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© Matthieu Pajot

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Une minute pour comprendre l’intrigue

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Dessine-moi Les Puritains

Par Matthieu Pajot

« L’Opéra doit faire pleurer, trembler et mourir le public », disait Bellini à Pepoli qui s’en alla chercher pour son livret un sujet dans le romantisme noir, peuplé d’héroïnes diaphanes.

Dernier opéra du compositeur, Les Puritains raconte l’histoire d’amour contrarié entre un royaliste et la fille d’un républicain, qui sombrera dans la folie.

Une œuvre périlleuse à laquelle Laurent Pelly offre une dramaturgie piranésienne, aussi précise et tranchante que l’est ce grand festival belcantiste.

© Goskino / Proletkult - Collection Christophel

Le Ring, allégorie du capitalisme triomphant au XIXe siècle

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Wagner critique des temps industriels

07 min

Le Ring, allégorie du capitalisme triomphant au XIXe siècle

Par Jean-François Candoni

Amorcée en 1848 – année de la publication du Manifeste du parti communiste de Marx et Engels – la conception de L’Anneau du Nibelung est contemporaine des événements révolutionnaires de Dresde auxquels Wagner prend part aux côtés de l’anarchiste Bakounine. Dans ce contexte insurrectionnel, le compositeur dresse une critique économique et sociale de son temps dont plusieurs facettes abreuvent la Tétralogie. 

Wagner réaliste

Wagner affirmait, alors qu’il était en pleine phase d’élaboration du livret de L’Or du Rhin, faire « partie de ces gens pour qui l’idée même de capital associé à des dividendes est un phénomène parfaitement immoral » (lettre à Julie Ritter, 9.12.1851). Parallèlement, son œuvre artistique n’est restée indifférente ni aux phénomènes d’industrialisation galopante de la seconde moitié du XIXe siècle, ni à la montée en puissance du système capitaliste. Si en effet le scénario du Ring s’appuie sur d’anciens mythes germaniques et scandinaves, Wagner les actualise de façon assez spectaculaire, et met en scène une véritable allégorie du monde du XIXe siècle, accordant une place éminente aux interrogations sur les rapports de pouvoir, sur la place de l’homme et de la nature dans la société moderne.

Qualifié par ses contemporains de « réaliste romantique moderne » (Eduard Krüger), et même de « Courbet de la musique » (François-Joseph Fétis), Wagner nous offre dans le Ring quelques moments illustrant de façon saisissante, à la fois réaliste et poétique, le monde de l’industrie. Dans la scène du Nibelheim en particulier, il brosse un tableau très sombre de l’univers dans lequel le prolétariat est exploité sans vergogne par la nouvelle classe dominante, incarnée par Alberich. Tout y est : le vacarme assourdissant des forges, les colonnes de vapeur et l’odeur de soufre, la pénombre brumeuse interrompue par des flammèches et des étincelles, sans oublier les lancinants gémissements du peuple des Nibelungen asservi par un maître tyrannique et mégalomane.

Le compositeur lui-même suggère un parallèle entre les forges du Nibelheim et les installations industrielles qui s’implantent dans toute l’Europe de la seconde moitié du XIXe siècle. Lors d’un voyage à Londres en 1877, il s’attarde en effet sur le spectacle des activités usinières et commerciales qui se déploient sur les rives de la Tamise et s’exclame : « C’est ici que le rêve d’Alberich s’est accompli. Nibelheim, domination du monde, activité, travail, on perçoit partout la pression de la vapeur et de la brume » (Journal de Cosima Wagner). 

L’anneau, un portefeuille boursier

Mais les références aux relations économiques dans le monde capitaliste moderne ne se limitent pas à quelques tableaux isolés, aussi spectaculaires soient-ils ; elles sous-tendent l’ensemble de la Tétralogie et s’articulent autour d’un objet symbole, l’anneau. C’est autour de ce dernier que se cristallisent la volonté de pouvoir sous toutes ses formes, la cupidité et l’égoïsme. Dans l’un de ses derniers essais, Connais-toi toi-même (1881), le compositeur qualifie l’or de « démon de l’humanité qui étouffe toute innocence » et compare l’anneau du Nibelung à un « portefeuille boursier ».

L’anneau est un symbole, et il présente à ce titre deux aspects : c’est un objet visible, qui attire le regard (la dimension matérielle est essentielle à tout symbole), mais il renvoie en même temps à quelque chose d’abstrait, ce qui lui permet de cristalliser tous les fantasmes, en particulier le désir de possession et de pouvoir. On pourrait dire en paraphrasant Le Capital de Karl Marx que l’anneau d’Alberich, un objet simple en apparence, est en fait une sorte de fétiche, « une chose très complexe, pleine de subtilités métaphysiques ». La spécificité de ce symbole réside chez Wagner dans sa fluidité, dans sa capacité à circuler constamment et à passer rapidement de main en main – c’est là une qualité qu’il partage avec l’argent ou les actions. Contrairement à ce que voudraient les lois de l’économie moderne, la circulation de l’anneau ne se fait toutefois pas dans le cadre d’échanges librement consentis, mais de manière violente, par la dépossession brutale, voire par le meurtre.

Reprenant à son compte la fameuse formule de Pierre-Joseph Proudhon, « la propriété, c’est le vol », Wagner montre dans le Ring que l’or ne peut être possédé qu’en étant dérobé à autrui. Après le crime originel, le vol de l’or par Alberich, c’est Wotan qui arrache l’anneau au Nibelung ; contraint et forcé, le maître des dieux cède ensuite aux géants le trésor volé à Alberich pour régler sa dette envers eux ; Fafner abat alors Fasolt pour devenir le seul possesseur de l’anneau ; Siegfried tue ensuite Fafner, s’empare du trésor et offre l’anneau à Brünnhilde, avant de l’arracher des mains de cette dernière dans une scène d’une violence inouïe, qui s’apparente à un viol. Pour finir, Gunther et Hagen tentent vainement de s’emparer de l’anneau sur le cadavre de Siegfried, précipitant ainsi leur propre perte.

La grève. Film muet russe réalisé par Sergei M Eisenstein, 1925. Collection Christophel
La grève. Film muet russe réalisé par Sergei M Eisenstein, 1925. Collection Christophel © Goskino / Proletkult

La vie spectrale des possesseurs de l’anneau

La théorie de la libre concurrence propre au capitalisme moderne prend chez Wagner le visage hideux de relations de rivalité impitoyables, faites de méchanceté, de tentatives de déstabilisation, de haine ou de violence, que ce soit entre Alberich et son frère Mime, entre Alberich et son fils Hagen, entre Fafner et son frère Fasolt, entre Siegfried et son père adoptif Mime, ou entre Wotan et Alberich.

À ces relations dégradées entre les personnes, à cette aliénation de l’homme par rapport aux autres hommes s’ajoute une auto-aliénation de l’individu : Alberich, le maître tout-puissant des Nibelungen n’est plus, dans les deux dernières journées du Ring, qu’un misérable vagabond rongé par l’envie et la rancœur, Wotan se transforme de son côté en un voyageur fantomatique, spectateur impuissant de son inéluctable déclin, Siegfried, incarnation de l’innocence et de la spontanéité, devient quant à lui dans Le Crépuscule des dieux le complice (et la victime consentante) des sordides intrigues ourdies par Hagen. Mais la métamorphose la plus spectaculaire est celle du géant Fafner, changé après s’être emparé de l’anneau en un dragon hideux et réduit à une existence végétative. D’ailleurs, la phrase qu’il prononce lorsque Wotan et Alberich viennent le réveiller est devenue emblématique de l’attitude du capitaliste vautré sur ses biens accumulés : « Je gis et je possède. Laissez-moi dormir. » Les victimes de l’anneau – elles le sont avant tout de leur propre cupidité – n’ont plus qu’une existence spectrale, comme si l’anneau les avait vidées de leur substance vitale pour s’en nourrir lui-même.

On pense ici à la fameuse analyse de Karl Marx (auteur que Wagner n’avait pas lu, mais dont il connaissait à l’évidence les grandes thèses) : « Ce que tu ne peux pas faire, ton argent le peut, il peut manger, boire, aller au bal, au théâtre, il connaît l’art, l’érudition, les raretés anciennes, le pouvoir politique, il peut voyager, il peut t’attribuer tout cela, il peut tout acheter, il est la véritable fortune et la véritable capacité » (Manuscrits de 1844). Ne maniant pas l’ironie avec la même habileté que Marx, Wagner affirmait quant à lui dans un essai de 1848 que l’« émancipation du genre humain » ne pourrait se réaliser qu’après que cette « démoniaque notion d’argent » se serait évanouie tel un mauvais rêve provoqué par « un maléfique gnome nocturne ». 

© Julien Benhamou / OnP

Le mystère Onéguine ou Pouchkine chez Terpsichore

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Du roman en vers au ballet théâtral

07 min

Le mystère Onéguine ou Pouchkine chez Terpsichore

Par Tristan Bera

Dotant la langue russe de nouvelles qualités littéraires, Alexandre Pouchkine signe avec Eugène Onéguine un chef-d’œuvre de roman tragique. Plus d’un siècle après, le chorégraphe John Cranko, chantre du ballet narratif, s’empare des thématiques pouchkiniennes, donnant ainsi forme à sa vision d’un « ballet théâtral », capable de porter par le seul mouvement la densité passionnelle du récit. En revenant aux origines de l’histoire de ce roman en vers, Tristan Bera tisse le lien indéfectible qui réunit la littérature à la danse. 


Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine est le chef-d’œuvre fondateur de la littérature russe moderne. « Encyclopédie de la vie russe », comme le critique Vissarion Belinski le définit à l’issue de sa parution en un volume unique en 1833, le roman de 5541 vers, écrit en tétramètres iambiques, est aussi un exercice de style virtuose et majeur qui sacre l’aura de poète national de son auteur. Aux yeux des exégètes, Pouchkine, avant Tolstoï et Dostoïevski, incarne le premier des Modernes et ce que la postérité nomme de manière vague et indéfinie « l’âme russe ». Né en 1799 à Moscou, il est par son père l’héritier d’une noblesse ancestrale et par sa mère l’arrière-petit-fils d’un esclave noir offert en tribut au premier empereur. Ce double héritage est peut-être au cœur des dynamiques de tensions en jeu dans l’écriture et la vie du poète. Dès sa prime jeunesse, il est entraîné dans les cercles littéraires de Saint-Pétersbourg, la ville d’apparat en rivalité avec la capitale patriarcale, et commence de s’opposer directement au pouvoir autocratique par voie de « poèmes mutins » et de libelles pamphlétaires. En 1823, ses provocations lui valent l’exil, non pas en Sibérie, mais en Bessarabie, où il commence à composer Eugène Onéguine : « En ce moment, je n’écris pas un roman, mais un roman en vers – différence diabolique ».

Pouchkine travaille sept ans durant sur l’ouvrage. L’histoire, en apparence simple, est celle d’un « fier gandin » de la jeunesse dorée, qui, à la suite d’un héritage, décide de s’installer à la campagne. Fasciné par Napoléon et Lord Byron, dont il possède portraits et écrits, Eugène est un esprit froid que rien n’exalte plus. Mais il fait la rencontre de Lenski, son contraire absolu, un poète romantique à l’âme sincère qui vient de terminer ses études en Allemagne. Celui-ci l’invite chez deux sœurs dont l’une est sa fiancée et l’autre Tatiana Larina. Tatiana, pour sa part, est une rêveuse plongée dans les contes du folklore russe et les romans sentimentaux français. Elle tombe éperdument amoureuse d’Eugène et lui envoie une lettre. Le dandy l’éconduit, à l’occasion d’une rencontre secrète, prétextant sa nature légère, et en retour flirte éhontément avec sa sœur. Cela donne dans les différentes adaptations du roman en ballet une scène de danse mémorable qui suscite bien naturellement l’ire de Lenski, lequel provoque Onéguine en duel. Le héros tue son camarade, puis s’exile. Après une ellipse de cinq ans d’errance à travers le pays, Eugène retrouve par hasard Tatiana, éblouissante, lors d’un bal donné par son mari à Saint-Pétersbourg et lui demande à son tour un entretien privé. Dans la scène finale du roman, Tatiana, répugnée par la vulgarité et l’immoralité d’un adultère, résiste à la déclaration d’amour, par trop tardive, d’Eugène, sans lui cacher pour autant la profondeur idéale de ses sentiments à son égard. Eugène « reste là, tétanisé », et l’auteur, pour conclure, s’adresse au lecteur, devenu ainsi un personnage de l’histoire, en proclamant « l’horizon du roman libre ».    
Alexandre Pouchkine. Manuscrit avec croquis de la main du poète. Maison Pouchkine, Académie des Sciences de Russie, Saint-Pétersbourg
Alexandre Pouchkine. Manuscrit avec croquis de la main du poète. Maison Pouchkine, Académie des Sciences de Russie, Saint-Pétersbourg © akg-images / Sputnik

En 1850, Ivan Tourgueniev publie Le Journal d’un homme de trop qui consacre la figure littéraire de « l’homme inutile » ou « superflu », un personnage-clef pour comprendre le roman russe sous le régime autocratique au XIXe siècle, dont le prototype est le héros éponyme d’Eugène Onéguine. Si Onéguine a des traits comparables, dans la littérature française du XIXe siècle, à René ou Adolphe, les héros de Chateaubriand et de Benjamin Constant, il est profondément lié aux caractéristiques inégalitaires de la société tsariste et au nihilisme radical, qui se développe à partir de 1825 à l’issue de l’insurrection des « décembristes ». Variante du héros romantique et dérivé du héros byronien, « l’homme inutile » est un oisif né riche et privilégié, qui méprise cyniquement les normes sociales et trompe un ennui de nature existentielle dans le jeu, l’alcool, les intrigues amoureuses et les duels. Détaché de la détresse et du sort d’autrui, indifférent à l’iniquité structurelle du pouvoir aristocratique, en dépit de sa position sociale, il est le produit fataliste de l’époque du règne de Nicolas 1er qui correspond à une profonde crise des valeurs.

Mais si le roman est connu de tous les russophones, qui en savent parfois même par cœur des passages entiers, il a surtout été rendu célèbre en Occident par les adaptations de Tchaïkovski à la fin du XIXe siècle et Prokofiev dans la première moitié du XXe siècle. Car les différentes traductions du russe n’ont jamais vraiment pu exporter la beauté de la langue poétique de Pouchkine. Les traducteurs, y compris Vladimir Nabokov, se sont littéralement cassé les dents en voulant transposer le récit en vers. La plupart des traductions apparaissant irrémédiablement plates, le lecteur français a ainsi du mal à imaginer l’éloquence et le souffle du langage de Pouchkine qui a tant inspiré ses contemporains et ses compatriotes. Pour les non russophones, et particulièrement les lecteurs francophones, un vrai mystère donc entoure le roman d’Eugène Onéguine que la barrière de la langue, ses nuances et son rythme, si difficiles à traduire, a contribué à maintenir et épaissir.

C’est finalement la transposition du roman sur la scène d’un opéra qui a le mieux exporté et le plus fidèlement traduit la poétique de Pouchkine, qui, par ailleurs, en son temps, loue « l’imagination vive et le charme prodigieux du ballet ». C’est en 1878, après une nuit sans sommeil comme le veut la légende, que Tchaïkovski aurait achevé l’adaptation du roman en un opéra-ballet en ne gardant de l’opus originel que trois actes, sélectionnant ainsi trois épisodes marquants dans la vie d’Onéguine. L’opéra épisodique, dont la structure est comparable à celle de La Bohème de Puccini également traitée par épisode, considéré à part dans la production de Tchaïkovski comme un ballet pour adultes (à la différence du Lac des cygnes, La Belle au bois dormant ou Casse-Noisette), est l’un des plus beaux exemples d’opéra lyrique, sans pompe et tout en nuances. Grâce à l’opéra-ballet, le roman trouve ainsi, à la croisée de la musique, des arts visuels, du théâtre, de la mode et des nouvelles représentations du corps, sa traduction formelle la plus complète et la plus immédiatement transmissible. En 1965, le chorégraphe sud-africain John Cranko s’essaye à son tour à la transposition en trois actes d’Onéguine sous la forme exclusive du ballet en adaptant la musique de Tchaïkovski grâce aux arrangements et à l’orchestration de Kurt-Heinz Stolze. La mise en scène, entrée au répertoire de l’Opéra de Paris en 2009, est un ballet d’une grande pureté dont l’intrigue recentrée sur le personnage de Tatiana introduit, pour paraphraser Théophile Gautier, le romantisme élégant et retenu de Pouchkine dans le domaine de Terpsichore. Cette relecture laisse songer qu’aucun autre langage que la danse ne saurait se substituer à la langue russe.    

© Andrea Messana / OnP

Inventer pour continuer à rêver

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Entretien avec Laurent Pelly

10 min

Inventer pour continuer à rêver

Par Simon Hatab

En 2013, une nouvelle production des Puritains, mise en scène par Laurent Pelly, entrait au répertoire de l’Opéra national de Paris. À l'occasion de la reprise de cet ouvrage cette saison à l'Opéra Bastille, découvrez l'entretien que Laurent Pelly avait alors accordé au magazine de l’Opéra. Il y exposait sa fascination pour la dernière œuvre de Bellini, les enjeux scénographiques auxquels il avait été confronté et l’utilisation de la vidéo comme ressort dramaturgique. 


En tant que metteur en scène de théâtre et d’opéra, vous fréquentez assidûment le XIXe siècle. Comment situez-vous Les Puritains dans votre géographie personnelle de cette période ?

Laurent Pelly : Entre l’opéra romantique et le bel canto. Ce qui me fascine dans le dernier opéra de Bellini, je crois que c’est avant tout le chant. Il est vrai que j’ai beaucoup travaillé sur le XIXe siècle, mais plutôt sur la seconde moitié. Je n’ai jamais vraiment abordé le bel canto : ni Rossini, ni Verdi – à l’exception de La Traviata que j’ai mise en scène à Santa Fe. Mais La Traviata n’est déjà plus du bel canto : c’est du théâtre. Je me souviens que lorsque j’ai fait L’Elixir d’amour à l’Opéra Bastille – mon premier Donizetti – je me posais beaucoup de questions : certes c’était une pièce comique, très théâtrale, certes ce n’était pas l’aria da capo de Haendel... mais je ne me trouvais pas moins en présence d’un code nouveau pour moi, un code fait de répétitions et de variantes... loin du dialogue chanté. Or, en tant que metteur en scène, ce qui m’intéresse avant tout, c’est de me servir de la forme pour raconter une histoire. Pour « L’Elixir », petit à petit, en utilisant l’énergie des chanteurs, j’étais parvenu à apprivoiser ces codes, à les rendre vivants, à donner du sens à la moindre note, à ne jamais laisser la musique se dérouler gratuitement. Aujourd’hui, j’en suis exactement au même point avec Les Puritains : comment, à partir de cette nouvelle matière musicale, construire une théâtralité ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre avec le chef et les interprètes. Mon plus grand plaisir est de travailler au plus proche des chanteurs et des chœurs, de prendre appui sur leur interprétation pour dessiner ma mise en scène.

Dans une œuvre telle que Les Puritains, le chant – plus que le livret – représente pour vous le véritable enjeu de la mise en scène ?

Oui. Je pars du principe que la musique prédomine parce que l’intrigue est étrangement construite. Sérieuse sans l’être tout à fait. Comment comprendre sinon qu’au début de la pièce, les habitants de la forteresse en liesse annoncent le mariage d’Elvira avec un homme du camp adverse sans que la jeune femme semble être au courant ? Comment comprendre qu’elle essaie son voile nuptial sur une prisonnière qu’elle ne connaît pas, qui se révèlera être la Reine et qui s’enfuira avec Arturo. Tout cela me semble davantage tenir du fantasme que de la réalité. C’est ce qui a motivé notre décision de raconter cette histoire à travers le regard subjectif d’Elvira. Tirer ce fil nous a permis de construire une dramaturgie solide, quitte à s’éloigner de la réalité historique, mais en se référant constamment à la musique. D’ailleurs, cette trame historique m’apparaît davantage comme un prétexte que comme un ressort profond du drame. Contrairement à Victor Hugo qui, lorsqu’il écrit son Cromwell, réunit une documentation considérable, interroge passionnément – à travers la figure du Lord-protecteur – son rapport au mythe napoléonien et à sa propre époque, je ne crois pas que Bellini et son librettiste Pepoli se soient réellement passionnés pour l’Angleterre du XVIIe siècle et le conflit entre Royalistes et Puritains...

Cette façon de raconter une histoire à travers les yeux d’un personnage semble tenir davantage des codes de l’écriture romanesque ou cinématographique que de ceux du théâtre...

Ce sont des médias qui m’inspirent beaucoup. Le cinéma, surtout. J’appréhende souvent l’espace scénique – la construction d’une scénographie – à travers les mouvements d’une caméra imaginaire. Champ, contrechamp, travellings, plans d’ensemble et plans rapprochés... Au théâtre, comment puis-je transposer ces techniques cinématographiques ? Comment puis-je obtenir un rythme de montage ?

© Les Puritains, Opéra Bastille, 2019 © Sébastien Mathé / OnP

Pour Les Puritains, comment traduisez-vous ce principe de « caméra subjective » avec les moyens proprement théâtraux que sont la scénographie, les costumes...?

L’idée était de traiter l’époque – en jouant en costumes et dans un décor historiques – tout en la revisitant : créer un univers mental, rêveur. Avec ma scénographe Chantal Thomas, nous avons imaginé un objet scénographie assez fou, à la fois pur et très complexe. Le décor représente un château anglais inspiré du XVIIe siècle, mais qui se réduirait à ses angles et à ses arrêtes : une immense cage sur un plateau tournant qui enferme le personnage dans un monde rigoureux et austère, historique et irréel. Il en va de même pour les costumes, pour lesquels j’ai travaillé sur des lignes d’époque mais complètement épurées, avec des matières qui ne sont absolument pas réalistes. Nous traitons le chœur, par exemple, d’une façon très graphique. Il apparaît comme un ensemble de pions sur un grand échiquier, des silhouettes extrêmement rigides. Le monde est comme vu à travers le regard d’une Elvira en proie à la folie.

Le recours aux projections vidéo – assez rare dans vos mises en scène – participe-t-il également de ce processus ?

Oui, et c’est intéressant parce que l’utilisation d’un tel dispositif est nouvelle pour moi. C’est une expérience supplémentaire que je tente avec ces Puritains. A certains moments du spectacle sont projetées des images en noir et blanc, des plans rapprochés des personnages, qui nous font perdre nos repères spatiaux et contribuent à cette atmosphère cauchemardesque, cet enfermement dans l’espace mental d’Elvira. Par extension, cette idée dramaturgique me permet également d’aborder le thème du personnage féminin sacrifié, comme dans toutes les œuvres - ou presque - du XIXe siècle.

© Les Puritains, Opéra Bastille, 2019 © Christophe Pelé / OnP

La question de la condition des femmes au XIXe siècle est-elle un sujet qui vous touche particulièrement ?

Non pas la condition des femmes, mais plutôt la jubilation qu’éprouve le spectateur du XIXe siècle à voir souffrir, et souvent mourir, les grandes héroïnes, sacrifiées sur l’autel de la morale bourgeoise. Je viens de refaire La Traviata cet été... Manon est dans le même cas, Carmen également... Parce que ces femmes sortent de la norme, sont en quête de liberté, il y a une sorte de scandale, mais aussi d’excitation réactionnaire à les voir payer de leur vie leur désir d’émancipation. Certes, dans Les Puritains, Elvira survit, mais elle fait tout de même l’expérience de la folie. Et comme elle vit dans un univers guerrier, très masculin, au sein duquel elle tente de vivre ses désirs, je trouve que rêver la pièce à travers ses yeux a du sens.

Parallèlement à la carrière prolifique que vous menez à l’opéra, vous travaillez très régulièrement au théâtre. Que vous apporte ce va-et-vient entre l’art dramatique et l’art lyrique ?

Même si les deux sont liés, même si j’ai l’impression de faire le même métier, travailler à l’opéra a beaucoup apporté à l’homme de théâtre que j’étais. Ce qui m’intéresse beaucoup dans l’art lyrique, c’est la « convention absolue » : dès lors qu’un personnage chante, il faut trouver, inventer des solutions pour pouvoir continuer à rêver. Et comme j’aime justement construire des dramaturgies oniriques, cette « contrainte » me convient parfaitement. L’opéra m’a également appris les grands espaces : c’est très rare que l’on travaille sur d’aussi grands plateaux au théâtre. Et puis, les hasards des programmations ont fait que j’ai beaucoup travaillé sur le répertoire du XIXe à l’opéra et qu’au théâtre, j’ai monté dernièrement deux pièces de Victor Hugo. Alors forcément, les univers se mettent à dialoguer - les époques, les styles, les façons d’envisager le spectacle...


Vous faites souvent référence à Victor Hugo, que, de fait, vous avez beaucoup mis en scène. Vous avez dit en plaisantant, qu’au théâtre, vous pourriez très bien vivre en ne montant que Shakespeare et Hugo. En quoi ces deux auteurs nourrissent-ils particulièrement votre théâtre ?

Hugo et Shakespeare - qui l’inspirait beaucoup - sont pour moi deux grands maîtres parce que leur théâtre mêle intimement tragédie et comédie humaines. Récemment, j’ai mis en scène Macbeth : il s’agit d’une pièce terrible, violente, sanglante, mais dans laquelle je ne peux m’empêcher de voir une dimension farcesque - qu’a très bien perçue Jarry dans « Ubu » - : assassiner tout le monde pour s’approprier et conserver le pouvoir, se murer dans sa propre folie... Cette façon qu’ont Shakespeare et Hugo d’osciller constamment entre la profondeur et légèreté m’aide beaucoup à appréhender les œuvres que je mets en scène, jusqu’à cette production des Puritains : ce château-prison gigantesque et transparent, cette guerre meurtrière et dérisoire...

Comparées à celles d’autres metteurs en scène dont les esthétiques sont immédiatement identifiables, vos mises en scène se suivent mais ne se ressemblent pas – alors même que vous collaborez souvent avec la même scénographe. Est-ce un souci permanent que vous avez de vous renouveler, d’inventer sans reproduire ?

Je ne me pose pas tout à fait le problème en ces termes. Disons que j’ai la conviction que c’est l’œuvre qui doit m’imposer son esthétique. C’est pour cette raison que ma mise en scène des Puritains ne ressemblera ni à Giulio Cesare, ni à L’Elixir d’amour, ni à Platée. Avec ma scénographe Chantal Thomas, nous n’avons aucune recette. Nous aimons toujours repartir à zéro. Bien sûr, j’ai des obsessions, et ma façon de raconter les histoires s’en ressent : je suis fasciné par l’illusion théâtrale, et cette fascination peut se retrouver d’un spectacle à l’autre. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est de me laisser complètement imprégner par l’œuvre. Il arrive que j’éprouve le besoin de transposer, de changer l’époque, de déstructurer une œuvre, parce que nous n’avons plus les références culturelles pour la comprendre. Mais pour d’autres, je m’y refuse absolument. Je viens par exemple de remonter au Japon L’Enfant et les sortilèges. Quand je mets en scène un chef-d’œuvre si complexe dramaturgiquement et scénographiquement, mon rôle est d’abord de tout faire pour qu’il « fonctionne ». Si je commence à le déstructurer, je risque de le tuer... 

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