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Spectacle / Événement

Lieu

Expérience

Calendrier

  • Entre   et 

Julien Benhamou / OnP

Ballet

Nouveau

Balanchine /​ Teshigawara /​ Bausch

Palais Garnier

du 25 octobre au 16 novembre 2017

2h10 avec 2 entractes

Synopsis

Deux oeuvres de Stravinsky, écrites pour la danse, sont ici réunies : l’une fit scandale à sa création, l’autre marquait le début d’une nouvelle collaboration avec George Balanchine. Agon n’a d’autre argument que la partition et se traduit par une danse pure, abstraite, aux lignes géométriques, faisant écho au titre de l’oeuvre. Dans sa version du Sacre du printemps, Pina Bausch laisse éclater la puissance rythmique de la partition. Sur un sol recouvert de terre, les danseurs se livrent à un rituel bouleversant, traversés d’une énergie exacerbée. Aux côtés de ces deux chefs‑d’oeuvre, Saburo Teshigawara se voit confier une nouvelle création et donne corps à un langage poétique, profond et organique sur le troublant Violin Concerto d’Esa‑Pekka Salonen.

Durée : 2h10 avec 2 entractes

Artistes

Équipe artistique

Distribution

  • mardi 24 octobre 2017 à 19:30
  • mercredi 25 octobre 2017 à 19:30
  • jeudi 26 octobre 2017 à 19:30
  • vendredi 27 octobre 2017 à 19:30
  • samedi 28 octobre 2017 à 19:30
  • mardi 31 octobre 2017 à 19:30
  • jeudi 02 novembre 2017 à 19:30
  • vendredi 03 novembre 2017 à 19:30
  • samedi 04 novembre 2017 à 19:30
  • mardi 07 novembre 2017 à 19:30
  • samedi 11 novembre 2017 à 19:30
  • dimanche 12 novembre 2017 à 14:30
  • mardi 14 novembre 2017 à 19:30
  • jeudi 16 novembre 2017 à 19:30

Dernière mise à jour le 16 novembre 2017, distribution susceptible d’être modifiée.

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Équipe artistique

Distribution

  • mardi 24 octobre 2017 à 19:30
  • mercredi 25 octobre 2017 à 19:30
  • jeudi 26 octobre 2017 à 19:30
  • vendredi 27 octobre 2017 à 19:30
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Équipe artistique

Distribution

  • mardi 24 octobre 2017 à 19:30
  • mercredi 25 octobre 2017 à 19:30
  • jeudi 26 octobre 2017 à 19:30
  • vendredi 27 octobre 2017 à 19:30
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Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Orchestre de l’Opéra national de Paris

Galerie médias

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© Elena Bauer / OnP

La terre dans Le Sacre du printemps

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Un spectacle, un souvenir

04 min

La terre dans Le Sacre du printemps

Par Edouard Gouhier

Le Sacre du printemps revient cet automne sur la scène du Palais Garnier. Dans ce ballet emblématique de la chorégraphe Pina Bausch, les danseurs se livrent corps et âme sur un sol recouvert de terre. Un décor unique qui met également en lumière de manière inédite le rôle fondamental des équipes techniques de l'Opéra de Paris... Edouard Gouhier, Directeur technique adjoint du Palais Garnier, nous confie ses souvenirs de la création du ballet en 1997, et nous dévoile les secrets de fabrication de cette terre particulière.

« Au moment de l’entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris du Sacre du printemps en 1997, j’étais responsable du Bureau d’études de Garnier : je garde un très beau souvenir de cette aventure, de la découverte de cette œuvre percutante qui demande un engagement total des danseurs et aussi – et c’était un souhait de Pina Bausch – une grande implication de la part des techniciens.

C’est apparemment un décor très simple, puisqu’il est uniquement constitué d’un fond, de rideaux latéraux de velours noir et d’un tapis de coton épais sur lequel on étale de la terre sur environ 13,5 mètres par 18 mètres, et 15 centimètres d’épaisseur. Depuis l’origine, nous achetons cette terre - qui est en fait de la tourbe - chez le même fournisseur en Allemagne : cela pour être au plus près de ce que voulait Pina Bausch.

Les poubelles contenant la terre
Les poubelles contenant la terre © Elena Bauer / OnP

La particularité du « Sacre » est qu’on ne baisse pas le rideau lors de la mise en place du décor : pendant l’entracte, le public qui choisit de rester dans la salle peut voir les douze machinistes amener neuf grandes poubelles industrielles remplies chacune d’un peu plus de 600 kilos de terre, les déverser sur le sol puis la ratisser pour obtenir une surface plane. Tout cela doit se faire très rapidement et dans un ordre précis… C’est donc presque une chorégraphie, sous la direction du responsable machiniste !

Pina Bausch s’inspirait beaucoup du quotidien, de ce qui se passait dans la rue… elle aimait montrer les choses. Que les machinistes sortent de l’ombre allait tout à fait dans cette logique. Souvent d’ailleurs, ceux-ci sont applaudis à la fin de l’entracte. Je ne sais pas si Pina l’avait prémédité, mais c’est en tout cas une belle reconnaissance pour ces techniciens dont le métier n’est pas d’être dans la lumière. Et je crois qu’ils sont plutôt fiers de cette participation. Ils savent ce qui va se passer, l’engagement physique absolu des danseurs, et eux aussi s’impliquent pleinement. Je vous assure que lorsque vous avez déversé puis ratissé plus de cinq tonnes de terre en moins de 20 minutes, vous sortez de là fatigué !

Ce décor fait véritablement corps avec les danseurs qui, pieds nus, courent, tombent, se relèvent, se roulent sur le sol et finissent recouverts de terre. Il y a un aspect très primitif. Dans cette logique, la compagnie de Pina Bausch, le Tanztheater Wuppertal, danse ce ballet sur une tourbe brute. Dès 1997, nous avons préféré, pour la sécurité des danseurs, la tamiser pour éliminer les petits déchets qu’on pourrait y trouver. Les machinistes deviennent ensuite « jardiniers », car la terre doit être entretenue, mouillée, présenter le bon niveau d’humidité, pour n’être ni boueuse, ni glissante, ni trop volatile ou poussiéreuse… il y a tout un savoir-faire pour la rendre idéale à l’heure H. Les danseurs qui connaissent bien la production nous aident d’ailleurs à trouver le bon réglage.

Le Sacre du printemps de Pina Bausch clôt souvent un spectacle de ballets pour des raisons techniques, car il faut un certain temps pour ramasser la terre après la performance, mais aussi, je crois, pour des raisons dramaturgiques : l’œuvre est si forte qu’il est difficile d’enchaîner sur autre chose. À chaque nouvelle reprise du « Sacre », c’est la même émotion, le même choc. C’est un immense plaisir et une grande fierté de travailler sur cette œuvre, d’une modernité toujours bouleversante. »

Lors d'une répétition, les machinistes préparent le plateau pour
Lors d'une répétition, les machinistes préparent le plateau pour "Le Sacre du printemps" 10 images

Propos recueillis par Juliette Puaux

© Julien Benhamou / OnP

Souvenirs d’Élues dans Le Sacre du printemps

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Les danseuses Étoiles Eleonora Abbagnato et Alice Renavand se confient.

08 min

Souvenirs d’Élues dans Le Sacre du printemps

Par Aliénor de Foucaud

Sur un plateau recouvert d’une couche de terre pour seul décor, les danseurs se livrent à une lutte aussi sauvage que poétique, jusqu’à l’épuisement. Le Ballet de l’Opéra de Paris est la seule compagnie, en dehors du Tanztheater Wuppertal, à qui Pina Bausch a confié l’œuvre mythique qu’est Le Sacre du Printemps. Les Étoiles Eleonora Abbagnato et Alice Renavand interprètent cet automne le rôle de l’Élue sur la scène du Palais Garnier. Elles reviennent sur ce ballet, leur rencontre avec une artiste hors pair et une expérience chorégraphique qui ne les a pas laissées indemnes.    

Eleonora Abbagnato
« J’ai eu la chance d’être distribuée dans Le Sacre du printemps dès son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 1997. J’avais intégré le Corps de Ballet un an plus tôt. Encore quadrille à l’époque, j’étais très impressionnée d’être auditionnée aux côtés de Patrick Dupond et Marie-Claude Pietragalla. Lors de l’audition, Pina souhaitait voir défiler tous les danseurs de la compagnie afin de pouvoir donner sa chance à chacun de nous, sans différenciation de grade ou d’ancienneté. Ce sont avant tout les personnalités des danseurs qui l’intéressaient. Nous avons commencé par répéter le cercle, point de départ du ballet et climax le plus fort du groupe. C’est là qu’il se forme et se construit sur scène. Certains très jeunes danseurs ont été retenus, moi-même je n’avais que 18 ans à l’époque.

Eleonora Abbagnato dans le rôle de l’Élue, Opéra de Paris, 2010
Eleonora Abbagnato dans le rôle de l’Élue, Opéra de Paris, 2010 © Sébastien Mathé / OnP

Pina m’a d’abord choisie pour interpréter la jeune fille qui se retrouve au milieu du groupe à deux moments du ballet, celle que l’on protège comme étant la plus fragile. Cette fragilité, elle l’a décelée très vite en me voyant danser dès la première audition. Elle percevait en chacun de nous une singularité, un trait de personnalité qui venait ensuite se refléter sur scène. Chaque rôle au sein du groupe était attribué de façon très précise et réfléchie. Rien n’était jamais laissé au hasard.

En répétition, Pina nous faisait beaucoup courir, elle nous demandait de tracer des diagonales dans les studios en courant, pour apprendre à nous libérer et à lâcher prise. J’appréhendais alors sa danse comme celle du souffle et de la liberté. Cette première découverte a eu un impact fort dans mon parcours de danseuse et dans ma vie. Elle m’a ouverte à un nouveau champ de possibles. En offrant Le Sacre du printemps au Ballet de l’Opéra de Paris, Pina nous a appris à nous sentir un vrai groupe en scène. Nous passions des journées entières en studio sans se séparer. Des personnalités fortes de la compagnie se mêlaient au Corps de Ballet, nous appartenions à une même famille. J’ai ensuite eu la chance de danser « Le Sacre » chaque fois qu’il a été repris. J’ai interprété le solo de l’Élue en 2002 pour la première fois et ai pu à l’époque le répéter avec Pina. En studio et sur scène, la difficulté technique s’allie à l’épreuve psychologique auquel ce ballet nous soumet. Chaque soir est une nouvelle métamorphose qui nous pousse dans nos retranchements et nous oblige à sortir de nous-mêmes. Je me souviens qu’à une époque, ma mère ne souhaitait plus me voir danser ce ballet, elle ne m’y reconnaissait plus. L’état dans lequel nous sommes plongés nous éloigne même du public. Lors des dernières représentations du Sacre en 2015, je n’arrivais même plus à saluer, j’avais besoin d’un temps de latence pour récupérer et me raccrocher à ce qui se passait dans la salle. Le temps du ballet était comme suspendu.
C’est probablement la dernière fois que j’interprète ce rôle et que je danse Le Sacre du printemps. J’ai 40 ans et ma retraite approche ! C’est toujours étrange de répéter sans Pina Bausch. Malgré la qualité des répétiteurs présents et leur grande générosité, ils n’ont pas son regard. Pina ne faisait pas de différence entre les danseurs, nous étions tous considérés de la même façon. Elle parvenait à nous apaiser et à nous donner confiance en nous. Nous nous sommes construits, la plupart d’entre nous depuis l’Ecole de Danse, dans la la pression de devoir être le meilleur pour être remarqué et sortir du lot. Pina nous calmait. C’est une grande rencontre, tant artistique qu’humaine. »



Alice Renavand
« J’ai dansé le Sacre du printemps pour la première fois en 1998. Le ballet était entré au répertoire de l’Opéra un an plus tôt. Je venais d’intégrer le Corps de Ballet comme quadrille et j’avais pris du poids. Lors de l’audition pour être distribuée dans le groupe de femmes, Pina Bausch m’a remarquée. J’étais sûre de ne pas être prise, au regard de mon physique, le costume étant par ailleurs très dévoilant, mais je me souviens m’être beaucoup amusée. Pina est venue me chercher au fond du studio, m’a prise par la main et m’a proposé de danser. À partir de ce moment-là, une relation indéfectible s’est installée entre elle et moi et tout particulièrement avec ce ballet qui m’a suivie tout au long de ma carrière. C’était la première fois que quelqu’un portait sur moi un regard bienveillant ; je ne correspondais pas aux canons de la compagnie à l’époque et Pina m’a redonné confiance en moi. Elle m’a appris à utiliser sur scène le mal-être et la colère que je portais. J’ai ensuite été distribuée dans Le Sacre du printemps à chaque fois que le ballet a été repris, sur la scène du Palais Garnier et en tournée.

Alice Renavand dans le rôle de l’Élue, Opéra de Paris, 2015
Alice Renavand dans le rôle de l’Élue, Opéra de Paris, 2015 © Julien Benhamou / OnP

C’est ainsi qu’à Épidaure, en Grèce, le soir de mon anniversaire, Pina m’a solennellement annoncé : « La prochaine fois que « Le Sacre » est donné à Paris, tu danseras l’Élue, ça y est tu es prête. » Pina Bausch nous a malheureusement quittés entre-temps.

Depuis sa découverte en 1997, ce ballet m’habite. Déjà à l’époque, j’écoutais inlassablement la partition de Stravinsky et m’amusais à le danser toute seule. Lorsqu’en 2010, j’ai interprété l’Élue pour la première fois, les répétiteurs et membres du Tanztheater Wuppertal, Josephine Ann Endicott et Dominique Mercy, étaient là pour me guider. J’étais alors Sujet. J’ai commencé à travailler à partir de supports vidéo et me suis plongée dans la partition pour appréhender la musicalité de l’œuvre. Le solo de l’Élue a ceci de particulier qu’il est éprouvant tant physiquement qu’émotionnellement. Quoi qu’il arrive, cette danse nous achève. Danser dans la terre ajoute à la difficulté de l’interprétation. En studio, j’ai appris d’abord à maîtriser parfaitement la technique avant d’entrer dans la transe du solo. Cette transe habite le ballet, tous les danseurs sont portés vers un état second, quasi primitif. Sur scène, des liens se créent, une solidarité traverse le groupe. Nous n’avons pas de directive particulière hormis celle de laisser transparaître son émotion. Chaque représentation est différente, nous ne pouvons pas toujours anticiper ce qui émanera de notre prestation.

Pina Bausch est une grande chorégraphe et une grande artiste de son temps. Elle attribuait des rôles précis à chaque danseur, parvenant à déceler chez eux leur singularité propre d’artiste, mais aussi de personne. Chez moi, elle a perçu une profonde sensibilité et une colère. En 1998, je dansais la femme qui court. Au fur et à mesure, j’ai interprété des rôles différents selon mes émotions, ma construction de jeune femme, comme si ce ballet me suivait dans mon évolution au sein de la compagnie. Ce ballet est un cheminement, un challenge nouveau chaque soir, une mise à nu totale de soi qui vient s’ajouter à la difficulté technique et à l’importante charge émotionnelle qu’il possède.

Aujourd’hui, c’est sûrement la dernière fois que j’interprète le rôle de l’Élue sur la scène du Palais Garnier. J’ai 37 ans et garde un souvenir immense de cette femme et de cette œuvre. Pina m’a donné un nouveau souffle, elle m’a réappris à respirer, le buste offert à la vie. Elle m’a encouragée à puiser en moi des émotions dont je ne soupçonnais pas l’existence. »

Podcast Balanchine/Teshigawara/Bausch

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique

07 min

Podcast Balanchine/Teshigawara/Bausch

Par Stéphane Grant, France Musique

  • En partenariat avec France Musique

Trois chorégraphes, deux compositeurs : la soirée s’ouvre et se referme sur la musique de Stravinsky ; des lignes pures et virtuoses que George Balanchine dessine pour Agon, à la beauté violente et inoubliable du Sacre du printemps revisité par Pina Bausch. Entre les deux : Grand miroir, le nouveau ballet du poétique Saburo Teshigawara, met en mouvement le Concerto pour violon d’Esa-Pekka Salonen, grand musicien de notre temps...


Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Judith Chaine pour le lyrique et Stéphane Grant pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.        

© Agathe Poupeney / OnP

L’incessant mouvement de la vie

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En répétition de Grand Miroir, la nouvelle création de Saburō Teshigawara

5:39 min

L’incessant mouvement de la vie

Par Octave

Invité pour la troisième fois à l’Opéra de Paris, le chorégraphe japonais Saburō Teshigawara continue d’explorer les rencontres possibles entre texture sonore, image poétique et rythme organique des corps. Sa nouvelle pièce Grand Miroir est inspirée du poème « La musique » de Charles Baudelaire et dialogue avec le Concerto pour violon d’Esa‑Pekka Salonen. Une partition tout à la fois virtuose et brillante qui parvient à résonner avec la danse méditative et onirique de Teshigawara. Entre deux répétitions, il nous ouvre les portes de sa création tandis que la danseuse Lydie Vareilhes évoque la découverte d’un langage corporel où règnent souffle et liberté.

© Katja Tähjä

Diriger Janáček, Stravinsky et Salonen

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Entretien avec Esa-Pekka Salonen

7:42 min

Diriger Janáček, Stravinsky et Salonen

Par Marion Mirande

Chef principal du Philharmonia Orchestra, Esa-Pekka Salonen est à la tête de l’Orchestre de l’Opéra pour De la maison des morts de Janáček dans la mise en scène de Patrice Chéreau. Une production créée en 2007 à Vienne et dont il avait assuré la première américaine au Metropolitan Opera de New York en 2009 et italienne à La Scala de Milan en 2010. Au Palais Garnier, c’est en sa qualité de chef d’orchestre et de compositeur qu’il s’est récemment illustré avec le Ballet de l’Opéra. Lors des représentations mettant à l’honneur Grand Miroir, création de Saburo Teshigawara sur son Concerto pour violon, il dirigeait sa propre partition ainsi que Le Sacre du printemps et Agon de Stravinsky, dans les chorégraphies de Pina Bausch et George Balanchine. 


Écoutez la playlist de De la maison des morts

Les filles argiles

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Modestes comme la terre

12 min

Les filles argiles

Par Julien Dufresne-Lamy

Elles ont sept ans lorsqu’elles entrent dans la ferme de Grand. Trente lorsqu’elles la quitteront. Entre-temps, les filles argiles remuent la terre, vivent à l’intérieur du sol et répondent aux ordres et règles dictés par l’homme au pantalon noir. Julien Dufresne-Lamy s’empare du Sacre du printemps de Pina Bausch et de ses femmes de la terre, livrant une fiction en hommage aux rebelles, aux fragiles et aux amoureuses qui luttent pour apprendre à ne jamais se taire.     

Les filles argiles

Nous sommes les quatre filles de Grand.
On ne nous prénomme pas.

Nous avons sept ans et c’est déjà une belle histoire. Nous vivons dans une ferme bordée par les sapins et les ruches d’abeilles. Une ferme près de laquelle poussent les vergerettes à poils rudes, les bambous verts et les tapis de mousse. Grand nous dit qu’on est très heureuses. Dans la terre, on ne met pas de bottes. On reste pieds nus pour toucher les cailloux et le limon. On aime sentir les crevasses respirer. On s’amuse bien. On regarde les veaux naître. On marche, on craquelle les dernières branches mortes de l’hiver. On cueille le cerfeuil et les mûres, on les croque à pleines dents, ça gicle, nos visages deviennent des confitures.

Dans son pantalon toujours noir, Grand nous laisse jouer. Il nous surnomme les filles argiles. Lui, il faut l’appeler Grand et jamais autrement. C’est lui qui fixe les règles. Il faut dormir tôt, ne pas exciter les bêtes. Il faut se cacher dans la grange quand un visiteur sonne la cloche en contrebas de la colline. Grand nous fait confiance. Il ne fixe plus le gros cadenas acier sur la porte. On peut caresser les veaux dans la paille et jouer les mamans.

Nous avons dix ans et nous sommes toutes amoureuses de Grand. Il nous raconte des histoires. Des contes sur le monde avant nous, quand il y avait des villes, des routes, des monuments. Grand nous réunit dans son cabinet autour de lui et de sa longue barbe blanche. Il nous décrit les ouragans et les tempêtes qui, avant, portaient des noms de femmes. Les côtes noyées par l’océan, les plages oubliées, les tumeurs. Les œufs contaminés, les suicides, les mariages homosexuels. Les hommes barbus dans les déserts qui tranchaient des têtes. Des barbus sanguinaires, rien à voir avec Jésus. Dans les histoires du Grand, il y a toujours des fantômes, des feux follets, une Dame Blanche, des peurs et des loups-garous. Des vampires qui vivaient dans un mur qu’on appelait Wall Street.

Dans la ferme, on se répartit les tâches. Pas question de lézarder sur les dalles au soleil. Grand tient un cahier dans lequel il consigne nos corvées. La traite des vaches, la repique des laitues, le nettoyage des gouttières, le barattage du beurre, on ne chôme pas. On applique des cotons imbibés de liqueur de Villatte sur les sabots de la jument et on prépare la marmite, midi et soir. Grand veille continuellement à nous séparer. Quand on est toutes ensemble, il s’imagine que l’on ricane dans son dos. Il pense que les filles argiles complotent.

Nous avons douze ans et nos regards sont caramel. Nos poitrines se forment, nos hanches s’arrondissent. Sur le sol, nos chevelures forment des flaques brunes qui cachent les traces de sang des bêtes. Grand les assassine au couteau. Les poulets, les verrats surtout et les vaches aussi, quand on les disait folles. Un coup de canif et hop. Le sang imbibe les dalles de la cour près des groseilliers. Parfois avec le couteau, Grand nous coupe les cheveux. Grand n’aime pas qu’on salisse la maison et qu’on joue les belles demoiselles. Nous sommes les filles argiles. Nous devons être modestes comme la terre.

Quand on voit le couteau sur la table de la cuisine, on fuit à toutes jambes dans la forêt pleine de grenouilles. On court, en tapant du pied la tourbe qui retombe en poussière. Grand nous retrouve toujours. Il nous passe un savon. Parfois, nous voudrions nous mettre en colère. On s’imagine lui régler son compte, lui tendre des pièges, comme le cheptel qu’il mène à la cravache. Pour aller mieux, nous cueillons les orties pour que nos peaux piquent jusqu’à ce que la nuit tombe.

Quand l’hiver repart, Grand ouvre la vieille armoire normande en bois verni. Il sort des tissus gris des étagères et il nous dit de nous confectionner des robes longues sous le genou. On se regarde toutes les quatre. On ressemble à des femmes et on ricasse.

Nous avons quatorze ans et nous partons à la sauvette alors que Grand roupille. On fiche le camp. On est bien trop curieuses. À force d’histoires, on veut voir si Grand dit vrai. À dos de jument, nous descendons la colline, les deux autres suivent en courant. On se tient par la main. On se montre prudentes. La peur de tomber dans les trous des cyclones ou de se faire attraper par les mutants qui rôdent. Plus bas, on découvre des fermes comme la nôtre. C’est décevant. Juste des tracteurs au beau milieu des champs, des puits, des établis, et d’autres animaux qui n’ont rien de suppôts de Satan. On n’a pas le temps de fouiller que Grand apparaît à bord de son tracteur. Son visage paraît furieux. Il nous signale que Dieu nous punira, tôt ou tard.

Cela se passe à la première nuit du printemps. Grand vient nous réveiller, muni de son fusil de chasse. Nuit noire. En hurlant, il entre dans la grange. Il nous ordonne de prendre notre Bible et de ramper au sol jusqu’au bunker. Il glapit que des pluies acides se préparent.

On reste à l’abri en récitant des versets de l’Apocalypse. On écoute Grand. Dans le bunker, il y a des bancs en acier fixés aux cloisons. Grand a tout installé pour notre survie. Un groupe électrogène. Des bonbonnes d’eau, des tuyaux, des ampoules à cage d’écureuil et des boites de conserve sans étiquette qu’on ouvre avec les dents. Un crucifix tout en haut qui veille sur nous. Nous avons quatorze ans et nous vivons une année à l’intérieur du sol. Grand dit que c’est de notre faute, il nous traite de vulgum pecus et nous oblige à prier. On se positionne à terre, les genoux sur des grains de riz éparpillés au sol pour comprendre la douleur. Pardonne-nous, Seigneur.

Parfois, Grand nous fait prier toute la journée. On récite à haute voix, en concert, avec les sœurs. Grand est courageux, il enfile son masque à gaz et remonte l’échelle jusqu’à la porte blindée. Il disparaît. En rentrant, il nous dit que la fin du monde a eu lieu.

On sort de la terre, un an plus tard. La forêt est neuve. Les arbres sont soignés, les pétales ressuscités mais nous ne voyons rien. La lumière nous aveugle. Nous prenons quelques minutes avant d’oser respirer. Grand nous fait signe de nous lancer et nous courons toutes les quatre vers les clôtures. Les animaux sont sains et saufs. Dieu les a protégés. Il a fallu prier une année pour sauver la ferme. Nous sommes folles de joie et nous nous serrons toutes les quatre sur l’herbe en faisant une ronde. Grand nous demande de remonter. Il sourit. Il est heureux de retrouver sa terre. Mais il nous attrape par le bras et nous prévient qu’à la prochaine erreur, la ferme partira en fumée et que l’on finira dans les ronces, dévorées par les mutants et les sangliers.

Nous avons quinze ans. Dans la remise, nous découvrons une trappe cachée sous un tapis. À l’intérieur, une malle remplie d’objets. Il y a un vieil appareil qui diffuse de la musique, des mélodies douces qui alourdissent nos paupières. Des souvenirs racontés sur des bandes. Ce sont nos mères qui parlent, leurs mères avant elles, les mères qui sont passées par là. Elles nous racontent leur vie. Dans la malle, il y a des livres, des crayons, des feuilles jaunies et des atlas. Il y a des photographies de clown, de grands magasins et d’animaux de la jungle. Il y a des photographies de femmes, d’enfants et de théâtres, des photographies de tajines et de bouteilles de Coca-Cola et les mères nous expliquent tout ce que cela signifie. Il y a des lettres, des liasses tenues par du fil de lin. Mais nous ne savons pas lire. Lire, c’est être malade et croire en tout et c’est le mal qui couve. Il y a aussi des bijoux. Des colliers qui ressemblent aux jonquilles et aux boutons d’or. Dans la malle, il y a des couleurs et des sourires qui ne ressemblent jamais aux histoires de Grand.

Nous avons seize ans. Nous en avons marre des saisons qui passent, des cochons qui grouinent et des vaches qui mettent bas. L’une après l’autre, Grand nous prend à part. Il nous montre enfin les photos de nos mères. Nos mères à nous, toutes belles avec des couronnes d’œillets sur la tête. Grand nous offre une robe rouge à chacune, il nous dit qu’il est temps. On la garde précieusement sous notre lit de paille et, avant que Grand nous choisisse, on la frotte de copeaux de lait d’avoine pour la faire briller au soleil l’après-midi. À la nuit tombée, Grand nous cueille comme des fleurs. Il nous dit qu’on est radieuses dans notre habit rouge. Grand est gentil. Il éteint toujours la lumière.

Nous avons dix-sept ans et il n’y a plus de mystère. En cachette, nous apprenons à lire et à écrire. Nous partons en douce dans le grenier déchiffrer les lettres des mères. Il faut plusieurs années pour décoder, traduire, démêler les boucles, comprendre les trémas, les majuscules et le son des voyelles. Nous cherchons le sens.

Nous avons vingt ans et nous écrivons à notre tour. Comme nos mères. Quelques mots par jour avant d’accomplir nos besognes. Maintenant, Grand nous appelle ses femmes. Nous ne sommes plus les filles argiles. Nous sommes les femmes de la terre. Il nous a élues et nous nous prosternons. Le soir avant de rejoindre Grand, nous retournons dans la remise, l’une après l’autre. On écrit l’histoire du bunker et des mutants qui n’existent pas.

Nous avons vingt-cinq ans. Nous avons des enfants. Des filles. Des filles uniques, c’était la règle. Interdiction de leur donner un prénom mais on le fait quand même. On les appelle Luzule, Violette, Polygala, comme les fleurs qui poussent en secret dans les bois. Grand les regarde, ému. Mais l’une de nous a accouché d’un mort-né. Dans les élevages, cela arrive fréquemment. Le bébé était un garçon. Nous avons d’abord cru qu’il respirait, qu’il avait crié, on était sûres qu’il avait crié, mais Grand nous a commandé de ne pas nous en mêler. Il est reparti de la pièce avec le corps sous le bras. Au soir venu, nous avons disparu au milieu des bois pour organiser des funérailles et nous avons pleuré toutes les quatre à chaudes larmes dans nos robes grises.

Nous restons là à regarder la forêt oblique qui vient écraser le ciel. On ne sait plus si nous sommes sœurs et si nous vivons dans une maison pleine d’amour ou de colère.

Nous avons trente ans. Grand nous prend en photo. Des portraits serrés devant la porte en pierre. Grand nous fait défiler. Il dit que nous sommes vieilles et fatiguées, que nos mains sont tavelées et nos mémoires esquintées. Il dit qu’à l’intérieur nous avons soixante-dix ans. Nos filles jouent dans les bois avec des branches de cèdre et des bouquets de menthe. Elles sont belles. Elles sont les filles argiles maintenant. Nos visages à nous sont gris. Nous n’avons plus la force d’écrire. C’est la fin de l’hiver. Grand annonce que Dieu nous veut à ses côtés.

Un matin, Grand nous accompagne dans les bois alors que la rosée s’évapore. Dieu nous attend. On se tient la main toutes les quatre. Nous regardons le vert tendre des bosquets, les gestes des rivières et les premiers bourgeons qui, l’air de rien, percent la mousse. On suit Grand au fond des arbres et on prie dans nos têtes. On prie sans douleur et tout doucement. On prie des folies, on prie pour que nos filles qui dorment dans la grange cadenassée apprennent à ne jamais se taire.

Dans la remise avant de partir, nous ouvrons la malle une dernière fois. Sous un lit pâle de scabieuses, nous déposons notre journal. Nous le laissons à nos filles, à nos femmes, aux survivantes, aux rebelles, aux petites qui chantent encore dans leurs mains. Nous l’offrons aux femelles, aux infidèles, aux fragiles et aux païennes. Aux innombrables, aux sourdes, aux tirées d’affaire, aux amoureuses, à toutes celles qui, comme nous, meurent dans la forêt en croyant au miracle.

  • Entretien avec Saburo Teshigawara
  • Le Sacre du printemps (Pina Bausch) - Extrait
  • Balanchine/Teshigawara/Bausch

    — Par En partenariat avec France Musique

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  • Places à 40 € pour les seniors de plus de 65 ans

Retrouvez les univers de l’opéra et du ballet dans les boutiques de l’Opéra national de Paris. Vous pourrez vous y procurer les programmes des spectacles, des livres, des enregistrements, mais aussi une large gamme de papeterie, vêtements et accessoires de mode, des bijoux et objets décoratifs, ainsi que le miel de l’Opéra.

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