Pensée et construite pour n’être que provisoire à la suite de l’assassinat du duc de Berry, la salle Le Peletier héberge l’Opéra pendant cinquante-deux années particulièrement fastueuses et fécondes d’un point de vue artistique. L’architecte François Debret, déjà responsable du projet de restauration de la basilique Saint-Denis, possède un budget de 900 000 francs pour aménager l’Hôtel de Choiseul, suite à l’ordonnance royale du 9 août 1820. Cet hôtel particulier, devenu bien national en 1793, est le seul lieu assez vaste et possédant assez de terrain pour permettre de bâtir une salle de spectacle aux dimensions souhaitées. Sans altérer les décorations du nouveau bâtiment, Debret réutilise et insère beaucoup d’éléments de la salle de la rue de Richelieu (décors, machineries, mais aussi charpentes et menuiseries).
Inaugurée le 16 août 1821 avec sept mois de retard, la salle Le Peletier peut accueillir 1800 spectateurs dans un espace scénique qui a les mêmes dimensions que celui de la salle de la rue de Richelieu. Les espaces publics du théâtre, comme les galeries, le foyer et les corridors sont cependant beaucoup plus larges. L’intérieur de la salle est particulièrement luxueux, avec des couleurs à dominante blanc et or ; sa superbe acoustique ravit le public, de même que les lampes à gaz qui illuminent les décors à partir de 1822 pour Aladin ou La Lampe merveilleuse, un opéra-féerie signé Nicolo et Benincori pour la musique et Pierre Gardel pour la chorégraphie.
Tous ces éléments font du séjour de l’Opéra à la salle Peletier une période mémorable. La salle accueille les triomphes du grand opéra français : Le Prophète et Robert le Diable de Meyerbeer, mais aussi l’échec de Wagner avec Tannhäuser.
Les bals masqués battent toujours leur plein à l’Opéra, et à partir de 1837, le cancan y fait son apparition. Les abonnés fréquentent les danseuses et leur rendent visite dans le Foyer de la danse avant le début des représentations.
Toute cette activité cesse avec l’immense et destructeur incendie du 28 octobre 1873. Tout est perdu : décors, costumes, partitions, même si le souffleur de l’Opéra et Charles Nuitter parviennent à récupérer les documents historiques de la maison. L’attentat manqué d’Orsini contre l’Empereur en 1858 à l’Opéra avait enclenché la construction du Palais Garnier, mais celui-ci n’est pas achevé ; la troupe se déplace donc salle Ventadour dans l’intervalle.