Carsen (6 décembre 2007) et Parsifal
par Hartmut Haenchen et Krzysztof Warlikowski (4 mars 2008). Gérard Mortier,
directeur de l’Opéra depuis 2004, impulse la réhabilitation de Tannhäuser , premier opéra de Wagner
représenté à l’Opéra de Paris. La nouvelle production présentée en 2007
réintègre en effet plusieurs passages aménagés par le compositeur pour les
représentations parisiennes de 1861, dont le fameux ballet du premier acte,
chorégraphié à la Bastille par Philippe Giraudeau. Dans la mise en scène de
Robert Carsen, Tannhäuser n’est plus chanteur, mais peintre ; il
représente l’artiste en général et interroge sa place dans la société. Cette
production dirigée par Seiji Ozawa marque également les débuts du grand ténor
wagnérien Stephen Gould sur la première scène parisienne, ainsi que la première
apparition à la Bastille de Nina Stemme lors de la reprise du spectacle en
2011.
2010-2013 : Le premier Ring à l’Opéra Bastille
Depuis le Ring de 1957 dirigé par Hans Knaperrtsbusch – sans compter la tentative malheureusement avortée de Rolf Liebermann en 1976 avec le tandem Peter Stein et Klaus Michael pour la mise en scène et la direction musicale de Georg Solti – la première scène lyrique française avait fait l’impasse sur le grand cycle wagnérien. Les Parisiens avaient toutefois pu entendre la Tétralogie au concert à deux reprises par l’Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la direction de Marek Janowski (Théâtre du Châtelet, 1986 et Salle Pleyel, 1992) puis en version scénique en 1994 sous l’impulsion de Stéphane Lissner au Théâtre du Châtelet avec l’Orchestre national de France sous la direction de Jeffrey Tate dans la mise en scène de Pierre Strosser, et encore en 2005-2006, toujours au Théâtre du Châtelet alors dirigé par Jean-Pierre Brossmann, avec l’Orchestre de Paris sous la direction de Christophe Eschenbach dans la mise en scène de Robert Wilson. C’est au chef d’orchestre Philippe Jordan que la Bastille doit sa première Tétralogie , mise en scène par Günter Kramer : L’Or du Rhin (4 mars 2010), La Walkyrie (30 mai 2010), Siegfried (1er mars 2011) et Le Crépuscule des Dieux (3 juin 2011), puis le cycle en continu nommé « Ring 2013 » pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Wagner (les 18, 19, 23 et 26 juin 2013).
Actuel Directeur musical de
l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan fut l’assistant de Jeffrey Tate pour
le
Ring du Châtelet de 1994 et a expérimenté
la tradition germanique auprès de Daniel Barenboïm (dont il est l’assistant à
la Deutsche Staatsoper de Berlin de 1998 à 2001) qui lui transmet son
expérience de Bayreuth autant que l’héritage berlinois. Il dirige sa première
Tétralogie en 2008-2009 à l’Opéra de Zurich
avec la mise en scène, les décors et les éclairages de Robert Wilson (reprise
de la production de 2001). Avec la
Tétralogie
parisienne, Jordan confirme son engagement de chef wagnérien. Il a fait ses
débuts au Festival de Bayreuth dans
Parsifal
en 2012.
Les recherches de Corinne Schneider portent sur les
échanges musicaux entre la France et l'Allemagne (installation de troupes
lyriques allemandes à Paris, traduction française des livrets allemands,
réception en France de Weber, Beethoven, Wagner). Elle a notamment publié une
étude sur la réception de Schubert : Reflets schubertiens (Fayard/Mirare,
2008). Docteur en musicologie, elle est actuellement responsable du département
musicologie et analyse du Conservatoire de Paris.