Grand mécène de la première moitié du XXe siècle, patron des parfums L.T. Piver, Jacques Rouché dirigea La Grande Revue et le Théâtre des Arts (aujourd’hui Théâtre Hébertot) avant d’être nommé à la direction de l’Opéra de Paris en remplacement d’André Messager et Leimistin Broussan. Sa nomination ne suscite pas l’enthousiasme : elle consacre l’ascension d’un parfumeur qui n’est pas du sérail et qui a peu d’expérience théâtrale… Jacques Rouché met à profit l’année qui le sépare de sa prise de fonction pour entreprendre un long voyage d’études et visiter les grandes salles d’Opéra européennes. Il y rencontre directeurs, régisseurs, décorateurs, compositeurs, professeurs de chant et de danse… Alors que Jacques Rouché vient d’entrer en fonction en septembre 1914, le Palais Garnier ferme en raison de la guerre et ne rouvrira que 18 mois plus tard pour quelques spectacles notamment Samson et Dalila (1916) et Castor et Pollux (1918).
La paix revenue, Jacques Rouché programme de nombreux compositeurs contemporains, français et étrangers, parmi lesquels Claude Debussy, Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Francis Poulenc, Serge Prokofiev, Richard Strauss… L’arrivée dans les années 30 de Serge Lifar permet à la danse de retrouver tout son prestige. La fréquentation du Palais Garnier n’est cependant pas à la hauteur, les déficits s’aggravent menaçant de ruiner Jacques Rouché qui a investi une grande partie de sa fortune pour assurer le bon fonctionnement de la Maison. En 1939, le gouvernement français crée la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux (RTLN), réunissant l’Opéra et l’Opéra-Comique. Jaques Rouché en est l’administrateur général. L’Occupation allemande modifie profondément la situation de l’Opéra. Réfugié avec une partie de l’Orchestre à Cahors, Rouché reçoit, en juillet 1940, l’ordre du maréchal Pétain de revenir à Paris. Il souhaite abandonner ses fonctions à la tête de la RTLN mais le personnel finit par le convaincre de reprendre son poste. Les lois d’exclusion à l’encontre des Juifs (1940) l’obligent à se séparer d’une trentaine de personnes, mais il maintient leur rémunération sur ses propres deniers jusqu’en 1942.
Sommé de s’expliquer sur son attitude pendant la guerre, Rouché est traduit devant une chambre civique. Acquitté, il est cependant révoqué en janvier 1945 et se retire dans son hôtel particulier, où il meurt en novembre 1957.