À la suite de l’attentat d’Orsini dirigé contre Napoléon III en 1858, la construction d’une salle définitive pour l’Opéra est déclarée « d’utilité publique ». Dans le cadre de l’urbanisme haussmannien, seule une construction sur une grande place semble pouvoir assurer la sécurité du chef de l’État. Ce dernier, Napoléon III, veut aussi marquer son passage dans l’architecture de Paris et édifier une salle somptueuse à sa gloire. Un concours d’architecture est lancé en décembre 1860, que Charles Garnier remporte en mai 1861 parmi 171 propositions.
Les travaux commencent en janvier 1862 pour une inauguration qui a lieu le 5 janvier 1875. Le chantier doit faire face à de nombreuses difficultés, en particulier celui de l’assèchement de la nappe phréatique qui se trouve à l’emplacement du futur bâtiment : sept mois sont nécessaires au pompage de l’eau et à la réalisation d’une cuve pour contenir le « lac » souterrain. Les travaux coûtent cher, et la guerre de 1870 contre la Prusse puis la chute du Second Empire impliquent de faire revoter les crédits par la IIIe République pour les achever.
La splendeur du « Palais Garnier » n’en est toutefois pas affectée : l’édifice éblouit par la noblesse de ses matériaux (marbres de toutes les couleurs, mosaïques, ors) et de sa profusion de décors, tableaux et statues. La composition architecturale met à l’honneur les espaces publics avec le Grand Foyer, les Pavillons, la Rotonde du Glacier, le Grand Vestibule et le mythique Grand Escalier : l’Opéra est un lieu de sociabilité mondaine et bourgeoise. Aucune modification notoire ne sera apportée à l’ensemble, sauf le remplacement de la peinture du plafond de la salle de spectacle par celle de Chagall en 1964.
Le nouvel Opéra est également riche en innovations techniques, dès sa construction. En plus de pouvoir accueillir 2 156 spectateurs, il est le premier opéra électrifié du monde (une centrale électrique est aménagée au sous-sol). La création d’Aïda (Verdi) en 1881 se fait ainsi sans éclairage au gaz, qui finit par se faire complètement remplacer. Cela sollicite un nouveau mode d’écoute des œuvres, où le spectateur, plongé dans le noir de la salle, se focalise uniquement sur la scène éclairée et non plus sur ce qui se passe dans la salle. L’Opéra Garnier est aussi le théâtre d’essais du phonographe et du théâtrophone, inventions de la fin de siècle qui pour l’une enregistre et pour l’autre retransmet les spectacles. En 1975, on retransmet pour la première fois un opéra en direct à la télévision avec le Don Giovanni (Mozart).