Communiqué du 5 avril 2019
Un air d’Italie. L’Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution
Organisée par la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris, l’exposition s’inscrit dans le cadre du 350e anniversaire de l’Opéra de Paris et retrace l’histoire, souvent tumultueuse, de la première scène lyrique française, sous un angle inédit : celui de l’intrication continue des modèles français et italien. De 1669 à 1791, l’Opéra de Paris n’a cessé d’exercer sa mission dans une tension permanente entre référence à un modèle transalpin et affirmation d’une ambition nationale. Cent trente pièces (manuscrits, dessins de costumes, maquettes de décor, estampes et partitions) font revivre ces années flamboyantes de l’Opéra, où se croisent les figures de Louis XIV, Lully, Rameau, Gluck, Rousseau et Beaumarchais, alors que Paris s’affirme comme la capitale musicale de l’Europe.
Aux origines : le ballet de cour et l’opéra italien (1600-1669)
Né en Italie au début du xviie siècle, l’opéra réunit tous les arts : musique, chant, danse, poésie dramatique, peinture, architecture. La représentation du premier opéra occidental dont la musique est conservée, Euridice, a lieu à Florence le 6 octobre 1600, jour des noces du roi Henri IV avec Marie de Médicis. Si la nouvelle reine s’emploie à faire la promotion du spectacle italien dès son arrivée en France, c’est seulement quelques années plus tard, sous l’impulsion de Mazarin, que les premiers opéras italiens sont donnés à Paris. Pour les acclimater au goût français, on y ajoute des danses spectaculaires, qui ont les faveurs d’un public friand de ballets de cour où le roi lui-même se produit. De cette hybridation des cultures française et italienne, naît alors l’opéra français.
Les créateurs de l’opéra français (1669-1695)
Les fameuses lettres patentes par lesquelles le roi Louis XIV et son ministre Colbert accordent en 1669 un privilège d’opéra au poète et entrepreneur de spectacles Pierre Perrin illustrent à merveille la pérennité de l’influence italienne sur les arts du spectacle en France. Bien qu’établies « à l’imitation des Italiens », les académies d’opéra doivent promouvoir, à Paris comme en province, des « représentations en musique et en vers français ». C’est donc à la fois en réponse à une forme théâtrale venue de l’étranger et sous l’emprise d’un modèle italien toujours dominant qu’une réélaboration dans un style national naît en France dans la seconde moitié du xviie siècle. Le Florentin Jean-Baptiste Lully en est la figure la plus marquante. En 1672, il rachète le privilège de Perrin, rebaptise l’Opéra de Paris « Académie royale de musique » et invente une forme dramatique spécifiquement française – la tragédie en musique – promise à une grande fortune jusqu’à la Révolution.
L’opéra-ballet (1695-1715)
De la mort de Lully, en 1687, jusqu’à la Régence, s’ouvre une période d’expérimentations impliquant de nombreux compositeurs et chorégraphes, notamment André Campra et Guillaume-Louis Pécour qui contribuent à l’éclosion d’un nouveau genre lyrique, l’« opéra-ballet », dans lequel la danse conquiert un statut égal à celui du chant. Dieux et héros de l’Antiquité cèdent leur place à des personnages modernes, Français, Italiens, Espagnols, Turcs, Chinois, et tout le personnel comique écarté de la scène lyrique par Lully réapparaît à travers les figures dansantes d’Arlequin et Polichinelle, issues de la commedia dell’arte.
L’ère des controverses (1715-1781)
Gagnant en prestige et en renommée dans toute l’Europe, l’Opéra de Paris devient, au XVIIIe siècle, le terrain de nombreuses controverses, tant musicales et chorégraphiques qu’esthétiques. L’une des plus célèbres est la querelle des Bouffons, qui fait rage en 1752 suite à l’arrivée à Paris d’une troupe de chanteurs italiens interprétant La Serva padrona de Pergolèse. Féroce, cette polémique oppose les partisans de l’opéra napolitain, regroupés derrière Rousseau, à ceux de la musique française qui, choqués de voir des « histrions ultramontains » profaner ce temple du goût qu’est l’Opéra de Paris, en appellent à Rameau, vu comme le garant du grand genre de la tragédie. Pendant tout le siècle, alternent ainsi des périodes de restauration de l’ancien répertoire musical national et des moments d’ouverture aux influences étrangères, comme en 1778, lorsque le directeur de l’Opéra programme une saison d’opere buffe et souffle à dessein sur les braises d’une nouvelle querelle franco-italienne, celle des Gluckistes et des Piccinnistes.
À l’aube de la Révolution (1781-1791)
L’incendie de la salle du Palais-Royal contraint l’Opéra à se déplacer dans une nouvelle salle, près de la porte Saint-Martin, où il subit la concurrence des théâtres bordant les boulevards de Paris. Devant renouveler son répertoire, ainsi que son fonds de décors et costumes, il continue d’accueillir des Italiens, parmi lesquels Salieri qui s’emploie à consolider le modèle de la tragédie en musique, mis à mal après le départ de Gluck. En 1787, Tarare, sur un livret de Beaumarchais au parfum révolutionnaire, embrase la capitale. Malgré ce succès, l’Opéra accumule les dettes et doit être cédé à la ville de Paris. Si la loi du 13 janvier 1791 proclamant la liberté des théâtres et la fin du système des privilèges sonne comme un coup de grâce pour l’Opéra, un rapport remis au corps municipal préconise d’en assurer la sauvegarde, ainsi que le rayonnement pour de nombreuses années encore.
Une dizaine de bornes musicales accompagnent le parcours du visiteur, ainsi que deux intermèdes lyriques : une leçon de chant de Stéphanie d’Oustrac et un espace projection avec des extraits vidéos d'œuvres issues du répertoire de l’Académie royale de musique.